Après la défaite 4-1 de son équipe face au Paris FC, le coach guingampais, Frédéric Biancalani, ancien joueur professionnel, n'a pas mâché ses mots. Le technicien attend plus de ses joueuses et pense que la formation des jeunes laisse à désirer en France. Pour lui la saison va être rude, mais il sait aussi que son groupe a du caractère pour rebondir et sortir grandi de cette mauvaise entrée en matière.

 

Journaliste - Pas évident pour la première de la saison ?

Frédéric Biancalani - Ça c'est le moins qu'on puisse dire. On a fait beaucoup, beaucoup trop d'erreurs individuelles pour pouvoir prétendre à quelque chose sur ce match-là. Pourtant on était revenu au score, et je me dis qu'on commence à prendre le dessus et c'est à ce moment-là qu'on refait une seconde boulette.

Quand on fait autant de boulettes, on ne peut pas prétendre à un résultat à l'extérieur, c'est impossible, inconcevable. De toute manière on a été indigne d'une équipe qui veut jouer [le haut de tableau], alors pas tout le monde, mais malheureusement la prestation est collective, indigne d'une équipe qui veut se maintenir et qui veut jouer les troubles-fêtes dans le championnat.

 

"Remettre le couvert et travailler correctement

pour le match à venir"

 

Coeurs de Foot - On n'a pas vu une vraie "leadeuse" sur le terrain, est-ce que c'est quelque chose qui manque au sein de l'équipe pour cette saison, pour apaiser et pousser l'équipe ?

F. B. - On les a, parce que vous n'avez peut-être pas trop entendu [les leadeuses], oui on en a quelques-unes. Après on en a une qui était peut-être en souffrance aujourd'hui, parce qu'elle avait l'adducteur qui sifflait (Louise Fleury), mais bon c'est comme ça. Ça arrive aussi [de ne pas être à 100%], et aujourd'hui je pense que d'autres filles ont pris le relais, Sana (Daoudi) était plutôt bien, Sarah (Cambot) également.

Même si on voit une petite Louise, on voit quand même qu'elle est capable de nous apporter des choses, par rapport à certaines. Moi ce que je leur souhaite c'est de continuer à bosser, continuer à progresser. Il y a deux options, ou on se morfond, ou on travaille, donc on va prendre la deuxième option.

C'est avec le travail qu'on avance, si on ne travaille pas, c'est sûr qu'on ne réussira pas. L'objectif c'est de digérer cette défaite, de bien l'analyser et mardi (à l'entraînement) de remettre le couvert et travailler correctement pour le match à venir, c'est important. On sera encore en déplacement à Reims, pas très loin d'ici, donc... (rires nerveux) mais bon ça fait partie du travail, ce n'est pas un souci, mais il faut qu'on continue, et surtout ne pas baisser les bras à la première difficulté.

 

"Il faut apprendre maintenant dans la difficulté"

 

Journaliste - Vous sortez votre gardienne (à la 65e minute) pour quelle raison ?

F. B. - Elle s'est légèrement blessée à la tête, je crois. C'est une très jeune gardienne, elle n'a que 18 ans, ce n'est pas évident. Mais maintenant il y a deux options, est-ce qu'on la laisse [sur le terrain] et on la met encore plus en difficultés ou on la sort ? Il n'y a jamais de choix évident.

Cindy (Perrault) avait une petite douleur aux cervicales, et on nous avait préconisé de la laisser de côté. A un moment ça a été difficile [de subir les assauts parisiens], donc on a pris le risque [de faire le changement], on s'est consultés sur le banc pour donner aussi des repères à Cindy sur les prochaines prestations, même si on lui a donné que 25 minutes - c'est toujours mieux que de rester sur le banc - pour retrouver des repères sur le terrain et avec les partenaires.

Après c'est sûr que c'est difficile quand on sort, quand on est gardienne, mais il faut apprendre maintenant dans la difficulté, il ne faut pas qu'elle se laisse abattre, on va bien discuter, on n'est pas là pour la tuer, on est là pour l'accompagner. Mais il faut aussi à un moment donné qu'elle se remette en cause par rapport à la situation.

 

Journaliste - Son sentiment sur l'arbitrage, après une saison précédente compliquée avec 17 matches de suspension pour une altercation avec une arbitre lors du match contre Dijon en septembre 2020

F. B. - Aujourd'hui on doit avoir des arbitres, qui se mettent au niveau. Pourtant le match a été de bonne facture, il était tranquille, mais quand on se trompe sur un match tranquille, faut pas s'étonner de ne jamais aller faire Lyon/PSG. Le niveau des arbitres aujourd'hui n'est pas bon. C'est quelque chose qui interroge, mais ça interroge les 12 coachs de D1. Il faut à un moment donné améliorer ce point-là dans le foot féminin. 

En Ligue 1 ça va plus vite, donc les erreurs sont plus difficiles à voir pour l'arbitre, mais le foot féminin ça va à deux à l'heure. Et le souci du foot féminin, c'est que les arbitres qui viennent en D1 - pour monter en Ligue 1, il y a des étapes - passe de la régionale à la D1. Ça manque aussi beaucoup de pédagogie [avec les joueuses et les coachs]. 

 

"Ce qu'il me manque c'est de la concurrence [dans le groupe]."

 

CDF - Vous avez aussi perdu des joueuses cadres pour cette nouvelle saison (Faustine Robert, Solène Durand, Anissa Lahmari...), des joueuses qui vous ont manqué cruellement on l'a vu, vous êtes en reconstruction on peut le dire. Sarah Cambot et Louise Fleury cherchaient énormément un appui sur le couloir droit...

F. B. - (rires nerveux) Ça cherche, oui mais elle n'est pas là (rires), Faustine n'est plus là...

Après faut travailler [sur un autre schéma], on a fait une belle saison l'année dernière, les filles - pour diverses raisons - sont parties. Il faut qu'on travaille avec le groupe qu'on a, on ne va pas se morfondre sur les départs, au contraire il faut souhaiter bonne chance à toutes les filles qui sont parties ailleurs.

Mais c'est trop facile de se dire : "Il nous manque ci, il nous manque ça". Quand on loupe une passe, ce n'est pas la joueuse qui n'est pas là [qui doit être une excuse], c'est à un moment donné se poser les bonnes questions et la remise en cause est comme je le disais est toujours individuelle, permanente, pour être bon sur chaque match, et chaque séance. Moi ce qu'il me manque c'est de la concurrence [dans le groupe].

 

CDF - Vous attendez d'autres joueuses ?

F. B. - Je les attends, mais je n'ai pas le portefeuille (rires). Je ne peux pas tout avoir (sourire), c'est un problème financier...

 

"Le niveau des U19 et de la D1 est énorme, et il se creuse."

 

CDF - C'est vrai que contrairement au Paris FC par exemple, vous n'avez pas un grand vivier de footballeuses en Bretagne ?

F. B. - Oui il y en a beaucoup en région parisienne, que ça soit le PFC, la VGA, PSG, ACBB...

Après nous on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a, on essaye de bien bosser aussi. La chance qu'on a c'est d'être le seul club féminin en D1, donc on arrive quand même à attirer les meilleures joueuses.

La difficulté c'est qu'en amont aujourd'hui le niveau des U19 et de la D1 est énorme, et il se creuse. Tant qu'il n'y aura pas de refonte des championnats et qu'il n'y aura pas des personnes pour protéger les plus jeunes, le football féminin français n'avancera pas. Il ne faut pas s'étonner que les résultats des Bleues soient mauvais. Les jeunes ont de moins en moins le niveau pour jouer dans l'élite, et à l'international. Il n'y a pas assez de joueuses talentueuses en France, parce que la formation n'est pas à la hauteur.

Tant qu'il n'y aura pas de refonte du championnat, tant que ce n'est pas le cas, ça sera le bordel. Ça fait trois ans que je le dis déjà... Ils écoutent, mais ils sont incapables de prendre des décisions.  

Dounia MESLI