En 2001, lors du championnat d’Europe disputé par l’équipe de France, Aimé Jacquet (champion du monde avec les Bleus en 1998) évoquait déjà les Bleues avec Claire Raynaud, ancienne journaliste pour Le Parisien. Clairefontaine, la politique de la Fédération pour le développement de la pratique chez les féminines, et l'avenir du football féminin français, l'ancien sélectionneur de l'équipe de France masculine, portait déjà un regard éclairé et pragmatique des problématiques encore bien présentes aujourd'hui !

 

La Coupe du Monde 2023 en Australie et Nouvelle-Zélande a encore été une désillusion pour l'équipe de France - éliminée en quart de finale face à l'Australie - alors que tout semblait plus ou moins réuni pour aller au moins dans le dernier carré. Un coach expérimenté, Hervé Renard, une cohésion - semble-t-il - retrouvée, le retour de cadres comme Eugénie Le Sommer, et une grande majorité du public conquis par ce renouveau. Mais force est de constater que tout cela n'était pas suffisant encore une fois. Le public a à nouveau déchanté.

Un temps trop court pour le nouveau sélectionneur, qui a sans doute oublier certaines joueuses dans sa liste pour le mondial - à l'image de Maelle Garbino, Faustine Robert ou encore Gaetane Thiney - et qui devait faire avec plusieurs absences de taille : Delphine Cascarino, Marie Katoto, Kessya Bussy, Griedge Mbock ou encore Amandine Henry ! Sans parler des méformes de Selma Bacha et Kadidiatou Diani, toutes deux blessées avant le mondial, lors du match amical face à l'Australie pour la Lyonnaise, et en club avec le PSG, pour la néo-Lyonnaise.

 

En 2001 pourtant, Aimé Jacquet évoquait déjà la politique de la Fédération en matière de football féminin : "Nous avons mis en place un plan d'action quadriennal pour développer le foot féminin en France. Nous sommes en train de former des animatrices et de faire un travail région par région pour permettre aux filles de jouer soit avec les clubs, soit avec l'appui des districts, soit à l'école." Alors qu'au Centre technique national de Clairefontaine "40 filles s'entrainent à plein temps".

 

"La FFF doit dépenser proportionnellement

10 fois plus pour les filles !"

 

Le sélectionneur des Bleus parlait également des efforts budgétaires que la FFF devait consentir pour développer la pratique chez les féminines : "Si on fait le rapport entre les sommes dépensées pour les garçons et celles pour les filles, la FFF doit dépenser proportionnellement 10 fois plus pour les filles !" Aimé Jacquet avait tenu à rappeler qu'il fallait que "le développement du football féminin fasse désormais partie de la philosophie de la Fédération" mais que "Le plus dur, en fait, était de faire rentrer cela dans les mœurs". 

En 2001, les joueuses ne représentaient que 1,6% des licenciés de la Fédération comme le souligne Claire Raynaud, c'est à dire 32.000 licenciées sur 2 millions au total. Aimé Jacquet avait déjà pointé "dans certaines régions" la difficulté "pour les filles de jouer au football car nous manquons d'effectifs pour les encadrer et de structures d'accueil." Mais le technicien avait pris la problématique à bras le corps : "nous avons interpellé tout le monde, y compris les clubs professionnels, pour que des équipes féminines soient créées partout." Si certains clubs ont aujourd'hui joué le jeu avec brio, à l'image de Lyon ou encore du PSG, force est de constater que certains clubs trainent encore les pieds, et que les budgets alloués par certains clubs restent insuffisant et frustrant pour les coachs et leurs supporters, notamment pour les conditions de travail des joueuses et le recrutement des meilleures d'entre-elles pour étoffer les effectifs et rendre le jeu d'avantage attractif.

 

"La femme est l'avenir

du football !"

 

Pour Aimé Jacquet "l'évolution du football passe par la présence des filles. Sur le terrain d'une part, mais aussi sur le banc." Avant d'ajouter que selon lui : "on peut dire qu'en quelque sorte la femme est l'avenir du football !" Pour le technicien, "Leur philosophie, leur psychologie sont primordiales compte tenu des problèmes sociaux auxquels sont souvent confrontés les entraîneurs dans certains clubs sensibles." Le sélectionneur de l'équipe de France masculine n'avait pas manqué à l'poque déjà d'encenser le niveau des Bleues, qui disputaient à l'époque cet Euro 2001 : "certains joueurs pourraient s'inspirer d'elles, même s'il ne faut pas comparer avec les mecs." même s'il a tenu également à rappeler qu'il "y a forcément moins d'engagement, moins de puissance, moins de présence athlétique." mais que "le football féminin reste avant tout un très beau spectacle avec de très beaux gestes. Encore que dans certaines équipes de l'Europe du Nord, je peux vous dire que les filles, elles sont costaudes et elles y vont !" Un regard pragmatique et affirmé, qui démontre toute l'expertise du coach de l'équipe de France masculine.

 

"220 000 (pratiquantes, éducatrices, arbitres, dirigeantes),

soit 10% du total (2 178 583 au 6 mars 2023, FFF)"

 

Claire Raynaud n'avait pas manqué d'évoquer - également - la question des primes égales à ceux des garçons et à ce sujet, Aimé Jacquet a été cash : "On ne donne que l'argent qu'on a. L'argent des professionnels a été apporté par les sponsors. Le jour où ce sera la même chose chez les filles, et cela commence déjà, eh bien, leurs primes seront beaucoup plus importantes." Vingt-deux ans après cet interview, force est de constater que les problématiques sont toujours bien ancrées en France, avec un seul vrai point, qui a "évolué", le nombre de licenciées qui est aujourd'hui de "220 000 (pratiquantes, éducatrices, arbitres, dirigeantes), soit 10% du total (2 178 583 au 6 mars 2023)" selon les chiffres de la FFF, dont "176 682 pratiquantes". En avril dernier, la FFF a enfin pris le problème au sérieux, avec un nouveau plan de développement du football féminin français élite, avec une réforme des compétitions, une licence club - qui n'est pas obligatoire pourtant - et des centres de formations entre autres !

 

Reste encore le point primordial qu'il faut aujourd'hui pointer : le manque de formation des jeunes joueuses en club, dû parfois à leur manque de moyens, et des joueuses, qui ne sont pas forcément à 100% dans le football. Une situation qui se répercute in-fine en sélections jeunes, avec des coachs, qui n'ont pas assez de temps pour préparer comme il faut leurs joueuses sélectionnées. Ainsi que le manque de temps de jeu en D1 de ces jeunes joueuses, pour les préparer au haut niveau et l'équipe de France senior, qui sont pourtant fondamentaux pour remporter des titres aujourd'hui, comme le démontre parfaitement l'Espagne. Sans parler d'une parfaite connaissance du football féminin, à l'image de Sarina Wiegman en championnat d'Europe. Ainsi que la considération du public, qui doit également s'accroitre et se bonifier ! Que faudra-t-il encore améliorer pour permettre à la sélection française d'arracher enfin un titre ? Les Jeux Olympiques de Paris 2024, seront assurément le point critique du développement du football féminin en France ou de sa perdition.

 

Photo : DR

Dounia MESLI