Elle fut l'une des pionnières de sa pratique, Cathy Arnaud malgré les années qui passent, n'a rien perdu de sa passion sur le tatami. A l'occasion de la journée du Judo pour Elles, nous avons échangé avec l'athlète de haut niveau autour des valeurs du sport et de la crise qui touche actuellement l'équipe de France féminine de football.

 

Coeurs de Foot - Comment avez-vous débuté votre carrière ?

C. A. - J'ai commencé à l'âge de 8ans, donc pas trop tôt et à un âge déjà où j'étais dans un petit club girondins, et il n'y avait que deux filles qui pratiquaient, donc on était vraiment minoritaires.

Par contre on a été reçues d'une façon extraordinaire, et mon professeur a eu la délicatesse d'incorporer dans un sport de combat des jeunes filles. Moi je pense que l'intégration de la mixité dans un sport de combat comme le notre, ça se fait par la personne la plus proche et cette personne c'est l'éducateur, la personne concernée. Donc je pense que nous dans notre sport, comme je le disais dernièrement, on doit enseigner des comportements justement par rapport à des jeunes filles, des jeunes garçons. Cela se fait à travers la pédagogie d'enseignement, aux jeunes professeurs, jeunes diplômés, [il faut] leur donner déjà des billes pour ne faire de ségrégation entre la gente féminine et la gente masculine.

Ensuite il faut aussi donner la qualité demandée dans le sport. Au foot, il y a la maitrise du ballon qui est super importante, la coordination des gestes, l'anticipation et toutes ces choses-là pédagogiquement parlant, pour réussir dans le sport. Moi je pense qu'avant de dire le garçon est plus fort ou la fille est moins forte, il faut avant tout reconnaitre les qualités de chacun. Il ne faut pas se focaliser sur le genre, mais plutôt la qualité (de l'athlète].

 

CDF - Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre carrière ?

C. A. - Sincèrement non. Ce que j'ai ressenti par contre au bout du compte, c'est que je n'ai pas été traitée de la même façon au niveau financier, au niveau poste professionnel au départ, donc je me suis contentée de ce que j'avais, mais ce n'était peut-être pas à la même hauteur que ce que d'autres avaient, avec les mêmes titres.

Cependant ça n'a rien changé avec ma façon de m'intégrer dans ma fédération, de redonner ce que j'avais appris et d'avoir cette envie de m'épanouir dans mon métier comme je me suis épanouie dans mon sport.

 

CDF - Avez-vous vu une amélioration de la représentation du sport féminin personnellement ?

C. A. - Je pense qu'il y a eu une grosse amélioration dû à une société de plus en plus dure, et les parents ce sont retournés vers des sports complets comme le judo par exemple, où il y avait énormément de règles de vie, de valeurs, un code moral, afin de les aider dans l'éducation de leur enfant, avec une société aussi active et agressive, qui devient dangereuse.

Les parents se sont retournés vers des sports complets, qui canalisent, qui donnent aussi les moyens de se protéger, qui donne envie aussi d'aller chercher le meilleur de soi-même, mais à la bonne place, dans la bonne direction et je pense que le judo amène à cela, un accompagnement dans la vie, pour d'autres choses même que la compétition.

 

CDF - On a le sentiment que le sport aide à cadrer et organiser sa vie également ?

C. A. - Tout à fait et ça m'a permis d'être plus à l'aise sur des moments très difficiles. Je n'arrivais pas à accepter le décès par exemple. Quand j'ai perdu mes parents, j'avais un gros chagrin, et je crois que le judo m'a beaucoup beaucoup (elle répète) aidé pour me sortir de cette tristesse, pour essayer [d'accepter].

J'ai eu une carrière assez longue, j'ai fait trois olympiades, donc le plus dur ça a été de rester au très haut niveau, c'est le plus dur, car ce n'est pas de devenir. Quand on devient c'est une fois, c'est super, il y a plein de critères qui entrent en jeu. Il y avait une endurance, une résistance et j'étais très résistante à l'effort, très douée dans la récupération, et j'avais le plaisir de pratiquer.

Après les plus jeunes prennent le dessus, car au niveau qualité physique, il y a énormément de progrès aujourd'hui, il y a tellement de gens autour de l'athlète aujourd'hui. Avant on était un peu seule à se trouver et à s'équilibrer. Aujourd'hui ça en devient même trop, il y a plus de gens autour de l'athlète et donc ça devient un athlète très dépendant et très individualiste.

 

CDF - Le judo est un sport individuel, à l'inverse du football, aujourd'hui une deuxième crise touche l'équipe de France féminine de football. Quel est votre regard sur cette situation ? Est-ce qu'il faut avoir aussi un rapport de force ou il faut plutôt rester à sa place selon vous ?

C. A. - Justement moi je n'ai pas vécu du tout cela, parce que tout le monde est resté à sa place, par contre tout le monde avait besoin de l'autre. Nous sommes restés dans l'accompagnement, parce qu'en fait moi ce que je comprends aussi quand il y a clash, c'est qu'en fait l'entraineur s'accapare l'athlète et il dit trop mon athlète, ma judokate et les résultats sont pour lui et non plus pour l'athlète.

A travers ça, plus personne ne trouve son compte, puisque l'athlète à l'impression d'être délesté [de sa carrière] et l'entraineur à l'impression d'avoir plus une personne, mais un objet ou un produit qui lui appartient et qu'il peut facilement moduler à sa manière. L'athlète doit être autonome et pouvoir avoir cette capacité de réagir, mais personnellement et il est trop conditionné aujourd'hui. A un moment donné on conditionne trop les athlètes dans ce qu'on voudrait en faire, alors que l'athlète reste libre. Il faut que l'athlète aille chercher ce dont il a besoin.

 

Photo : Dounia Mesli

Dounia MESLI