“Nous ne sommes pas 11, nous sommes 11 millions”. Un slogan affiché par les supporters portugais au Stade de France, auront suffi pour rafler la dernière Coupe d’Europe 2016. Même si l’équipe féminine ne fait pas encore partie des "grandes" nations du Football, on ne peut parler de l’Europe sans évoquer de la Seleção das quinas, version féminine. Et pour aborder de la sélection nationale, nous sommes allés à la rencontre d’une joueuse, l’internationale portugaise évoluant depuis ce mois de décembre avec la toute nouvelle section féminine du Sporting Clube de Portugal, Ana Marques Borges. 

 

 

Un retour à la maison et le rêve devient réalité


Ana Catarina Marques Borges, plus connue sous le nom d'Ana Borges a joué au Portugal, aux États-Unis, en Espagne, en Angleterre avant de revenir dans sa patrie, là où tout à commencé pour elle. L'internationale portugaise fait ses gammes en équipe U19, le 26 septembre 2006 (5 buts en 27 apparitions), puis elle enchaîne en équipe nationale A en mars 2009 (9 buts pour 85 sélections). Ana est probablement une joueuse atypique, qui n’a pas peur d’aller à l’aventure. Elle a connu plusieurs clubs dans son parcours de footballeuse.

Elle débute sa carrière professionnelle jeune, à l’âge de 16ans, dans un club du Portugal, le Fundação Laura Santos entre 2007 et 2008. Elle part ensuite au Prains Zaragoza en Espagne entre 2008 et 2013. Elle évolue également une saison aux États-Unis à Santa Clarita Blue Heat de 2012 à 2013. Avant d’enchaîner une saison avec l’Atletico de Madrid de 2013 à 2014. Elle continue son périple, d’un club à l’autre, au sein du prestigieux club de Chelsea FC et cela depuis juin 2014 jusqu'à il y a quelques jours...

Elle disait à l'époque qu'elle se sentait "très heureuse de rejoindre Chelsea," que "c'est un autre type de football, un autre pays, une nouvelle expérience fantastique..." qui l'aidera "à la fois professionnellement et personnellement et aidera aussi l'équipe nationale [du Portugal]. Ce sera formidable de jouer en Angleterre en FA WSL..." Un défi qu'elle relève avec brio. Ana Borges a eu un impact instantané à Chelsea en marquant ses débuts par une victoire face à Everton 2-1. La joueuse est arrivée là au prix de sacrifices et d'un travail acharné.

L'internationale mélange un style de jeu technique, avec une résistance physique obstinée, douée d'une vision de jeu aguerrie et d'un sens aiguisé sur ses déplacements. La Portugaise jouit également d'un jeu polyvalent qui lui permet d'évoluer en tant qu'ailière ou comme un solide arrière. Elle a rempli les deux rôles de façon impressionnant au cours de la campagne de 2015 en y faisant 25 apparitions, et qui a vu le club de Chelsea remporter le titre de Champion de FA WSL ainsi que la FA Women's Cup à Wembley. Un coup double, qui lui donne le chemin à suivre et un cap à tenir. Consolidant par la même sa place en tant que membre précieux de l'escouade emmenée par Emma Hayes. L'année 2016 sera pourtant plus difficile, avec une équipe de Manchester City venue en force pour détrôner le tenant du titre londonien. Son club chute en finale de Coupe face à l'équipe de Stephanie Houghton. Le doublé leur échappe.

La page se tourne également pour Ana, qui rentre au pays, car elle vient de signer avec le club du Sporting Clube de Portugal. Un club où l'un de ses compatriotes à également évolué, il s'agit bien sûr de Cristiano Ronaldo. Un retour aux sources à point nommé, comme pour boucler la boucle, en cette année d'Euro, pour être au plus près de la sélection. "Un rêve devenu réalité" comme elle l'a évoqué, rejoingnant également l'une de ses coéquipières en équipe nationale, Rita Fontemanha.

Le championnat portugais a pris un véritable tournant cette année. La Fédération portugaise de Football ayant décidé d'intégrer des clubs historiques portugais comme le Sporting, Braga, Belenenses ou encore Estoril. Passant de 10 à 14 clubs ! De plus, cette "nouvelle ligue" se nommera dès la saison 2016/2017, Liga Allianz pour raison de sponsoring lié avec l'assureur allemand.

 

 

Le Portugal, la sélection qui monte

 

Depuis 2014 le Portugal ne cesse de progresser dans le classement mondial passant de la 42ème place à la 38ème aujourd’hui. Marche après marche, la sélection se construit, se consolide, sans vouloir griller les étapes. 23ème au classement européen, le Portugal profite de son tournoi à l’Algarve pour évoluer dans son jeu et mettre le coup de projecteur sur la péninsule ibérique.

Entre le 1er mars et le 8 mars 2017, le Portugal, accueillera ainsi sa 23ème édition de l'Algarve Cup, une compétition internationale amicale de football féminin. Douze nations prendront part à cet événement d'envergure : le Canada, le Danemark, la Russie, l'Islande, le Japon, la Norvège, l'Espagne, l'Australie, la Chine, les Pays-Bas, la Suède et le Portugal (Pays hôte).

Un tournoi majeur dans le monde du football, qui a pertinemment accru le niveau de l'équipe portugaise, et qui a ainsi démontré la volonté de la Fédération à se placer autour de sa section féminine depuis plusieurs décennies.

 

 

La qualification pour l’histoire, la fierté, l’orgueil

 

Après 10 matches difficiles et éreintants, en phases de qualification, le Portugal trouve la lumière au bout du tunnel et décroche le dernier ticket pour l’Euro 2017 face à la Roumanie. Une qualification qui a été obtenue après un long chemin parcouru, ardu, semé d’embûches, le 25 octobre 2016. Une date qui restera gravée dans la mémoire de toutes ces joueuses, qui jouent pour l’amour du maillot avant tout : "Le parcours n’a pas été facile, mais quand tu as un groupe de joueuses comme celui-ci, tout devient plus facile… et à la fin, la récompense tant attendue est cette place pour la phase finale". Un moment au combien historique, puisque c’est la première qualification pour la Seleção das quinas en Coupe d’Europe. La joie d’Ana et de ses coéquipières a été à la hauteur de ce triomphe, un succès pour les joueuses, Francisco Neto et le Portugal, puisque le pays participera à l’Euro 2017 aux Pays-Bas, pour la première fois de son histoire.

Plus qu'une qualification, pour Ana Borges, ce sont aussi des valeurs trouvées dans le football, comme elle l'explique : "Parce que le football est bien plus qu’un jeu, plus que gagner ou perdre, pleurer ou rire… tout simplement parce qu’à la fin de tout, et quand j’aurai fini tu vas comprendre que le seul qui reste sont les amitiés qui s'y font."

 

 

Coeurs de Foot - Tu es probablement la joueuse portugaise la plus populaire dans le football (selon nous en tous cas). On sait que tu es très fière de jouer pour ton pays ! Quand tu vois l’équipe masculine, est-ce que tu n’es pas frustrée dans un sens de jouer un second rôle au niveau international avec la sélection féminine ?

Ana Borges : Je ne ressens aucune frustration parce que nous savons que la Fédération soutient le football féminin, bien sûr d’une manière légèrement différente, mais c’est grâce à eux que le développement de la même chose [que les garçons] est en croissance considérable.

 

CDF - Tu es tout de même partie de loin avant d’en arriver là où tu en es. Est-ce que tu avais depuis le début en tête d’être joueuse professionnelle et internationale qui plus est ?

A. B. : Je n’ai jamais pensé à quitter le Portugal et beaucoup moins jouer pour l’équipe nationale de mon pays. Avec le temps, les choses se préparaient et toutes les occasions étaient saisies. Aujourd’hui, je me sens vraiment heureuse de tout ce qui m’est arrivée dans le monde du football.

 

"Nous grandissons à jouer

contre elles"

 

CDF - Vous organisez par ailleurs l’Algarve Cup, c’est un événement qui a énormément mis en lumière le football féminin au Portugal. Comment est-ce que tu le ressens de ton côté ?

A. B. : Durant l’Algarve, ce sont toujours les meilleures sélections, semblables, et en général, nous grandissons à jouer contre elles, avec une expérience qui est acquise dans les championnats du monde et en Europe. Une action qui est un “travail fort” pour la ligue portugaise et les joueuses.

 

“Personne ne croyait que le

Portugal gagnerait”

 

CDF - On ne peut pas t’interviewer sans évoquer du titre européen glané par le Portugal cette année 2016, tu as surement regardé le match en direct. J’imagine que c’est un moment que vous rêvez de vivre chez les féminines. L'équipe féminine du Portugal prend de plus en plus de place dans le monde du football, est-ce que c’est un objectif à long terme pour ta génération ou la suivante ?

A. B. : Bien sûr, j’ai regardé et c’était inoubliable… et c’est peut-être le titre où personne ne croyait que le Portugal gagnerait. Nous savons que c’est difficile pour le football féminin, mais tout est possible avec le travail et le temps.
 

CDF - Qu’est-ce qu’il manque selon toi ? On voit que votre coach, Francisco Neto, se donne beaucoup pour l’équipe féminine, notamment durant l’Algarve.

A. B. : Ils font tous un excellent travail et le fruit de cet [excellent travail] est une place atteinte pour la phase finale à l’Euro 2017 cette année.
 

CDF - Est-ce que la Fédération met en place des pôles de formation chez les jeunes pour améliorer le niveau et laisser éclore des talents pour l’équipe nationale ?

A. B. : Aujourd’hui nous avons un centre de formation pour concentrer toutes les sélections dans le même endroit.
 

CDF - Tu dis dans une interview que “jouer avec le Portugal n’a pas de prix” est-ce qu'il y a une évolution du football féminin au Portugal ?

A. B. : Je suis très fière de mon pays et du très bon travail autour du football féminin, c’est positif aujourd’hui au Portugal.
 

CDF - On sait que tu as débuté le football avec des amis. Est-ce qu’il y a des joueuses qui t’ont inspiré pour jouer au football, ou alors ce sont des joueurs ? 

A. B. : J’aime tous les joueurs portugais et surtout les portugaises qui jouent pour le pays, sans recevoir de salaire, mais avec un grand engagement et une volonté incroyable et c’est ce qui m’inspire.

 

CDF - Quand tu jouais à Chelsea, on t’apercevait énormément avec la Sud-Coréenne Ji So Yun, tu as un lien très fort avec cette joueuse ?

A. B. : Ma relation avec Ji So Yun est excellente, c'est une très bonne personne et une joueuse avec un brillant avenir.

 

“Une valeur pour

nous tous”

 

CDF - Sur ta page Facebook, tu racontes un peu ton histoire, les bons moments comme les mauvais, tu nous fais vivre ta vie un peu, tu parles du football, tu es assez proche de tes fans en plus. Est-ce que tu penses que c’est un aspect que chaque footballeur pro doit développer ?

A. B. : Je pense que tous les joueurs devraient être plus proches des fans, car ils ne peuvent plus passer inaperçus (c’est une attention spéciale) et plus encore, c’est l’affection qu’ils véhiculent. C'est une valeur pour nous tous.

 

CDF - En ayant joué dans un club aussi populaire que Chelsea, est-ce que tu ressentais l’effervescence dans le stade pour le football autour de toi ? 

A. B. : Les supporters de Chelsea sont incroyables, ils soutiennent l’équipe féminine et aussi l’équipe masculine. Bien sûr, il y avait plus de supporters qui allaient au stade voir les matches masculin, mais nous ne pouvions pas nous plaindre du soutien qu’ils donnaient à l’équipe féminine.
 

CDF - On sait que pas mal de fans craignent que le football féminin ne devienne le “football masculin”, paillette, argent et people. Est-ce que de ton côté, tu ressens cet avenir pour le football féminin ?

A. B. : Je pense que le football féminin est assuré et je n’ai pas de problème à cet égard.

 

“Obtenir les meilleurs résultats

possibles”

 

CDF - Pour parler de l’Euro 2017. Vous êtes dans une grosse poule, mais peut être la plus prenable pour vous, est-ce que vous avez l’espoir de créer la surprise dans cet Euro ?

A. B. : Nous travaillerons pour obtenir les meilleurs résultats possibles. Nous savons que c’est une compétition très exigeante, mais nous travaillons avec des objectifs, alors nous prendrons match après match et à la fin les comptes seront faits.

 

CDF - Est-ce qu’il y a une équipe nationale dans le football féminine qui vous inspire dans votre envie de vous surpasser ?

A. B. : Je pense toujours à mon équipe, le club que je représente, je ne pense à aucune autre équipe.


CDF - Tu as certainement entendu parler de l’inégalité de salaire entre les joueuses et les joueurs aux États-Unis ou des Nigérianes qui n’ont pas reçu leur prime de Championne d'Afrique. Que penses-tu de ces deux situations ?

A. B. : C’est une réalité du football, la différence entre les salaires d’un pays à l’autre. En Angleterre, le football est bien développé et au Nigeria ce n’est pas le cas. Pour moi cette différence n’est pas correcte, mais bien sûr il n’est pas possible de comparer la commercialisation qu’il y’a de l’un à l’autre, entre le football masculin et féminin...

 

CDF - Que comptes-tu faire après footballeuse ou pendant que tu l’es d’ailleurs ?

A. B. : Je n’y pense pas encore, mais finir mes études est continuer dans mes projets.

 

Interview traduite par : Victor Hannover

Dounia MESLI