Il faut parfois puiser au plus profond de soi pour jouer au football, échapper à certains moments difficiles, à des doutes ou à des blessures, des passages à vide qui peuvent échiner notre confiance en soi. Clara Noiran a fait face à ces instants du football, âpre à vivre. Mais que nombre de joueuses ont connu dans leur carrière, qui finissent par renforcer avec le temps, même si on en échappe jamais vraiment. Il faut continuer à faire ses preuves à chaque entraînement, à chaque match. Entrevue.

 

Tu n'as pas eu l'occasion d'entrer face à Paris, le coach nous avait expliqué que c'était pour éviter de te faire jouer pour rien et de te faire perdre ton "capital énergétique et confiance". C'était frustrant tout de même de ne pas affronter une équipe du top 3 ? Toi tu as vu le match depuis le banc donc qu'est-ce que tu en as pensé ? Ça t'as appris des choses quand même de voir de loin ?
Oui on en a parlé mercredi à la mise en place, j'ai compris que je serais sur le banc et à la fin de l'entraînement il m'a expliqué ce qu'il vous a dit, que comme j'étais en confiance, il voulait pas me frustrer avec un match où j'allais pas avoir d'occasions et comme mon point fort c'est pas la défense...
Oui c'est sûr que c'est un peu frustrant mais je peux comprendre, j'ai eu une semaine rude, parce que je suis en STAPS donc c'est toujours difficile de jongler avec les entraînements. Etre au repos de temps en temps, c'est positif donc je l'accepte, j'en avais besoin.
C'était un match un peu compliqué déjà parce qu'on a presque pas franchi le milieu de terrain, on a passé notre temps à défendre. Après je trouve que l'équipe a bien fait le bloc et a bien défendu, c'était pas mal. Mais en un quart d'heure [en seconde mi-temps] on a flanché, on a pris les trois buts, je pense pas que c'est pas un score immérité, mais on a connu pire.
C'est vrai que quand on regarde le match d'un point de vue extérieur ça n'a vraiment rien à voir. On voit pas tout ce qui se passe [depuis le terrain] et je trouve qu'on voit plus les points forts de l'équipe, et on voit où on pêche. Je voyais mieux les capacités de l'équipe. Je trouve qu'on défend mieux quand je vois le match depuis le banc, que quand je suis sur le terrain. 

On a vu aussi qu'avant Rodez, tu avais déjà connu la D1 avec un grand nom du football féminin, Toulouse, tu n'as fait qu'une seule apparition face à Vendenheim (1-1) ? Tu fais surtout tes gammes en U19 en fait ? Juste après cela le club redescend en D2 et là tu exploses, 13 matchs, 13 titularisations, 10 buts et tu as juste après donc signé à Rodez. Comment c'était à ce moment parce que tu étais aussi blessée en début de saison ?
Oui, quand j'ai joué en D1, je faisais la saison avec les U19 et c'est lors de ce match, ils ont voulu me laisser une fois connaître ce niveau et voir ce que c'était. Donc j'avais accompagné l'équipe une [de D1] à Vendenheim. Je me rappelle on avait pris l'avion, c'était la première fois. Juste après malheureusement qu'on j'ai intégré l'équipe senior, on est redescendu en D2 avec Toulouse.
J'ai joué qu'une seule saison en senior à Toulouse. Après j'ai fait trois ou quatre années en U19, au moment où j'étais à Clairefontaine.
Oui j'avais été blessée les premiers mois de la saison, je sortais d'une pubalgie. Puis j'ai connu une coach, Soraya Belkadi (ancienne Bleue) qui maintenant entraîne à Montauban, mais qui m'a vraiment fait confiance, qui m'avait titularisé à même pas 18ans, alors que j'avais aucune expérience en senior ou en sélection nationale et c'est là où j'ai explosé.
Je signe juste après à Rodez. En Coupe de France, on avait joué contre Rodez, on avait perdu et j'avais une amie dans ce club là, que je connaissais très bien, Laurie Cance et qui m'a dit "y'a mon coach de Rodez, qui veut ton numéro, est-ce que je peux lui passer ?" je me suis dit "pourquoi pas, c'est toujours intéressant". Quand on a 18ans et qu'on a l'occasion de pouvoir jouer avec une D1, on saisit l'opportunité. Le coach m'avait convaincu, les projets étaient attrayants et on me proposait une place dans l'IUT où je voulais aller pour continuer mes études, donc c'était un bon challenge à relever.

Toi tu arrives un peu à un moment de transition à Rodez en 2014, où vous terminez 7ème, comme en 2015 et vous créez la surprise la saison dernière en terminant 5ème. On vous prenez au sérieux à ce moment là ? Qu'est-ce que ça vous a fait d'avoir autant d'attention sur vous ? Ou tout le monde s'est dit que vous êtes la plus belle progression, en prenant la place à Guingamp, Soyaux ou encore Saint-Etienne ?
Oui, c'est vrai que je suis arrivée ici avec quelques appréhensions, je ne savais pas ce que c'était le monde du football dans l'élite, de la D1 Feminine. Quand je suis arrivée, on nous prenait tellement pas au sérieux que même nous on se prenait pas vraiment au sérieux. On était là parce qu'on savait qu'on avait les qualités pour y être. Mais voilà on prenait les matchs comme ils venaient et on s'est pas dit en début d'année, "on va terminer 5e, on va battre tous les records" etc Je pense que le changement d'entraîneur aussi à joué, du coup l'équipe a changé...
C'est une saison où j'avais pas vraiment joué quand on a fini 5e, parce que je revenais de mes croisés. Mais voir autant d'attention portée sur nous, ça nous a vraiment changé, parce que maintenant on nous prend un peu plus au sérieux, y'a des choses qui sont entrain de se développer un peu plus dans le club, dû fait de ce résultat.

Aujourd'hui, vous connaissez une saison un peu plus difficile que les années précédentes avec les montées des clubs de "Ligue 1", ça vous a cassé un peu le rythme ? C'est une concurrence qui est bien plus armée et envieuse ? Vous devez aussi composer avec de nouvelles joueuses (Élise Bonet (Lyon), Angéline Da Costa (Albi), Océane Daniel (PSG), Cathy Couturier (PSG)) cette saison aussi, ça explique cela, avec le départ et les blessures aussi de certaines coéquipières ?
Oui, c'est vrai, c'était compliqué, dû fait déjà que y'a les grosses équipes promues. Mais après ce sont que des logos. Il reste quand même trois clubs de D1 qui ne sont pas rattachés à des grosses structures. Mais après voilà je pense que niveau effectif, on a perdu des joueuses qui étaient importantes, les blessées aussi ça nous a pénalisé, donc ça a été un peu difficile. Là on est sur une nouvelle dynamique, la trêve est passée, on a enchaîné quelques victoires contre les clubs qu'il fallait, ça va mieux.

On a vu que Marine Haupaix avait rejoint Montpellier à la fin de la saison dernière, elle fait un peu moins de match qu'avec Rodez. Comme tu l'as dit y'a eu des départs difficiles à gérer, ça a était l'un des plus complexes ? Toi à choisir tu préfères jouer pour un club de milieu de tableau ou rester sur le banc et faire quelques apparitions dans un club du top 3 ?
Oui Marine Haupaix c'était la capitaine et une cadre de l'équipe. Elle donnait l'ambiance dans le groupe, elle savait encadrer les joueuses, c'est un des éléments qui a changé la dynamique du groupe parce qu'elle avait des qualités, un caractère, des valeurs. Après c'est bien pour elle qu'elle soit partie.
Non je pense qu'au vue de mon âge, je préfère avoir du temps de jeu et viser milieu de tableau, voir bas de tableau, plutôt qu'être dans une bonne structure et faire quelques apparitions. Moi tout ce que j'ai besoin pour progresser et revenir petit à petit de ma blessure c'est de jouer et après à voir si j'ai les opportunités qui se présentent.

 

"c'est une des pires blessures pour la footballeuse"

 

On a vu aussi que tu avais aussi eu une blessure de février 2015 à janvier 2016, c'est le moment le plus difficile à vivre pour une joueuse dans sa carrière perso, c'était long en plus, comment t'as fait pour garder le cap dans ta tête ? Tu dis avoir eu des moments de doutes ? T'as eu le soutien de certaines joueuses comme Sandie Toletti avec qui tu as noué de forts liens à Clairefontaine comme on a pu le lire ? J'ai vu que la musique c'était aussi une passion pour toi, ça t'a aidé dans ce moment là ?
Oui je me suis fais les ligaments croisés. C'est vrai que c'est compliqué, c'est une des pires blessures pour la footballeuse donc c'était délicat. J'ai eu du mal moralement, mais j'ai eu la chance d'être bien entourée à ce moment là.
Oui j'ai eu des moments où je voulais arrêter le foot, mais c'était pas pendant ma blessure. C'était quand j'ai dû tout recommencer, j'avais pris du poids, y'a plus de physique, le cardio est faible, on a pas de rythme donc à ce moment là j'ai eu beaucoup de périodes de doutes et j'avais envie de tout lâcher, j'étais dégoûtée.
Oui Sandie Toletti c'est ma meilleure amie, elle m'a toujours soutenu, je passais mes week-end à aller la voir à Montpellier, elle m'a beaucoup aidé dans cette épreuve. Heureusement que j'avais des personnes comme elle autour de moi pour continuer.
(rires) Oui c'est vrai, la musique c'est plus un truc de famille avec mon grand frère, c'est lui qui m'a appris à jouer de la guitare. Donc voilà c'était plus des moments de retrouvailles avec la famille.

On a vu aussi que c'est ton frère qui t'avait forcé à faire du foot, c'était pour le plaisir ou alors il voulait que tu ailles loin dans ce sport ?
Non je pense qu'au début c'était pour le plaisir, on a 11 ans d'écart, donc j'avais 3ans et pour lui c'était le sport qu'il pratiquait avec ses amis. C'était pour s'amuser avec moi en fait, et avoir quelqu'un avec qui jouer et au fur et à mesure j'ai aimé ça. Après il m'a toujours soutenu, poussé pour aller toujours plus loin et c'est lui qui m'a fait passer un test dans un collège pour viser plus haut...

Tu as fait quelques matchs en sélections avec les U17 et les U16, qu'est-ce qui explique que tu n'as pas continuer dans les paliers suivants ? C'est la concurrence qui était trop forte ? Tu vises un retour en sélection ?
Alors comme je vous l'ai dit, j'étais à Clairefontaine, c'est pour une période de 3ans et j'ai pas eu la possibilité de continuer la troisième année et à partir de là, j'y étais plus.
Oui surement, c'est pour ça aussi qu'ils m'ont pas rappelé. Mais à partir du moment où quand ce sont des sélections de cinquante joueuses, dans les présélections j'étais pas appelée alors que je l'étais à Clairefontaine parmi beaucoup de filles de mon âge.
Pour l'instant je suis concentrée sur mes études, mais c'est pas un truc où je suis fermée. C'est pas un objectif qui trotte dans ma tête à tout prix.

Pour en revenir à Rodez, au fil des saisons le coach te faisait de plus en plus confiance, surtout Sebastien cette saison, ça te permet d'avoir une certaine confiance en toi, tout en sachant que rien n'est acquis et que tu dois toujours faire tes preuves ?
C'est sûr que quand on sait qu'on a le soutien du coach, c'est plus facile, ça met plus en confiance, y'a moins de pression. J'avais connu ça à Toulouse avec Soraya qui m'avait mis en confiance et qui me faisait confiance et c'est là où j'ai pu progresser. Moi j'ai besoin de ça, de savoir qu'on compte sur moi et c'est ça aussi qui m'aide à être performante. Après je sais que si je rate, il fera tourner mais je suis consciente de ça, qu'il y a la concurrence, que je dois toujours faire mes preuves et que rien n'est acquis.

Cette saison à plusieurs reprises tu as été plus que décisive, avec le but du match nul face à Saint-Etienne, et puis Marseille, avant de donner la victoire à ton équipe face à Bordeaux et Albi en Coupe, ce rôle de buteuse tu l'assumes pleinement aujourd'hui ?
Oui après c'est grâce au travail de l'équipe. Moi j'ai la capacité à finir l'action, et d'avoir ce sang froid mais c'est quelque chose que je connaissais pas vraiment d'être aussi décisive, surtout en D1. Je suis contente que ça se passe bien comme ça.

 

"Sur le coup c'est difficile mais une fois que c'est passé, ça renforce."

 

Ça a été difficile tout de même la transition entre les deux clubs ? Comment s'est passée, parce que ce sont quand même deux équipes très proche l'une de l'autre ? Tu as eu moins de temps de jeu les deux saisons suivantes en D1, comment tu expliques ce moment de ta carrière un peu à vide ?
Bah déjà le niveau été difficile du fait de mon jeune âge, j'avais 17ans, quand je suis arrivée à Rodez. Après Toulouse c'était quand même une structure assez "professionnelle". Mais à Rodez je connaissais plusieurs joueuses, donc ça a facilité mon intégration. Je me suis vite adaptée, sauf en ce qui concerne le temps (rires).
Oui, bah ce sont des moments d'adaptation, y'a des choses qui font que... Déjà j'avais pas le niveau [de D1]. Oui c'est compliqué, on a l'impression de faire une année à vide, une année qui sert à rien, de perdre du temps. Mais après quand on voit comment ça se déroule par la suite, on regrette pas trop. Passer cette année à vide, c'est ce qui m'a permis aussi de me recentrer sur moi-même, et de faire ce que je fais en ce moment. Sur le coup c'est difficile mais une fois que c'est passé, ça renforce.

Parce qu'on a vu aussi que tu avais affronté Rodez avec Toulouse en Coupe de France (32e) en janvier 2014, c'est à ce moment là que tu as tapé dans l'oeil de Nicolas Bach, l'ancien coach du RAF ?
Il m'a dit "que tu me connaissais" mais il m'a jamais dit à quel moment il avait mon nom en tête pour rejoindre le RAF. Mais Laurie m'avait dit qu'à ce match là, il avait porté un petit oeil sur moi, parce que j'avais fait une passe décisive même si on avait perdu 1-4. J'avais fait un bon match, j'étais motivée de jouer contre un club de D1 de la région, alors qu'on était en D2. Puis la Coupe de France, ça a toujours une saveur particulière. Mais je pense qu'il a dû regarder d'autres matchs, on peut pas juger sur une seule rencontre.

Là vous avez quoi comme objectif pour cette seconde partie de saison ? Est-ce que l'ambiance elle a changé par rapport à la saison dernière ?
Déjà le maintien il est pas fait. On commence à pouvoir sortir la tête de l'eau mais c'est pas encore fait. Après on a les points décisifs à prendre, comme face à Bordeaux ou Metz, où on a obligation de prendre les points. Les bonus ce seront les matchs à Soyaux, ou Saint-Etienne et la rencontre qu'on va avoir à Albi. Pour tenter de terminer à la 6ème, 7ème place. On s'est pas fixé d'objectif, on essaye de faire du mieux qu'on peut, d'accrocher le plus d'équipes possibles...
Un peu en début d'année, parce qu'on avait du mal, on était dans un contexte particulier où on avait pas beaucoup de victoires donc c'était difficile. Du coup l'ambiance d'écoule de ça, c'était compliqué, tout le monde était à cran. Après y'a toujours une bonne ambiance dans le groupe.

Vous continuez par ailleurs votre parcours en Coupe de France, ce sont toujours des matchs particuliers à jouer ? Là vous allez donc affronter Metz, comment tu le vois ce match ?
Oui ce sont toujours des matchs particuliers à jouer parce que là, on redoute tout le monde, on sait pas ce qui peut se passer. Y'a souvent une grosse surprise en Coupe de France. Après c'est particulier parce que c'est à élimination directe. Puis c'est là où on se montre le plus et c'est là où on peut faire de belles choses. Y'a une petite chance pour tout le monde. Il faut voir les tirages à chaque fois (rires).
Déjà c'est à Metz donc c'est un avantage pour elles parce que nous on a le trajet, c'est leur stade, y'aura leurs supporters. Après tout est possible, y'a pas de prérogative pour l'une ou l'autre équipe pour l'instant. Tous les scénarios sont plausibles en Coupe de France. Mais on a l'envie d'aller plus loin et on aimerait recevoir à la maison, donc passer cette étape.

Dernière question, on a vu qu'il y avait une vraie rivalité entre vous et Albi, c'est votre derby à vous ? Là vous les avez battu de justesse 1-0, vous les affronterez en avant dernière journée, c'est un match qui s'annonce d'ores et déjà comme le plus intense de la saison ?
Ah oui c'est notre derby, comme Paris/Juvisy ou Lyon/Saint-Etienne. Ce sont deux clubs qui sont très proches, c'est la même région, qui sont tous les deux en D1 et qui jouent le maintien. Y'a une vraie ferveur autour. C'est un derby que je connaissais pas du tout. J'avais jamais joué de matchs comme ça, mais ce sont des rencontres vraiment particulières à vivre, même si parfois ça peut être méchant. Ça n'a rien à voir avec les autres matchs du championnat.
Oui ça risque d'être un match intense. Après à voir les résultats qu'il y aura juste avant, si elles joueront pas le maintien sur ce match. En plus c'est chez elles. Leur stade est souvent rempli, avec de fervents supporters donc c'est pas pareil que jouer à la maison. A l'aller on les avait battu de justesse, en Coupe de France, la victoire elle était méritée parce qu'on a su élever notre niveau de jeu, être un peu meilleures. Mais oui j'appréhende vraiment le match de l'avant dernière journée du championnat. On verra bien.

 

Photos : Mica GB M PhootoRafettes

Dounia MESLI