Arrivée en 2020 en provenance de Górnik Łęczna, l'internationale polonaise Dominika Grabowska a su rapidement s'intégrer dans son nouveau club de Fleury. La milieu de terrain allie parfaitement technique et vision du jeu, qui font d'elle un atout de taille pour sa nouvelle équipe. Et même si elle ne tire jamais la couverture à elle, la joueuse a de hauts objectifs pour sa carrière. Entretien.

 

Coeurs de Foot - Vous jouiez en Pologne avant de venir en France, comment c’était ? Est-ce que les conditions sont très différentes d’ici, le niveau ? J’imagine qu’il y a peu, voire pas du tout de joueuses professionnelles ? 

Dominika Grabowska - En Pologne c'était très différent, j'ai débuté le football à l'âge de 6 ans avec les garçons. Ce n'est pas la meilleure ligue [de football] on le sait, et je voulais essayer quelque chose de nouveau. J'ai eu la proposition de Fleury, je me suis dit : "Pourquoi pas" et je suis arrivée.

Le championnat n'est pas professionnel, juste trois clubs le sont peut-être, ils investissent dans leur section féminine. Mais dans les autres équipes, les filles travaillent, car elles ne touchent pas assez d'argent, et c'est difficile d'enchaîner les deux, [c'est pour cela que le niveau n'était pas très haut].

 

CDF - Est-ce que vous pouvez nous parler de vos débuts, comment était votre enfance en Pologne ? Avez-vous continué vos études à côté du football ?

D. G. - J'ai eu une bonne enfance, parce que j'étais dans mon pays, j'adore mon pays, j'adore ma famille, tout était bien car tout autour de moi était propice à cela.

J'ai terminé mes études de professeur d'EPS [en Pologne], et quand je suis arrivée à Fleury, j'ai terminé mes dernières années. Le club m'a aidé et ça m'a permis de réussir [ce projet].

 

CDF - Comment est perçu le football féminin ou les filles qui jouent au football en Pologne ?

D. G. - Quand je jouais avec les garçons ils rigolaient, mais c'était mieux pour moi, pour apprendre et ça m'a permis d'avoir un caractère plus fort.

Au début les garçons se moquaient un peu de moi et ensuite quand je leur mettais des petits-ponts on rigolait ensemble et celui qui se prenait le petit-pont ne rigolait plus (sourire). Ce sont les meilleurs moments [au foot].

 

"Je pense que ça a été la meilleure

décision de ma vie"

 

CDF - Avec vous le club de Górnik Łęczna remporte son premier championnat et sa première Coupe de Pologne la même année, et enchaîne jusqu’à votre départ. Quel sentiment gardez-vous de ces moments et comment vous expliquez ces succès ? Vous aviez déjà comme objectif de jouer dans un grand championnat quand vous avez débuté le football ?

D. G. - Oui c'était vraiment très très important pour moi et le groupe de remporter ces titres, parce que c'était les premières fois pour le club. Nous avions vraiment une bonne équipe, nous avons eu de bons moments avec les filles, nous avons fait de bons matches et l'ambiance au sein du groupe était vraiment excellente.

C'est une question difficile (sourire), je pense que nous étions avant tout une bonne équipe toutes ensemble, il n'y avait pas d'individualités. En Pologne si vous avez le bon projet ce n'est pas difficile de remporter le championnat. Ici c'est plus difficile, mais en Pologne il faut surtout avoir un budget pour son équipe et la bonne équipe, une symbiose entre les joueuses.

Oui bien sûr j'ai toujours eu le rêve de venir dans un grand championnat, de jouer dans un autre championnat, essayer quelque chose de nouveau, et je pense que ça a été la meilleure décision de ma vie, actuellement.

 

CDF - Sur le terrain on vous voit souvent apporter la solution à vos coéquipières ou faire parler votre technique, votre vision du jeu, et on a l’impression que vous calculez à l’avance tous vos coups et c’est extrêmement rare, voire inexistant à mon expérience de voir cela. Quel est votre avis à ce sujet ? Quel est votre poste favori sur le terrain justement ?

D. G. - Oui aujourd'hui je me sens bien et comme une joueuse importante dans l'équipe, je le ressens, j'adore parler avec mes coéquipières, j'aime aider aussi mes partenaires, et avec ma technique justement j'ai le sentiment d'aider mon équipe vers l'objectif qu'on s'est fixé.

Mon poste favori c'est milieu de terrain, j'adore parce que je vois tout, et j'adore quand je touche le ballon souvent.

 

"Je réfléchis souvent avant l'action"

 

CDF - On a le sentiment que vous prévoyez les exigences de vos coéquipières avant même qu’elles n’y pensent elles-mêmes ? Vos mouvements, vos déplacements font le travail avant de recevoir des appels de vos coéquipières justement ?

D. G. - Oui c'est très très important pour les joueurs/joueuses qui jouent au milieu [de prévoir les ballons de mes coéquipières], je connais plus ou moins les jeux de mes coéquipières. Je réfléchis souvent avant l'action, ce n'est pas facile, mais c'est capital dans le football.

Parfois je peux être trop agitée sur le terrain, pendant le match j'ai beaucoup d'émotions, beaucoup d'énergie, parce que je veux toujours gagner, ce qui est normal.

 

CDF - Vous faites parfois basculer le match en faveur de votre équipe et c’est quelque chose qui est aussi très impressionnant à voir et apprécié par les puristes du football. C’est quelque chose que vous aimez, dynamiter un match et trouver la faille ?

D. G. - Oui je suis joueuse, j'aime changer la physionomie du match, apporter mon aide à l'équipe, avoir le ballon et c'est normal, mais le football n'est pas un sport individuel. Nous avons besoin des unes des autres et de tout le monde. J'aime courir partout (sourire).

 

"J'adore jouer comme

le FC Barcelone, tiki-taka"

 

CDF - On sent que vous êtes assez perfectionniste ? Vous préférez la qualité des actions à la quantité.

D. G. - Je ne suis pas perfectionniste (sourire gêné). Sur le terrain oui bien sûr, chaque passe, chaque déplacement, chaque mouvement est calculé et doit être parfait.  

J'adore jouer comme le FC Barcelone, tiki-taka (style de jeu footballistique, caractérisé par le mouvement continu du ballon autour d'une série de passes rapides, ndlr), c'est un plaisir pour moi de jouer ainsi.

 

CDF - Votre duo avec Nikola Karczewska en sélection et en club est tout aussi fascinant à observer. Que pouvez-vous nous en dire ? C’est rare de trouver une joueuse avec qui on se comprend si bien sur le terrain ? On a le sentiment que votre génération veut insuffler un nouvel élan pour la sélection ?

D. G. - J'ai joué avec Nikola en Pologne [à Górnik Łęczna], je sais comment elle joue, et elle sait comment moi je joue, donc c'est facile pour se comprendre, parce que je n'ai pas besoin de la voir que je sais ce qu'elle va faire et où elle est.

Nous avons récemment changé de coach en sélection, et le vestiaire à beaucoup changé, il y a beaucoup de jeunes.

 

CDF - Vous avez deux records en sélection, vous êtes la plus jeune joueuse a avoir joué un match officiel (15 ans) et à avoir marqué un but. C’est quelque chose qui vous a encore plus motivé pour devenir footballeuse professionnelle ? 

D. G. - Oui c'est un bon âge [pour débuter], je suis très contente, je suis fière de ces records, et personne ne pourra me les enlever [j'espère]. Je ne m'arrêterais pas, je veux continuer à avancer pas à pas, de plus en plus haut.

Dans le sport c'est très très important de se fixer des objectifs élevés, et même en tant que personne. Tous les jours tu dois avoir de nouveaux objectifs encore et encore, c'est grâce à cela que je suis à Fleury aujourd'hui, et j'en suis heureuse. Maintenant j'en ai d'autres, comme remporter la Champions League.

Quand j'avais 15 ans ma première idée était de profiter de l'instant présent bien sûr, et au fur et à mesure mes objectifs sont arrivés. Quand je suis arrivée à Fleury ma mentalité a également un peu changé, car maintenant je suis adulte.

 

CDF - La Pologne est l’une des équipes européennes qui ne cesse de grandir et de s’affirmer, notamment avec votre match nul 0-0 face à la Norvège et la courte défaite 2-1 et celle contre la Belgique également etc Ça laisse présager de grandes choses pour la Pologne pour le futur ?

D. G. - Oui c'était vraiment de bons résultats, même si nous avons perdu, mais le match nul 0-0 contre la Norvège et le 2-1 aurait aussi peut se terminer sur le même scénario, car ils avaient vraiment peur à la fin du match de notre équipe.

Nous devons jouer plus souvent au même niveau, afin de progresser, nous sommes une jeune équipe et nous avons trop de fluctuation dans nos performances parfois, nous devons avoir plus de régularité pour concurrencer encore plus, les gros pays. Nous devons aller plus haut dans le classement FIFA, car nous avons le potentiel pour y parvenir.

 

CDF - Comme toutes footballeuses vous avez évoqué quelques fois vos objectifs qui sont élevés, gagner un championnat du big five en Europe, jouer à nouveau la Champions League, mais qu’est-ce qui vous motive pour y parvenir ? 

D. G. - Je veux toujours gagner, mes motivations sont claires, ma philosophie est ainsi, remporter un championnat, remporter une Champions League. Je travaille très dur en club pour être forte également en sélection et je peux ainsi aider mon pays à avoir les meilleurs résultats possibles. 

Ma vie c'est ça, et je suis très très heureuse quand je joue au foot et gagne des titres ! Ma famille me soutient beaucoup, ils sont à la première place de mes priorités, c'est très important pour moi de les avoir, car ils m'aident beaucoup pour réaliser mes objectifs.

 

CDF - Malheureusement nous n’aurons pas la chance de vous voir à l’oeuvre au prochain Euro, et ça s’annonce compliqué également pour le prochain mondial 2023, mais est-ce que c’est l’objectif le plus élevé pour vous, et qu’est-ce qui manque à la Pologne pour y parvenir selon vous ? Plus de moyens, plus de Polonaises à l’étranger comme vous, un meilleur championnat pour les joueuses en Pologne ?

D. G. - C'est importantissime pour moi de jouer une compétition majeure avec la sélection, c'est mon rêve, mon grand rêve de se qualifier, je sais que c'est difficile et je ne terminerais pas ma carrière sans être allée à un grand tournoi (rire gêné), je plaisante (sourire). Pour être réaliste nous savons que c'est une tâche ardue, parce que nous ne jouons pas assez régulièrement ensemble et à un niveau suffisant... Mais aujourd'hui je pense que nous sommes une seule équipe et nous avons besoin de temps pour nous développer, petit à petit, et j'espère qu'ainsi nous serons meilleurs. 

Oui je pense que c'est très important, et que les joueuses polonaises devraient jouer dans plus de grands championnats, aller à l'étranger, car la Pologne n'a pas beaucoup de joueuses à l'étranger et c'est un problème je pense. J'adore mon pays, mais quand nous allons dans d'autres championnats, nous jouons mieux en sélection, et nous en avons besoin. Je le vois maintenant, depuis que les joueuses polonaises jouent dans d'autres ligues, leur niveau est accru, on le voit aux entraînements avec l'équipe nationale et ça fait une grande différence.

 

Photo : PZPN

Dounia MESLI