En cette fin du mois de mai, un autre championnat européen livrait son verdict : la Serie A. Moins en vue ou médiatisée que les voisins français et allemand, l'Italie a vu triomphé Brescia, une équipe qui remporte son deuxième titre en trois ans, après le Scudetto de 2014. Une équipe de Brescia que nous avons rencontré mercredi en marge de leur entraînement.

 

Deux championnats remportés en trois ans auxquels on pourrait ajouter la Coupe d'Italie gagnée la saison dernière. Un trophée par an pour une équipe arrivée en Seria A en 2009 et qui est parvenue à s'installer durablement dans le haut du tableau.

Les Lionnes pourraient d'ailleurs réaliser le triplete cette année. Si elles remportent la Coupe d'Italie dont les demi-finales se jouent ce week-end, elles auront remporté d'affilée les trois trophées majeurs du football féminin italien : La Super Coupe, le Scudetto et la Coppa d'Italia.

 

Une saison riche et longue

Malgré cette perspective, les joueuses de Brescia restent relativement calmes. Dans une saison riche en émotions, elles retiennent aussi la longueur de cet exercice 2015/2016 avec des entraînements qui ont repris au mois de juillet de l'année dernière et qui se poursuivront jusqu'au 13 juin prochain en cas de finale de Coupe d'Italie. Des titres, de la joie mais aussi beaucoup de fatigue pour des joueuses qui s'entraînent 4 à 5 fois par semaine à côté de leurs études ou de leur travail.

Ce travail, elles en sont conscientes, est pour une bonne partie dans la réussite qu'a connu le club cette saison. Car Brescia n'est pas seulement une équipe qui gagne, mais une équipe qui joue, avec la volonté de contrôler le ballon le tempo des matches et se tourner en permanence vers l'attaquante. Un jeu « à l'espagnole », les joueuses nous confiant que Guardiola était une des références des coaches de l'équipe.

Cette fin de saison s'annonce donc au mental pour cette équipe qui affrontera Mozzanica dans un match particulier entre Brescia et le club situé au sud de Bergame. Deux villes distantes de 50 kilomètres, et un derby qui aura un goût de revanche pour Brescia, sèchement battue 4-0 à Mozzanica en novembre dernier.

Une rencontre, qui à l'époque, s'était déroulée dans la foulée d'un match de Ligue des Champions entre Brescia et le Fortuna Hjørring et les coéquipières de Sara Gama n'avaient pas le sentiment d'avoir pu jouer le match à fond. Mozzanica la seule équipe italienne que Brescia n'a pas battu cette saison et qui a un temps trusté le sommet du classement avant de s'effondrer sur la fin du championnat et terminer 4e à 11 points de Brescia.

 

Un championnat plus équilibré

Cette fatigue vient donc à l'issue d'une saison pleine pour les joueuses de Brescia. D'abord parce qu'elles sont quelques unes à avoir le sentiment que ce championnat à été plus dur à gagner. Un impression qui peut sembler paradoxale. Cette saison, elles ont terminé en tête avec cinq points d'avance.

En 2014, elles avaient dû attendre les toutes dernières minutes de la dernière journée pour assurer le titre grâce à un penalty d'Elena Linari face à Torres. Pour Cristiana Girelli, cette difficulté va avec un changement de statut de Brescia. En 2014, le titre des Lionnes avait relevé du « miracle » :  une équipe qui n'était pas favorite et qui a réalisé une saison presque parfaite pour arracher le titre à Torres. Une équipe qui venait de remporter quatre scudetto consécutifs.

Mais il y a deux ans, le championnat se jouait entre deux voire trois équipes, cette saison elles étaient quatre à pouvoir accrocher le scudetto. Une densité à laquelle il faut rajouter la progression de certaines équipes de bas de tableau, qui ont pu faire trébucher ou mettre en difficulté Brescia cette saison. Outre Mozzanica, la Fiorentina et Vérone ont pu rêver du titre en Italie. Vérone qui a d'ailleurs terminé deuxième cette saison, après avoir remporté le titre l'an dernier... devant Brescia.

Les Véronaises qui ont chipé la deuxième place à la Viola lors de la dernière journée avec une victoire 3-2 contre la Fiorentina. Outre la deuxième place, ce résultat permet à Vérone de se qualifier pour la Ligue des Championnes. Une autre équipe proche géographiquement de Brescia et qu'elles pourraient retrouver en finale de la Coupe d'Italie en cas de victoire face à Mozzanica.

 

Une Champions League suivie de près

L'autre point positif de la saison de Brescia, c'est ce quart-de-finale de Ligue de Champions atteint par les Lionnes cette saison. Certes, une élimination sans appel avec un 6-0 sur l'ensemble des deux matches mais un parcours qui rehausse la performance de Brescia avec l'élimination de Liverpool en 16e de finale et des Danoises de Fortuna Hjorring en huitièmes.

Brescia n'est pas le premier club italien à atteindre les quarts-de-finale mais elles sont les premières à atteindre ce stade après avoir éliminé un club issu du « Big 4 », les quatre championnats (Angleterre, Suède, Allemagne et France) à voir un de leurs clubs empocher une Coupe d'Europe. Une performance qui n'a pas fait grand bruit en Italie même si la qualification en quart-de-finale a apporté un peu plus de reconnaissance pour l'équipe dans la péninsule.

Une Ligue des Champions qui a été aussi un moyen de passer un cap, pour certaines joueuses peu habituées à enchaîner les matches à un rythme élevé. Des semaines avec parfois trois matches à jouer et une nouvelle donne à partir de laquelle l'effectif a dû travailler. Des points laissés en route durant la première partie de saison mais au final un moyen de progresser sur le plan athlétique avec l'appui du staff et notamment d'un préparateur physique qui fait la fierté du club. Des caps à passer qui vont avec le sentiment chez les joueuses que Brescia est sur la bonne voie sur le plan sportif et organisationnel.

Cette Coupe d'Europe, les joueuses de Brescia continuent à la suivre de près puisqu'elles vont assister ce soir dans le stade Citta del Tricolore à la finale entre Lyon et Wolfsburg. Une finale idéale pour Sara Gama, pour qui les deux équipes sont actuellement ce qui se fait de mieux en Europe. Au travers de l'évocation de son passage à Paris, elle se souvient d'une équipe de Lyon qui a su développer une force collective de part la stabilité et la cohérence de son effectif au fil des années.

Sur Wolfsburg aussi, beaucoup de choses positives mêmes si Sara a eu des retours plus critiques de sa compatriote Raffaella Manieri qui évolue au Bayern et qui a pu constater de près les difficultés de Wolfsburg en championnat, peinant sur l'ensemble de la saison à maintenir le même niveau de performances.

 

Brescia et les défis du foot féminin italien

Si Brescia est actuellement la meilleure équipe italienne du moment, elle est aussi une de celles qui cherchent à mettre en lumière le football italien. En témoigne la démarche du club de diffuser en ligne ses matches faute de contrat avec la télévision italienne qui permette une diffusion régulière des rencontres de Serie A. Un manque d'intérêt qui témoigne de la difficulté à faire exister le foot féminin dans le paysage sportif italien.

Comme dans beaucoup de pays, la nouvelle frontière c'est aussi celle du professionnalisme. Un accès au haut niveau que Sara Gama a eu en venant au Paris Saint-Germain, une expérience gâchée par des blessures mais qui reste dans l'immédiat un moyen de goûter à ce qui se fait de mieux en Europe et de transmettre ce qui peut l'être en Italie. Avec Barbara Bonansea, nous avons justement parlé de cette perspective du haut niveau et d'un football féminin professionnalisé en Italie.

Les joueuses sont tentées dans l'immédiat de partir à l'étranger tout en espérant des évolutions à plus moyen terme. Elles nous ont notamment parlé de nouveaux règlements établis par la fédération et qui poussent les équipes professionnelles masculines à créer des équipes féminines en jeunes. Une évolution qui pourrait porter ses fruits dans les années qui viennent et pousser les gros budgets de Série A à investir dans le football féminin.

Cet avenir du football italien, elles y pensent, mais il est probable que leur esprit dans l'immédiat soit tourné vers ce derby face à Mozzanica qui a pris une dimension importante sur le plan psychologique: battre la seule équipe qui leur a résisté cette saison en Italie. Sures d'elles, elles avaient l'air confiantes sur une éventuelle finale face à Vérone, une « formalité » à côté de ce sommet face aux voisines de Bergame. Une Coupe d'Italie pour pouvoir faire enfin la fête pour clôturer cette saison et puis... se reposer.

Hichem Djemai