L'expérience et l'humilité de Cédric Voutier, à la tête de l'équipe de France militaire, suite au forfait de Peggy Provost, pour aller le plus loin possible dans ce mondial au Texas (du 23 juin au 3 juillet). Avant l'entrée en lice des Bleues ce dimanche à 4h du matin, on a voulu avoir son ressenti sur la compétition, en savoir un peu plus sur son coaching et connaître l'état d'esprit du groupe.

 

Coeurs de Foot - Vous avez remplacé Peggy Provost au pied levé. Comment ça s'est passé ?

Cédric Voutier - Oui, c'est bien ça. J'étais prévu dans le staff, j'étais entraîneur adjoint en charge de la performance. 

 

CDF - Il y'a eu beaucoup de changements dans l'effectif par rapport à 2016. Est-ce que vous connaissiez certaines joueuses de l'équipe actuelle ?

C. V. - Oui bien sûr, je suis le football féminin donc je connais bien les joueuses. Comme je travaille à la Fédération, je suis forcément le football, dont le football féminin, que ça soit la Division 1 ou la Division 2. Je suis également à Clairefontaine depuis quatre ans, où je forme des éducateurs sur la cellule nationale de prépa athlétique. Donc de part mon métier je suis en contact avec tous les clubs et je suis également dans le développement du football féminin dans mon département, dans ma région et pour cela il faut être en contact, il faut s'informer, il faut suivre ce qui se fait. C'est un axe prioritaire de la FFF de développer le football féminin avec la Coupe du Monde qui arrive [à domicile], donc bien sûr que je suis au courant du niveau de jeu [des joueuses], de qui joue, des coachs etc.. Dans le Football, il n'y a pas que les A, il y a d'autres équipes [de France]. 

 

CDF - Quel est l'état d'esprit du groupe avant de débuter cette compétition ? Qu'est-ce que vous leur avez inculqué comme valeurs, comme modèle de jeu, comme objectifs ?

C. V. - Le mental est bien, il est positif. On met tout en place pour les mettre dans les meilleures conditions, même si on sait que ce n'est pas évident parce qu'il y a un gros décalage horaire forcément, il y a eu un gros turn over, mais le premier rassemblement s'est bien passé. On a beaucoup travaillé sur la communication et la cohésion, la connaissance des joueuses [les unes par rapport aux autres], on a mis beaucoup d'ateliers en place [pour l'alchimie], on a travaillé sur le football, mais aussi sur tous les facteurs de la performance du football.

Il y a deux choses, il y a forcément les objectifs qu'on se fixe de "résultats" entre guillemets, puisqu'on est champion du monde [en titre] donc on vient pour défendre un titre. On ne va pas l’occulter mais c'est pas pour autant qu'on va se mettre une pression, parce qu'il y a eu un gros turn over. Par contre, la question est : Quelles sont les moyens qu'on se donne pour défendre le titre ? Et c'est surtout sur ça qu'on a appuyé, donc les moyens ils sont techniques, tactiques, athlétiques et mentaux.

Il faut mettre en place des valeurs, des règles de vie, de savoir être, donc on a travaillé sur ça. Après niveau athlétique, il fallait que les filles, elles régénèrent [leur force par rapport au voyage] parce qu'elles sont arrivées fatiguées, suite à une fin de saison [disputée], où certaines jouaient le maintien. On les a récupéré le soir du dernier match de championnat, donc forcément les organismes sont usés. Il fallait à ce moment là régénérer pour garder le groupe [tel quel] et puis après on a travaillé tactiquement parce qu'on est en terme de séances réduites avec une échéance qui venait assez rapidement (match contre l'Allemagne). Donc on a voulu donner rapidement des repères aux joueuses, avec un système de jeu qu'elles puissent vite assimiler et puis créer des relations entre elles et de la complémentarité dans le jeu.

 

"Dans le football il faut une approche systémique"

 

CDF - Comment on passe de préparateur physique à coach d'une sélection ? 

C. V. - Moi je suis salarié de la Fédération, et je suis dans la formation des éducateurs, j'ai un diplôme d'entraîneur. J'ai un cursus d'ancien entraîneur donc j'ai plus été coach que préparateur athlétique. Après dans mon détachement à la Fédération j'ai aussi des diplômes de prépa physique et de préparateur mental. J'ai des compétences supplémentaires donc je suis parti gérer la formation des éducateurs en France. Aujourd'hui il faut arrêter de sectoriser [les compétences], dans le football il faut une approche systémique. Quand on est sur le terrain, il y a de la technique, de la tactique, du mental et de l’athlétique.

 

CDF - Votre rôle vous l'avez dit, c'est "d'aider les filles à performer". Je sais que vous avez aussi une expérience dans ce domaine puisque vous avez entraîné pendant une dizaine d'années.

C. V. - Nous on est là pour les mettre dans les meilleures conditions pour qu'elles performent sur le terrain. Du médecin à l'entraîneur, le but c'est d'amener les filles à performer, c'est le rôle d'un staff.

 

CDF - Vous dîtes que vous aimez prendre votre temps et que la sélection c'est un peu votre cheval de bataille avec la Fédération, donc c'est une vraie satisfaction d'avoir été reconduit aujourd'hui à la tête d'une sélection ?

C. V. - Ah bah bien sûr, c'est un honneur. C'est une satisfaction mais surtout un honneur de pouvoir amener des filles sur une compétition internationale comme celle-ci. On représente des valeurs, on représente un pays [tout comme la A].

Le Football féminin se développe depuis pas mal d'années en France, il est en plein boom et l'équipe militaire va dans ce sens là aussi [du développement de la pratique féminine]. Elle est championne du monde donc il ne faut pas oublier qu'elle à un titre quand même.

 

"Quand on s'y prépare bien, on a moins de pression"

 

CDF - Comment vous gérez la pression et l'attente autour de l'équipe militaire tenante du titre justement ?

C. V. - (blanc) Il n'y a pas de pression. Moi personnellement je n'ai aucune pression. J'ai eu la chance de travailler avec Philippe Bergeroo [aux JO 2016] et nous on est là pour enlever la pression déjà aux joueuses. Les joueuses faut les mettre dans les meilleures conditions, dans les meilleures dispositions pour performer, s'appuyer sur des choses stables qu'on maîtrise et la pression à un moment donné, qui la met ? On a la pression quand on ne maîtrise pas les choses, quand on ne maîtrise pas les événements. Quand on s'y prépare bien, on a moins de pression, il faut juste le niveau optimal de pression, le niveau optimal bien sûr [est obligatoire] c'est une compétition internationale, tout le monde l'aura, tout le monde est à la même enseigne. Les gens qui ont énormément de pression, c'est parce qu'ils sont mal préparés.

Oui le groupe est qualitatif, il y a beaucoup de clubs représentés dans cette équipe militaire donc c'est très bien, c'est aussi ce qui est important [pour la cohésion]. Le plus dur dans cette compétition, ce sont les matches rapprochés, c'est compliqué [pour les organismes], physiologiquement pour les filles.

Dounia MESLI