Tout juste après avoir dévoilé sa liste des 23 qui participeront à la Coupe du Monde du 7 juin au 7 juillet, Corinne Diacre a répondu sans rien occulter aux questions des nombreux journalistes présents à la conférence de presse.
« L'objectif c'est d'aller en finale »
Un palier minimum fixé par vous ou la FFF ?
Le Président (Noel Le Graet) m’a fixé l’objectif d’aller en finale. C’est le contrat qui est établi entre lui et moi. Quand j'ai pris la tête de l'équipe de France à la demande du Président Le Graet, les choses étaient je pense assez claires, en tout cas pour moi, ce serait vraiment un échec.
Oui l'objectif est élevé, mais qui peut le plus peut le moins. Cette compétition est chez nous. J’avais cette mission quand le Président m’a fait signer mon contrat en septembre 2017. On a montré de belles choses, on a bien travaillé, l’idée maintenant est de mettre en place tout ce travail le jour J, donc le 7 juin. Je ne peux pas aller à l’encontre de l’opinion de mon Président, sinon je laisse ma place. Et je pense que beaucoup de gens aimeraient être à ma place aujourd'hui, même si l’objectif est élevé, mais ça ne me fait pas peur. Au contraire, ce défi est vraiment excitant à relever. J’en aurais rêver en tant que joueuse. Aujourd'hui je peux le faire en tant qu'entraîneure, donc je vais pas me priver. Et je peux vous assurer que les joueuses ont le également ce même objectif.
Sur une échelle de 1 à 10 comment évaluez vous la préparation de l'équipe de France ?
Je nous mettrai un 7.
Les réservistes dans les 50 de la liste FIFA
Je ne m’interdit rien. Je piocherais vraiment dans le 27 restantes, après tout dépendra du poste aussi. après on fera comme on a fait pour la liste des 23 avec mon staff, on pèsera le pour et le contre de telle joueuse par rapport à une autre, en fonction de ce qui sera blessée, qui on devra remplacer, il y a plein de choses à prendre en considération. Pour le moment, on préfère ne pas réduire cette liste de 27.
« On va reprendre le terrain la semaine prochaine,
c'est plutôt une bonne nouvelle »
Est-ce que les derniers jours, les dernières heures ont été compliquées ? Est-ce que là vous êtes soulagée, lancée ?
Non pas soulagée. Mais c'est vrai que ces derniers jours ont été un petit peu longs et des nuits très courtes surtout (sourire). On va reprendre le terrain la semaine prochaine, c'est plutôt une bonne nouvelle, c’est ce pourquoi on aime être entraîneure. On va retrouver le carré vert la semaine prochaine, ça va être très très bien. Ensuite pas plus impatiente que ça. L'avantage c'est qu'il nous reste un petit peu de temps pour bien préparer les choses et on en a encore quelques unes à bien préparer. Donc à partir du prochain rassemblement il faudra aller dans le même sens toutes et tous.
Est-ce que la question de Gilles Bouleau qui a comparé la façon d'entraîner les hommes et les femmes, vous a agacé ?
Ça m’a agacé au début, quand je suis arrivée à Clermont c’était toujours les mêmes questions qui revenaient. Il y avait cette forme de jugement sur le fait que je sois capable de faire les choses. Je pense que la meilleure des manières [de répondre] était surtout de ne pas parler, c'était d’agir sur le terrain et c'est ce que j'ai fait. Maintenant pour cet été, je ne sais pas si je vais vous rassurer, mais la Coupe du monde elle est féminine, donc j’espère qu’on ne parlera que des joueuses et surtout qu’elles sauront se mettre en valeur. Je pense qu'on pourra comparer les filles aux garçons, que si on a le bonheur d’être championne du monde, là la comparaison ne me dérangera pas du tout.
Qu'est-ce qui a manqué à Kheira Hamraoui, que vous avez pris lors du dernier rassemblement pour cette liste ?
Son profil je le connais, elle est internationale depuis un petit moment. Quand j'étais adjointe de Bruno Bini, elle était déjà dans le groupe. J’ai simplement choisi Clémaron à sa place, tout simplement pour un équilibre d’équipe.
Sur quelles valeurs vous êtes vous appuyées pour cette liste ?
Sur les valeurs de terrain, les performances que les filles ont déjà bien évidement fait avec nous en équipe de France lors des matches pour la préparation à la Coupe du monde. Leurs performances dans leur club, leur investissement également dans leur club. Avec les entraîneurs on s’appelle de temps en temps, on fait des points assez régulier, il y a des choses qui me reviennent aux oreilles, des choses ponctuelles, donc après on en discute avec les filles quand je les ai en rassemblement. Je sais aussi que les filles sont différentes en club et en sélection. L’idée est de savoir malgré tout un maximum de choses, en relation avec le terrain et uniquement le terrain et ensuite de discuter avec les filles pour savoir pourquoi elles ont agi de telles façons et pour qu'elles agissent différemment. Ça instaure une discussion et les filles ont bien compris le message, elles savaient très bien que pour être en équipe de France, il fallait être performante avec leur club.
On entre dans le sprint final ? Quel sera la teneur du discours quand vous allez retrouver vos joueuses la semaine prochaine ?
Déjà je vais avoir un groupe restreint. Puisque je laisse lyonnaises jouer la finale de la Coupe de France et puis se préparer ensuite pour la finale de Ligue des Champions. Ce premier stage, va être l'occasion de se regénérer, car la saison a été longue, les organismes sont fatigués. On va quand même travailler et ça va me permettre d'avoir des entretiens individuels avec les joueuses, qui sont là et de travailler un petit peu plus individualisé également, chose que l'on fait un peu moins quand on est un groupe plus conséquent. On peut dire qu'on rentre dans la dernière ligne droite du sprint final.
Comment préparer le groupe à vivre ensemble ?
On a organisé déjà plusieurs stages avec des coupures pour que les filles puissent se ressourcer en famille. On a essayé de bien équilibrer les choses entre le travail et puis le fait de monter crescendo en puissance, déjà d'un point de vu athlétique. Puis après on aménagera des temps offs, pour que les filles puissent déjà un peu se séparer de nous. Ça leur permettra surtout d’évacuer cette pression, parce qu'elles vont en avoir avec l'enjeu des matches, de cette Coupe du Monde. On va leur accorder des moments offs.
Prochain rassemblement ? Clairefontaine, camp de base des Bleues ?
On démarre un premier stage en Bretagne, la semaine prochaine du 8 au 11 mai. A partir du 13 on sera en préparation à Clairefontaine, entrecoupée d’un jour, un jour et demi ou deux jours de repos, en fonction des stages. Et non Clairefontaine n'est pas notre camp de base, mais on se prépare là-bas. Entre les matches, nous serons dans les hôtels attribués par la FIFA.
« Le football féminin a bien évolué,
en peu de temps »
Les ventes de billets sont très bonnes. Est-ce que vous avez un message aux Français/Françaises qui hésitent encore ?
Oui c'est vrai que les stades sont bien remplis déjà, beaucoup sont à guichets fermés. Qu'est-ce que je pourrais dire pour convaincre les gens ? Qu’ils prennent un peu de temps, s'ils ne viennent pas au stade, déjà qu'ils se mettent devant la TV, puis qu'ils regardent comment le football féminin a bien évolué, en peu de temps grâce aux moyens mis par la Fédération, grâce aux bon travail qui est fait dans les clubs. Aujourd’hui les filles vivent de leur passion, elles sont dans des conditions vraiment optimales. Et puis après j'espère que les gens, une fois qu'ils auront fait ça, prendront du plaisir, comme ceux qui nous ont rejoint dernièrement ou qui nous sont fidèles depuis très longtemps pour augmenter justement ce nombre de supporters.
Pourquoi Kenza Dali n’a pas été retenue ?
Elle a été longuement blessée, il n'y a jamais de blessure qui tombe bien. Pour elle le problème c'est que ces blessures sont tombées en mars et avril, donc sur les deux derniers rassemblements. Le malheur des une fait le bonheur des autres. Kenza est sur liste complémentaire. Il faut surtout qu’elle continue à travailler, car elle a encore les conditions physiques à parfaire, parce qu'elle revient juste. Après on ne peut pas souhaiter, encore moins moi, que mes joueuses se blessent, mais faut qu'elle continue a travaillé.
Est-ce que ça vous inquiète ce risque de blessures, surtout chez les Lyonnaises qui ont encore deux grosses finales à jouer ?
Non vous savez on peut se blesser à l'entraînement, on peut se blesser en se levant du lit, vous savez il peut se passer plein plein de choses. Ça fait partie du jeu, et avec mon staff on réfléchira en fonction de ce qui se passera. Je trouve plutôt bien que l’OL soit en finale de Coupe de France et surtout en finale de la Ligue des champions.
Comment devenir championnes du monde ?
C'est difficile de répondre à ça. C’est un travail sur du long terme, ça peut pas se définir comme ça, en un mot ou en deux mots, mais je pense que les filles connaissent notre projet, aujourd’hui. On a obtenu des résultats probants face à de belles nations, mais on n’a toujours rien gagné. Il faut absolument continuer à gagner et être prête le jour J. Il faut y aller étape par étape. Et un plan de bataille je ne vais pas en avoir un, mais je vais en avoir 7 plans, on est obligés de fonctionner match par match.
Au sujet des gardiennes
Pauline Peyraud-Magnin est en convalescence, mais elle va très bien. Elle devrait jouer le 11 mai avec son club (Arsenal). Elle sait qu’elle est numéro 2, donc Solène [Durand] numéro 3. L’idée est de refaire jouer Pauline Peyraud-Magnin contre la Thaïlande.
Principale force et faiblesse de l'équipe de France ?
Je pense que sa force c'est son collectif. Je n’ai pas identifié de faiblesse, sinon j’aurais travaillé dessus. Pour moi à ce jour la seule petite faiblesse qu'on pourrait avoir, c’est sur le match d’ouverture, sur la gestion des émotions, mais d'ici là j’ai le temps de travailler dessus.
Qui est le favori pour vous ?
Il y en a plusieurs. Si je vous donnais des noms ce serait manquer de respect aux autres. Tout le monde a potentiellement sa chance d’être championne du monde.
Est-ce que votre rêve le plus fou serait d'entraîner les masculins un jour ?
(sourire) Déjà je vous l'ai dit je ne rêve pas, parce que quand je rêve ça ne se passe, ça ne se réalise pas. Si je vous dis oui, mon ami Didier Deschamps ne va pas être content (rires). Je pense qu'il faut rester humble, à sa place. Je sais d'où je viens, je sais ce que j'ai à faire déjà avec mon équipe. Si ça doit se passer ça arrivera, mais très sincèrement je ne rêve pas (sourire). J’ai vraiment les pieds sur terre.
Feuille de route pour les suppléantes et Katoto en fait-elle partie ?
Elle fait partie de la liste de 50 données à la FIFA, bien sûr. Il n’y aura pas de programme individualisé, tous les clubs continuent de s’entraîner jusqu'à fin mai, voir début juin de manière collective. Pour les clubs qui sont très impactés par les internationales, il y aura quand même des séances aménagées.. Aujourd'hui je suis en relation avec l’entraîneur et mon préparateur athlétique, en relation avec tous les préparateurs athlétiques de chaque club. Tous les clubs m'ont assurés de jouer le jeu avec nous, de travailler avec nous main dans la main, pour justement préparer ces filles du mieux possible si je devais faire appel à elle.
Difficulté de faire la liste sur une échelle de 1 à 10
Zéro. Aucune difficulté, vraiment. On a tout pesé avec mon staff. Le pour, le contre, les questions sur Marie-Antoinette Katoto, on avait tout anticipé. Il faut qu'on reste sérieux. L’équipe de France n’appartient à personne. L'équipe de France appartient à la Fédération et ce sont les joueuses qui vont composer cette équipe de France. On a objectif commun. A nous d’aller dans ce sens-là. Si les joueuses peuvent regretter l’absence de Marie-Antoinette Katoto, c’est comme ça. Demain, il faut se refixer dans le chemin qui est de continuer à travailler et d’être performantes en Coupe du monde.
« Je n’avais pas besoin de conseils
pour faire ma liste »
Le cas Katoto ça rappelle l'affaire Benzema. Est-ce que vous avez discuté avec Deschamps à ce sujet ?
Avec Didier on discute beaucoup, mais je n’avais pas besoin de conseils pour faire ma liste. J’ai l'équipe de France féminine, lui il a l'équipe de France masculine. L’affaire Benzema, je l'ai suivi en tant que spectatrice lambda, mais il y a des choses dont je ne suis pas au courant et ça ne me regarde pas.
Au sujet du Nigéria adversaire des Bleues
Je n’ai pas peur, mais je sais qu’on va se faire bousculer, ça s'est sûr. Une femme avertie, en vaut deux. On sait à quoi s’attendre contre le Nigeria. Je connais très bien l’entraîneur, je peux vous dire qu’il va faire quelque chose de pas mal à la Coupe du monde, mais pas contre nous (sourire).
La gestion des émotions
Ça fait partie des mots que j’utilise, il y’a exigence, la rigueur, mais vous savez vous mettez le signe égal, et à côté vous mettez "haut niveau". On n'est pas entrain de parler foot-plaisir là, on est dans le haut niveau. Du plaisir je leur dis aussi, de prendre du plaisir. De prendre leur responsabilité aussi, de tenter des choses offensivement, défensivement non par contre. Cette Coupe du Monde en France, va être particulière, je suis de l'autre côté de la barrière aujourd'hui mais si je devais la jouer en tant que joueuse, bien sûr qu'il y aurait quelque chose de différent. C’est pour ça que je dis ça. Ce sera à moi d’apporter des réponses, mais pas tout de suite et puis peut être que mon groupe le vivra très bien, donc il n'y en aura que une ou deux/trois qui devront gérer ce petit stress.
« On est 24 à avoir cet objectif »
La médiatisation pour la pratique est-elle positive ou négative ?
Aujourd’hui, on ne va pas se plaindre des médias [qui s’intéressent à nous] d’avoir une salle comble ce soir et de passer au 20h. C’est moi qui suit là ce soir, mais si ça avait été quelqu’un d’autre, ça aurait été tout aussi génial. L'évolution du football féminin aujourd'hui elle est grandissante et je trouve que l'évolution des médias, elle va avec l'évolution de ceux que font les filles sur le terrain. C’est bien. Maintenant on sait aussi que pour nous le Graal, passera par un titre. On en est vraiment conscientes. On est 24 à avoir cet objectif.
Avantage ou pression supplémentaire de jouer à domicile, qui peut pénaliser l'équipe de de France ?
Jouer une Coupe du Monde, c’est fabuleux. Que ça soit à l'extérieur ou à domicile, on joue une Coupe du Monde. Après j'espère que le fait de la jouer à la maison, nous apportera quelque chose de supplémentaire, ça doit nous apporter quelque chose de supplémentaire. Les gens seront là dans les tribunes, la France entière va nous voir. Ça doit être vraiment un atout pas une pression.