La saison devait débuter ce samedi en Espagne, mais la première journée de la nouvelle ligue professionnelle féminine pourrait ne pas avoir lieu. En effet, les arbitres ont confirmé leur volonté de faire grève ce week-end, pour exiger elles-aussi de bénéficier d’un statut professionnel, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

 

Faux départ

Une décision mise à exécution ce samedi, avec les rencontres Atlético de Madrid – Real Sociedad et Alhama CF – Madrid CFF qui n’ont pu dérouler ce samedi midi en l’absence de corps arbitral, et ce malgré la présence des différentes équipes sur les terrains. Au cœur du problème, la demande des arbitres de pouvoir bénéficier d’un statut professionnel, au même titre que les joueuses.

Cette professionnalisation se traduirait par une augmentation des revenus, mais aussi tout une série de garanties (comme l’accès à la protection sociale) associées au nouveau statut. Selon la presse espagnole, une arbitre principale touchait jusqu’à présent 300 euros par match, les deux assistantes 172 euros, et 80 euros pour la quatrième arbitre. Les négociations en cours pourraient aboutir à quadrupler, voire quintupler ces sommes, mais aucun accord n’a pu être trouvé avant le début de la saison.

Cette situation illustre la situation de l’arbitrage dans le football féminin, avec une professionnalisation des championnats qui n’inclut pas mécaniquement celui du corps arbitral. C’est par exemple le cas en Angleterre, où les arbitres de FA WSL ne sont pas professionnelles, alors que la ligue féminine anglaise l’est depuis 2018. Un décalage source de débats sur le « niveau » de l’arbitrage, constituant un frein potentiel à la progression du championnat, mais aussi pour son attractivité auprès du public.

 

Jeux de pouvoir

La situation actuelle souligne également les tensions entre les différents acteurs du football espagnol, et notamment entre la fédération espagnole de football (RFEF) et la ligue professionnelle espagnole (LaLiga), en charge des championnats professionnels masculins. Une lutte de pouvoir et d’influence qui n’est pas nouvelle autour du football féminin espagnol, et qui connaît aujourd’hui un nouvel épisode.

En effet, la mise en place de ligue professionnelle féminine (LPFF) permet aujourd’hui aux dirigeants des clubs de première division féminine de prendre de nouveau leurs distances avec la fédération, chargée de l’organisation du championnat féminin (Primera) jusqu’à présent. Cette compétence est désormais partagée entre la LPFF et la RFEF, et de premières tensions se sont notamment ressenties au moment de l’élaboration du calendrier de la nouvelle saison.

La LPFF dirigée par Beatriz Alvarez, élue au printemps pour organiser le lancement de cette nouvelle ligue féminine professionnelle, a noué de premiers partenariats. C’est le cas pour les droits de diffusion, acquis par DAZN et Mediapro, avec une somme de 35 millions d’euros sur cinq ans. La LPFF a également passé un accord de 42 millions d’euros, sur cinq ans, avec LaLiga, désormais en charge des droits commerciaux et de promotion de la première division féminine, en dehors des droits de diffusion.

 

Un accord dans les prochains jours ?

Ces accords permettent à la nouvelle ligue de se projeter positivement dans cette nouvelle ère du professionnalisme, mais marque également une volonté de sortir du giron de la fédération espagnole, et de son président Luis Rubiales. Les points de frictions semblent systématiques, comme sur le débat concernant les joueuses extracommunautaires. Cette question a finalement été tranché par le Conseil Supérieur des Sports (CSD), avec une réduction progressive du nombre de joueuses par club (de neuf cette saison à trois en 2024/2025).

La situation des arbitres constitue donc l’un de ces sujets de débat, et la LPFF n’a pas manqué d’accuser la fédération espagnole d’instrumentaliser leur situation, mettant directement en cause son président Luis Rubiales. Dans un communiqué, la LPFF accuse notamment la direction de la fédération d’avoir « manipulé (…) le corps arbitral » et menace d’ores et déjà « d’actions disciplinaires [ou] en justice » face à cette grève.

Une ambiance maussade qui vient ternir le lancement du nouveau championnat professionnel, une première dans le sport féminin espagnol. Reste désormais à savoir si les demandes des arbitres seront entendues, alors qu’une nouvelle journée de championnat est théoriquement programmée dès le week-end prochain.

 

Photo : Liga F

Hichem Djemai