Avant le début du championnat, nous avons profité de la présence de Reims à la Aiglonnes Cup pour échanger avec Amandine Miquel sur la saison à venir, l'équipe de France ou encore l'arrivée des playoffs en D1. La coach s'est confiée sans filtre, après la victoire de son équipe 3-0 face à une équipe de Guingamp très affaiblie !

 

Coeurs de Foot - Vous avez le sourire aujourd’hui, même si c’était une victoire en demi-teinte, avec deux visages (Reims a inscrit ses trois buts en première période, ndlr) ?

Alors ce n'était pas le plan prévu, mais on va dire que oui c'est bien de gagner. Après ça reste la prépa, c'est un match amical, on a beaucoup fait tourner encore une fois. Marquer ça fait du bien quand même, car on avait marqué qu'un but sur la prépa. Ne pas en prendre c'est aussi agréable, la gardienne avait l'air agréablement surprise.

C'était un match dans le contenu intéressant, mais perfectible. Il y a des choses qui commencent à se profiler, mais elles ne sont pas encore abouties, il nous reste trois semaines pour cela. On sera prêt mi-octobre comme d'habitude. (sourire)

 

Journaliste - On vous a vu sur certaines actions offensives un peu grimacer, vous auriez pû ou dû en marquer plus ?

Oui on aurait pu, on aurait dû en marquer plus. C'est la tolérance, c'est la jeunesse, il y a de l'envie, mal maîtrisée, mal coordonnée, mal calculée, [mais] l'essentiel c'est d'avoir de l'envie. On ne peut plus faire grand-chose sans l'envie, donc c'est plutôt bon signe.

Il y a des choses à réparer bien évidemment, à peaufiner, mais moi je suis plutôt optimiste sur le contenu que j'ai vu aujourd'hui. En sachant que comme vous le savez on à encore quelques petites joueuses surprises de dernières minutes [qui vont arriver], donc je me dis que ça va aller.

 

Journaliste - Tous les ans il faut reconstruire avec les départs (Melchie Dumornay, Kessya Bussy, Magou Doucouré etc) et les arrivées ? Le retour de Mélissa Gomes, des joueuses du FC Nantes.

Les arrivées tardives ne nous permettront pas d'être à 100% sur mi-septembre, il faudra attendre un petit mois je pense, donc à plein régime mi-octobre. 

On à déjà les recrues qu'on a pu faire assez tôt, qui sont satisfaisantes comme Jade Nasi, Anaelle Le Moguedec. Oui c'est vrai qu'on aime bien le FC Nantes, merci à eux pour leur participation active à notre effectif (sourire). Mais comme Montpellier aime l'effectif du Stade de Reims (Océane Deslandes et Sonia Ouchene ont rejoint le club du sud, sur les deux dernières saisons, ndlr), donc on est dans le partage (sourire), c'est le concept, c'est un libre marché.

Nous on fournit pas mal d'autres clubs, donc il n'y a pas de raison qu'on ne se fournisse pas chez les autre aussi. On a aussi Noémie Mouchon, qui nous a rejoint de Lille, j'ai l'impression qu'on va l'utiliser différemment, donc il faut le temps qu'elle s'adapte à comment nous on va l'utiliser.

On a aussi la jeunesse, Adele Connesson, qui ne jouait pas beaucoup et qui commence à mieux prendre ses marques. Shana Chossenotte, qui s'est essayée au poste de latéral aujourd’hui, c’était un exercice pour elle pour qu’elle se rende compte, de comment on se place quand l'attaquante arrivait, c'était un travail inversé, qu'elle se rend compte de ce qu'il faut faire pour déstabiliser un défenseur, donc quoi de mieux que de jouer en défense.

Ce que j’ai vu aujourd'hui me semble correcte mais perfectible, avec nos moyens, avec notre recyclage d’effectif comme tous les ans, j'ai envie de dire, on va peut-être encore être là.

 

CDF - Justement par rapport à la saison dernière il y a eu beaucoup de  changements, de départs de grosses joueuses ? Avec Dumornay et Bussy, qui ont été très importantes sur la saison précédente.

Cette année pas plus, pas moins, l'année où Phallon Tullys-Joyce est partie [à l'OL Reign en 2021], Melissa Herrera et Mélissa Gomes, c'est l'année où on avait fourni Bordeaux essentiellement. On nous a dit la même chose... On n'est pas inquiets, mais si les gens s'inquiètent, c’est très bien.

 

Journaliste - Vous avez la culture d'aller observer, d'aller essayer de détecter des joueuses dans des compétitions moins mises en avant, c'est un travail de longue haleine, qui finalement porte ses fruits tous les ans ?

C'est un travail essentiel. Si on ne le fait pas, si on part en vacances comme certains de mes collègues... On a l'effectif qu'on construit, alors sauf si on a un directeur sportif, là il y a un conflit à ce moment-là, on débat avec son directeur sportif, mais quand on en a pas, l'avantage c'est qu'on a l'effectif qu'on a choisi, donc on ne peut pas se plaindre.

On a choisi les joueuses et on regrette aucun de nos choix, ils sont tous millimétrés de façon à ce que ça s'emboîte et ça s'insère correctement.

 

CDF - J’imagine que vous avez suivi l'équipe de France, qu’avez-vous pensé de cette élimination aux portes des demi-finales ?

(sourire) Vous voulez encore que je sorte des scoops. Bah moi je prend un joker, no coment, car je n’ai pas les réponses et de toute façon on ne m'a pas demandé d’aide donc voila, le jour où on me demandera, j’évoquerais des hypothèses, pour l’instant on ne m'a pas sollicité.

Le poste de sélectionneur est un poste complexe. Il y a du choix en France, maintenant est-ce que ça se limite au terrain, est-ce que ce n'est pas plus profond, est-ce que le mal n'est pas tout simplement sur le développement global du football féminin en France ? On a tendance à regarder le point final, le coach et les joueuses, peut-être qu'il faut regarder en amont...

 

Journaliste - Quand on regarde en Espagne, sans regarder l'extra sportif, il y a un fond, une formation et une politique de développement qui portent ses fruits chez les jeunes et maintenant chez les A aussi ?

C’est exactement ça, après plusieurs titres en jeunes, et la Champions League avec Barcelone et la Coupe du monde, malgré une énorme mésentente avec le staff, donc ça prouve aussi que ce n'est pas incompatible, dans le sens où s'il y a une entente entre les joueuses, ce n'est pas bloquant, s'il y a une mésentente avec le staff, c’est ralentissant, mais pas bloquant.

Ce qui est bloquant c’est une mésentente entre les joueuses et entre staff, là ça fait un triangle. Quand c’est deux fronts séparés, on l'a vu, cela peut fonctionner.

 

CDF - Justement que pensez vous de la polémique autour de Hermoso et Rubiales, avec ce baisé forcé du Président ? C’est vrai que Hermoso en plaisantait au début en pensant que le Président allait peut-être démissionner de lui-même, ou s'excuser, au final il ne l'a pas fait, pire il lui a reproché d’avoir consenti ce baisé, même de l’avoir cherché ?

Pour moi c'est la partie visible de l’iceberg, mais cela est au quotidien. Cela fait douze ans que je suis dans le foot féminin, des gestes ou des réflexions sexistes c’est le quotidien de toutes les joueuses et tous les staff... On laisse passer, on rigole, sauf qu'à un moment donné ça devient pesant et là ça a eu lieu aux yeux du monde entier, donc le timing n'était pas très bon.

Pour moi ce sont des faits répétés, l'Espagne c'est un détail, vous prenez toutes les histoires sur les sélections africaines ou sud-américaines, peut-être que ça sort moins [mais ça existe déjà]. 

Haïti je trouve que c'est quand même bien passé sous le tapis, car on parle de choses bien plus graves, même si ça reste grave ce qui s'est passé avec l'Espagne. Il ne faut plus tolérer ces petites choses, ces réflexions, car ça vient de là, toutes ces réflexions qu'on tolère au quotidien, mais pas que dans le football. En tant que femme on subit au quotidien, cette relégation au second rôle et peut-être que c'est exacerbé dans le football, car c'est un marché, une entreprise masculine, l'argent est essentiellement généré par les hommes pour l'instant, mais c'est le même problème dans d'autres sports. Pour pouvoir rivaliser, s'affirmer et dire stop, il faudrait qu'on génère autant de pouvoir d'achat, autant de bénéfices.

 

CDF - Il faut être soutenu surtout ?

Il faut être soutenu, il faut peut-être plus de femmes dans les instances, il faut rééquilibrer et quand on sera à 50/50 au pouvoir, je pense qu'ils resteront d'avantage à leur place. Mais je pense qu'on ne sera plus sur terre à ce moment-là.

 

Journaliste - Question par rapport au championnat, l’arrivée des playoffs, quel est votre avis la-dessus ?

Moi je ne suis pas favorable, maintenant je m'adapte à ce qu'on nous propose, [mais je ne suis] pas personnellement emballée. Mais effectivement ça peut mettre un petit challenge d'être dans les quatre premiers, mais ça peut rebattre légèrement les cartes pour ces quatre équipes-là.

Je suis un peu plus embêtée pour les autres équipes qui au 8 mai n’auront plus rien à faire, et vont jouer des mercredis des matches. On se plaignait qu'il y avait des trous, mais là on arrive jamais à trouver un juste milieu, donc on passe d'un championnat gruyère, à un championnat surchargé. Je pense qu'il manque des situations où on regroupe les vrais acteurs du foot féminin, les coachs et les capitaines avec la Fédération pour faire des choix et prendre des décisions ensemble, parce que les décisions sont souvent loin de nos revendications.

 

Journaliste - Quelles sont concrètement vos ambitions pour cette saison ?

Le maintien, comme tous les ans et plus si affinité.

C’est trop tôt pour dire, je pense qu'à noël on pourra se dire si on a réussi à intégrer les nouvelles, est-ce que ça match tout de suite. Parfois ça prend trois mois, parfois six mois, parfois il faut une année entière. On ne peut pas le savoir d'avance, mais forcément on a envie que ça prenne le plus vite possible.

Au-delà du classement ou des résultats, on a envie de prendre du plaisir et produire du beau jeu, pour que cela soit attractif pour les gens qui viennent nous voir, car le problème de fond, c'est qu'il n'y a pas assez de pouvoir, de bénéfices [autour du foot féminin], donc il faut que cela soit [un moment] agréable.

On a aussi eu le débat si la diffusion des matches était mieux gratuite sur Dailymotion ou payante sur Canal + ? Moi je vais vous dire ça serait mieux gratuit sur TF1/M6 (sourire), je lance un appel. Mais déjà que pour avoir la Coupe du Monde [cet été à la TV] cela à été très compliquée, donc le championnat de D1...

C'est un cercle vicieux, et on en revient au même problème, pour être sur ses chaînes là il faut être sur un beau stade, avoir des installations qui permettent de mettre plusieurs caméras, que quand il pleuve on y voit encore, quand il fasse nuit avoir les éclairages. Je critique mais nous sommes aussi concernés [à Reims] par ce problème, donc c’est toujours le même débat, la Fédération n'oblige pas, les clubs ne font pas, et les licences élites et excellences n'étant pas du tout obligatoire, tant que les clubs ne font pas l'effort, rien ne va changer.

 

Photo : Coeurs de Foot

Dounia MESLI