Dans l'ombre de Christine Sinclair, Janine Beckie a grandi pour devenir la joueuse la plus décisive depuis le début des Jeux côté canadien.

Si Jessie Fleming règne sur le milieu de terrain, Janine Beckie est une attaquante pleine de talent qui a déjà frappé par trois fois. D'abord en phase de poules avant d'illuminer la Corinthians Arena de son sombrero sur Sakina Karchaoui et son centre parfait pour Sophie Schmidt. Énième représentante de cette nouvelle génération canadienne venue casser le baraque et la hiérarchie dans ce tournoi olympique, Janine Beckie aura pourtant dû patienter pour entrer dans la cour des grandes.

Été 2015, le Canada organise sa Coupe du Monde à domicile. Parmi les sélectionnées de l'équipe canadienne on retrouve déjà Kadeisha Buchanan, Ashley Lawrence ou Jessie Fleming. Janine Beckie, elle ne fera pas partie de la sélection de John Herdman malgré un talent indéniable. A l'époque, le coach britannique estime que Beckie n'est pas prête pour assumer la responsabilité de jouer pour l'équipe nationale à un tel niveau. Un crève-cœur pour Beckie qui voit s'envoler la possibilité de jouer la plus grande compétition de football, qui plus est à domicile.

Quelques semaines plus tard, Janine Beckie voit pourtant arriver sa chance avec les Jeux Panaméricains disputés à Toronto dans la foulée du Mondial canadien. Sélectionnée avec le Canada, les Jeux Panaméricains représentent la porte d'entrée pour Beckie si elle veut espérer se faire une place au soleil. Au sein d'une équipe jeune, Janine Beckie se fait remarquer et inscrit même un doublé en phase de poules. Malgré une élimination en demi-finale face à la Colombie, la performance de Beckie a tapé dans l’œil de John Herdman et aura son importance dans son intégration à l'équipe olympique du Canada.

Incontournable en 2016

Car, à l'instar de la joueuse étasunienne Crystal Dunn, Janine Beckie fait partie de ses joueuses qui ont su se remobiliser après avoir été laissées de côté au moment du Mondial. En 23 sélections, Janine Beckie a inscrit 12 buts dont 9 depuis le début de l'année 2016. Aux côtés du monument Christine Sinclair, Beckie a su s'imposer comme la joueuse qui vient terminer les actions offensives par un but.

Parmi les actions qui ont forgé la réputation de Janine Beckie, ce lob inscrit dans les toutes dernières secondes d'un match face au Brésil en amical à Ottawa pour donner la victoire 1-0 au Canada. Toujours face au Brésil, elle inscrit l'un des buts vainqueurs (2-1) en finale de l'Algarve Cup qu'elle remporte en avril dernier avec le Canada. Depuis, elle est également devenue la buteuse la plus rapide dans un tournoi olympique, avec son but inscrit après 20 secondes de jeu face à l'Australie.

Ses qualités de finisseuses vont avec cette capacité collective des joueuses canadiennes à multiplier les mouvements et changer de rôle en cours de matches, savoir défendre sur les côtés et bien sur comme face à la France, savoir centrer quand l'adversaire vous attend à la bataille dans les 16 mètres.

Une histoire américaine

Une explosion en sélection qui va avec avec l'arrivée de Janine Beckie en NWSL après quatre années remarquées dans le championnat universitaire aux États-Unis, un pays où Janine Beckie a grandi. Elle est née à Highlands Ranch dans la banlieue sud de Denver, la ville qui a également vu grandir Mallory Pugh, l'étoile montante du du soccer US. De parents canadiens, Janine Beckie possède la double-nationalité et a même joué pour les États-Unis en sélection de jeunes avant de choisir le pays de sa famille en moins de 20 ans, jouant la Coupe du Monde U20 en 2014, puis avec l'équipe A, coachée par John Herdman.

Aux États-Unis, Janine Beckie a vécu dans un environnement où il était difficile d'échapper aux sport de haut niveau. Ses deux parents ont joué au basket au niveau universitaire, sa mère ayant même été sélectionnée en équipe de jeunes avec le Canada. Son père, décédé en 2001 avait lui aussi été joueur des Huskies, l'équipe de l'université de Saskatchewan, la région d'où est originaire la famille de Janine Beckie.

Les enfants ont eux tous choisi le football. Si les deux sœurs de Janine se sont arrêtées au niveau universitaire, son frère Drew évolue lui aujourd'hui en NASL (D2 américaine) avec les Carolina Railhawks. Particularité de la famille, Janine est la seule attaquante dans une fratrie de défenseurs, une particularité qui lui aura porté chance. Comme ses deux sœurs, Janine était également une sportive polyvalente, avec un niveau remarquable en basket et surtout en athlétisme, où elle a également été distinguée lorsqu'elle était au lycée.

 

Le choix du ballon rond

Mais ce sont ses performances en football qui lui ont valu finalement les honneurs. Fin 2015, elle sort de quatre années remarquées au niveau universitaire avec l'équipe de Texas Tech. Des années universitaires où elle inscrit 57 buts et délivre 17 passes décisives en 88 matches. En 2015, sa dernière année se termine avec un titre de championne de sa conférence universitaire, le Big 12 après avoir battu en play-offs ses coéquipières en sélection Kadeisha Buchanan et Ashley Lawrence.

Ses performances lui valent d'être sélectionnée en huitième position lors de la draft 2016 de la NWSL, rejoignant l'équipe des Houston Dash d'une certaine Carli Lloyd et où évoluent également deux autres internationales canadiennes, Allysha Chapman et Lauren Sesselmann. Un championnat que Janine Beckie découvre cette année en inscrivant un but dès son premier match face aux Chicago Red Stars en avril dernier. Un début en fanfare, même si pour le moment en attaque elle reste dans l'ombre de ses coéquipières Rachel Daly et Kealia Ohai.

Face à l'Allemagne, le Canada tout entier attendra Christine Sinclair mais Janine Beckie sera peut-être la joueuse par qui viendra la solution, moins surveillée que son illustre aînée. Ce sera en tout cas le match le plus important de sa carrière, une rencontre à l'issue de laquelle pourrait aller chercher la première finale de son histoire dans un tournoi majeur (JO, Coupe du Monde). De quoi trembler, de quoi rêver...

Hichem Djemai