Avoir un temps d'avance, c'est l'une des priorités d'Antoine Ferreira, ancien recruteur du PSG et du Paris FC, qui était en charge de dénicher les pépites du ballon rond ! Des heures de travail complexes et fastidieuses, qui pouvaient s'avérer payantes ou encore frustrantes, si la joueuse convoitée ne signait pas. Pour Coeurs de Foot, il revient sur son rôle au sein des clubs par lesquels il est passé, les joueuses qui lui ont tapé dans l'oeil, sa vision du football et l'équipe de France !

 

Coeurs de Foot - Peux-tu te présenter brièvement à notre lectorat stp ?

Antoine Ferreira - Je m’appelle Antoine Ferreira et j’ai été le coordinateur de la cellule de recrutement féminine du Paris Saint-Germain de 2017 à 2019, puis au Paris FC jusqu’en juillet dernier. Très concrètement, je m’occupais d’organiser une cellule capable d’anticiper le recrutement de l’équipe première en D1 Arkema, ainsi que des U19 Nationales.

 

CDF - Comment est-ce que tu as été recruté par le PSG, puis le Paris FC ?

A. F. - Ce n’était pas un hasard, je faisais mes études dans l’entraînement de haut niveau et je devais faire un stage, donc je l’ai fait en tant qu'analyste vidéo au PSG. J’ai été coach U12 Féminine du PSG, et quelques jours plus tard, c’est Antero Henrique et Joao Luis Afonso, qui m’ont appelé pour faire le recrutement du PSG.

Le Paris FC m’a appelé, par l’intermédiaire de Fréderic Hébert, un ancien dirigeant du PSG que je connaissais, qui reprenait la direction sportive du Paris FC et il voulait monter une cellule de recrutement.

 

"J’avais surtout la chance de bosser aux côtés

de Sandrine Soubeyrand"

 

CDF - Comment se passait ton recrutement au PSG, puis au Paris FC ?

A. F. - Il y a des centaines de matches qui sont visionnés pour au final 2/3 joueuses de signées… C’est un métier extrêmement chronophage qui peut très vite devenir frustrant. Il faut être capable de créer toute une organisation, avec les recruteurs que j’ai sous la main, de façon à être le plus efficace possible. Et derrière, il faut encore convaincre le coach et le directeur sportif.

Il y’a plein de joueuses que tu vois et que tu ne signes pas, parce que les décisionnaires ne sont pas forcément intéressés, parce que le profil ne colle pas avec les besoins du moment ou parce que tu tombes sur un mauvais jour. Paulina Dudek, qui était en Pologne, on l'a recruté avec Bruno Cheyrou. Et Sara Dabritz je l'avais aussi proposé en 2017… Et Khadija Shaw qu’on a raté…

Au Paris FC c’était autre chose car les profils souhaités étaient différents. J’avais surtout la chance de bosser aux côtés de Sandrine Soubeyrand avec qui on échangeait énormément. Nous avions globalement la même vision de notre projet de jeu et ça simplifie vachement les choses pour le recrutement.

C’est différent chez les jeunes. Au PSG, avec l’aide de Sebastien Thierry, nous avions pu monter une équipe U19 Nationales « à notre sauce » qui est tout de suite devenue championne de France en 2019 sous Jorge Quiroz. Au Paris FC, on allait commencer à mettre cela en place avec Aymen Salmi qui, à mes yeux, possède déjà la meilleure génération de France et qui était très à l’écoute de ce nouveau projet. La petite Louna Ribadeira qui a fait ses débuts en D1... bah c’est le travail d’Aymen, entre autres.

 

CDF - As-tu des pistes ou des retours sur un prochain poste ?

A. F. - Je devais signer un contrat avec le Paris FC, mais on devait attendre l’aval de la DNCG, et malheureusement le budget avait été bouclé et il était trop tard pour moi... Ils devaient réduire la masse salariale. Puis j’avais eu un contact pour revenir au PSG. Il faudra que je me penche sur des autres solutions, en dehors de la région parisienne ou à l’étranger par exemple. On sait tous que le foot est un milieu instable.

 

"Quand tu aimes autant le football, il suffit juste d’être attentif pour identifier

rapidement les meilleures joueuses."

 

CDF - Tu avais suivi la Coupe du Monde U20 à domicile en Bretagne, je me souviens que tu me disais toutes les joueuses à suivre avant même le début des rencontres, et à chaque fois tu avais vu juste : Jun Endo, Damaris Egurrola, Lauren Hemp, Claudia Pina, Victoria Pelova... On sent que c'est quelque chose que tu adores. D'où ça te vient ?

A. F. - Tout simplement parce que j’aime le football. J’ai une partie de ma famille qui a toujours travaillé dans le football, j’ai même quelqu’un de ma famille qui a fait partie du staff de José Mourinho à l’Inter, au Real Madrid et à Chelsea. Je passe mes journées à regarder du football. Je suis même coach bénévole à l’US Carrières-sur-Seine, en Séniors R2 Féminine, pour occuper mon temps libre avec du football.

Quand tu aimes autant le football, il suffit juste d’être attentif pour identifier rapidement les meilleures joueuses. La Coupe du Monde U20 était vraiment regorgée de jeunes talents incroyablement fortes, je les connaissais déjà toutes avant d’arriver en Bretagne.

 

CDF - Est-ce que tu continues encore ce travail de ton coté ?

A. F. - Oui, déjà parce que j’aime ça et surtout parce que, lorsque je retrouverai un club, il faudra que je sois tout de suite efficace. Je ne peux pas laisser filer les meilleures joueuses chez nos concurrents, cela va trop vite.

 

"L’Équipe de France ne devrait pas avoir trop

de problèmes pour se qualifier."

 

CDF - L'équipe de France débute sa phase de qualification pour la Coupe du Monde 2023. Comment sens-tu ce groupe ?

A. F. - L’Équipe de France ne devrait pas avoir trop de problèmes pour se qualifier. Le groupe est largement abordable. Je vois plutôt la Slovénie et le Pays de Galles comme principaux adversaires. Les Slovènes possèdent une majorité de joueuses qui jouent en Bundesliga (dont la petite Prasnikar qui était sortie d’une saison 2019/2020 de folie).

Les Galloises, elles, jouent plutôt en Angleterre qui est également un championnat très relevé. Mais globalement, les joueuses sélectionnées et sélectionnables par Corinne Diacre ont un potentiel supérieur à toutes les autres adversaires du groupe. Si les joueuses abordent correctement les matches, la qualification sera une formalité.

 

CDF - Que penses-tu de la gestion du groupe et du coaching de Corinne Diacre justement ?

A. F. - Il se passe tellement de choses dans un groupe, en Équipe de France ou ailleurs. Aujourd’hui, les choix de Diacre sont scrutés avec attention parce que c’est l’Équipe de France. On fait la même chose avec Deschamps dernièrement, alors qu’il est champion du monde.

C’est compliqué d’avoir un avis sur tout ça, d’autant plus quand on ne connaît pas la moitié des choses qui se passent dans le vestiaire. Demain, si l’Équipe de France gagne l’Euro, je suis persuadé qu’elle sera plus tranquille. C’est comme ça, l’opinion publique s’identifie énormément aux résultats.  

 

"L’écart entre les U19 Nationales et la

D1 Arkema est trop grand"

 

CDF - Penses-tu que le foot féminin en général, et en France est dans la bonne voie ? Notamment en vue des JO de Paris, après l'échec de la Coupe du Monde 2019.

A. F. - Je pense que le football français est sur la bonne voie, mais on peut encore largement mieux faire. Aujourd’hui, l’écart entre les U19 Nationales et la D1 Arkema est trop grand. Il s’agirait d’identifier des motifs et proposer des solutions. La création d’un championnat U23 ou de réserves ? L’élargissement du nombre de prêts autorisés pour que les jeunes joueuses puissent être prêtées en D2 quelques temps ?

C’est pareil pour la réforme des championnats. Le fossé entre la R1 et la D2 est énorme, pareil entre la D2 et la D1. Aujourd’hui, à quelques exceptions près, un club totalement amateur ne peut plus survivre en D2. On parle de recréer la D3 ? Pourquoi pas.

Par contre, les clubs bossent bien dans la globalité. Le niveau global de la D1 augmente car les petites équipes sont de mieux en mieux préparées. Lyon et le PSG dominent toujours autant, mais le Paris FC et Bordeaux pointent doucement le bout de leur nez. Fleury a également réalisé le mercato le plus intéressant de cet été (et il nous avait confié cela avant le match Bordeaux-Fleury, remporté par les Floriacumoises 2-1 en fin de match, en inscrivant les deux buts de la victoire, ndlr).

Il faut continuer dans cette voie-là, les clubs se professionnalisent petit à petit sur le plan sportif. C’est juste dommage que l’on ne pense pas assez à développer le recrutement, cela pourrait permettre à des clubs de gagner du temps et d’augmenter leur potentiel au sein de l’effectif. Mais ceci est valable dans le football masculin aussi, nous avons plusieurs trains de retard sur nos voisins européens.

Dounia MESLI