Appelée en septembre dernier par Olivier Echouafni pour remplacer Griedge Mbock alors blessée, Aissatou Tounkara a été titularisée face à l'Albanie, son premier match en A. Elle découvre enfin la cour des grandes après avoir fait toutes ses gammes avec les jeunes, des U16 aux U19, jusqu'à décrocher la troisième place de la Coupe du Monde U20 2014, grâce à un but qu’elle a marqué. Avec nous, la Juvisienne se confie sur son parcours et ses ambitions.

 

Coeurs de Foot - On a vu que tu évoluais au poste de défenseure centrale, mais que tu pouvais aussi jouer arrière droit ?

Aissatou Tounkara - Mon coach [à Juvisy] m'a déjà mis arrière droit contre Lyon, mais après toute la saison je jouais arrière centrale.

 

CDF - T'as fait tes gammes en sélection depuis les U16, comment tu vois ta progression depuis ? On sait que tu es une joueuse assez discrète, c'est un point faible on va dire pour pouvoir se faire une place en équipe de France A ?

A. T. - J'ai fait toutes les étapes en sélection, les U16, les U17, les U19, les U20 et la A, et j'ai avancé petit à petit en fait.
Bah non je trouve pas que c'est un point faible parce que dans le groupe je me sens bien et tout se passe bien.

 

CDF - On a vu que tu avais remporté la Coupe du Monde U17 en 2012 aux tirs au but et juste après la Coupe d'Europe U19 en 2013. On sait qu'en sélection on apprend beaucoup plus et plus vite, ça t'as permis de cloisonner ton apprentissage et ta mentalité pour le haut niveau ? Aujourd'hui c'est en partie grâce à ça que tu es en A ?

A. T. - Je m'entraînais depuis que j'étais jeune avec les seniors. Oui c'est vrai, avec toutes les sélections jeunes j'ai pris de l'expérience même si j'ai fait que des compétitions jeunes mais ça me permet de m'aider en A, parce qu'on a quand même remporté des titres et c'est pas rien.
Ce sont des moments gravés et qu'on oublie pas.

 

CDF - Parce qu'on a vu que quand vous êtes revenues d'Azerbaïdjan (après la Coupe du Monde U17) vous réalisiez pas trop («C'est génial, on est super heureuses, même si on ne réalise pas trop») ?

A. T. - Oui...mais en fait on a été Championnes du Monde, on avait 17ans, on était contentes mais on réalisait pas trop. C'est plutôt quand on est arrivées en France, dès qu'on voyait les gens, ils nous disaient "c'est extraordinaire ce que vous avez fait" et je crois que c'est une semaine ou deux semaines après où on réalisait vraiment. Mais sur le moment tu réalises pas, tu te dis oui t'as gagné une Coupe du Monde mais après on revient vite à la réalité aussi. Parce qu'après on a du retourner en cours et reprendre la routine lycée/entraînement.

 

CDF - On a vu aussi que tu ne disputais pas forcément les matchs avec Juvisy, mais les gros matchs t'y étais, les demi-finales de Ligue des Champions contre Lyon, et les finales en sélection ? On sait qu'on peut perdre son capital confiance dans certains grands matchs. Toi on a l'impression que ça glisse un peu sur toi, ça t'atteint pas, t'es focus sur ta préparation et le prochain match ?

A. T. - Quand j'étais plus jeune ? En U17 j'ai disputé tous les matchs [en Azerbaïdjan] à part un seul en match de poule, donc j'ai pas fait que la finale, en U16 et en U19 pareil j'ai fait tous les matchs, en U20 aussi j'ai fait tous les matchs donc en sélection j'ai joué tous les matchs. Et oui en 2013 à la Ligue des Champions, j'étais jeune, au début je jouais pas trop donc je suis rentrée en cours de match.
Quand j'étais jeune, je sais que je jouais régulièrement titulaire, j'ai pas fait que les finales.
Oui après une défaite, j'essaye de passer très vite au prochain match. La défaite est passée, maintenant je dois en tirer des enseignements, de ce que j'ai fait de biens et pas biens et voilà j'avance, je vais pas rester sur la défaite. Ce qui est fait est fait.

 

CDF - On a vu aussi que tu es l'auteure du but de la victoire en 2014, pour une défenseure c'est une vraie fierté ?

A. T. - Oui je mets le 3e but. Y'avait 2-2 contre la Corée du Nord. Oui c'est vrai que j'étais contente après tant que l'équipe a pu finir troisième, c'était le principal.

 

CDF - Tu es une joueuse assez discrète, mais qui renvoie beaucoup de sympathie. En équipe de France A on sait qu'à ta place y'a deux gros poids lourd on va dire, Renard et MBock. Comment on fait pour prendre sur soi quand on sait qu'on sera pas forcément titulaire aux matches ?

A. T. - Je m’entraîne tous les jours, je me donne aux entraînements et après je sais qu'à mon poste y'a deux très grandes joueuses et deux très bonnes joueuses surtout, de qualité donc je me prépare au mieux et j'attend juste que le coach fasse appel à moi et dès que ça sera le cas, je vais donner le meilleur de moi-même. Mais après je me prend pas la tête parce qu'à chaque fois que je vais en stage ou en sélection, c'est très enrichissant, j'apprend beaucoup.

 

"C'est quand même l'équipe de France,

je vais pas être frustrée d'être appelée en renfort"

 

CDF - T'es un peu le renfort, comme quand tu as été appelée en septembre dernier à la suite de la blessure de Mbock, c'est un peu frustrant comme situation ?

A. T. - Non pas du tout, non non non, c'est pas frustrant du tout. A chaque fois que je suis appelée c'est une surprise, et à chaque fois je suis contente donc non je suis pas frustrée du tout d'être appelée même en renfort avec la sélection.
Non à ce moment là, j'étais juste déçue pour ma copine [Griedge Mbock] qu'elle soit blessée mais d'être appelée j'étais contente. Que je sois appelée en renfort ou sur la liste initiale, à chaque fois je suis très heureuse. C'est quand même l'équipe de France, je vais pas être frustrée d'être appelée en renfort, jamais de la vie. C'est un objectif d'être en A.

 

CDF - Parce qu'on a vu que tu avais été titularisée face à l'Albanie le 20 septembre dernier, avec une belle victoire 6-0. Comment ça s'est passée pour toi ? Tu as joué les 90 minutes en plus, on a l'impression que ça a été un déclic pour toi surtout avec Juvisy en fait ?

A. T. - Oui ça c'était super bien passée, c'était ma première titularisation [en A], on a gagné 6-0 donc j'étais contente. Oui j'avais joué tout le match. C'est vrai que ma titularisation avec l'équipe de France et d'avoir gagné 6-0, c'est formateur et j'ai beaucoup appris de ce match là. Après un déclic, c'est sur que j'ai plus confiance et que c'est un plus pour mon apprentissage.

 

CDF - Cette saison tu as été titularisée à tous les matchs avec Juvisy, c'est une montée en crescendo pour toi dans ce milieu du football ?

A. T. - L'année dernière aussi je jouais pratiquement à tous les matchs, les 90 minutes aussi. Juste l'année d'avant [2014/2015], j'ai moins joué parce que j'étais en U19, après je suis passée en senior mais dès ce moment je suis passée titulaire et j'ai gagné ma place à Juvisy.

 

CDF - Tu as joué dans un club structuré en rejoignant Juvisy en 2010 avec les U19, c'était tracé dans ta tête de gravir les échelons du Football féminin ?

A. T. - Je jouais à Issy-les-Moulineaux et y'avait pas de U19 nationaux et moi je voulais jouer plus haut donc je suis allée à Juvisy. Je suis arrivée, j'ai jouais en U19 nationaux et à la fin de mes années en jeune, j'ai commencé à être appelée en équipe première [en D1] et j'alternais entre les deux équipes. Oui voilà ça s'est fait crescendo, par étapes.

 

CDF - En 2011 et jusqu'en 2014, tu dois jongler avec la sélection et le club (la D1) peut être même avec tes études, comment t'as géré tout ça ?

A. T. - Ca a été parce que quand on allait en sélection, on avait un prof ou une prof qui venait et on rattrapait les cours ou les profs nous envoyés les cours à distance donc ça allait. Quand on revenait en cours, on avait pas trop de retard, on était bien accompagnées. Après c'est sûr qu'en cours, on doit plus bosser que les autres parce qu'ils sont en classe et qu'on rate ça, y'a pas la prof pour nous expliquer mais sinon j'ai pas eu trop trop de difficulté pour l'avoir [mon BAC STG Marketing].

 

"Ca s'est fait étape par étape jusqu'à

l'équipe de France A"

 

CDF - En 2014 tu dois quitter les U19, tu rejoins donc la D1 et tu disputes la Coupe du Monde 2014, le chemin il s'est fait progressivement pour toi ?

A. T. - Oui, oui oui, comme je vous l'ai dit, ça s'est fait progressivement, petit à petit, j'ai pas voulu griller les étapes. Et ma dernière année en U19, j'étais plus avec la D1 mais ça s'est fait étape par étape jusqu'à l'équipe de France A.

 

CDF - T'as dû faire tes preuves en B avant tout ? Même si là c'est toujours pas acquis la place en A ?

A. T. - Oui j'ai fait plusieurs sélections en B, avant d'arriver en A et là j'y suis et je suis très heureuse.
Oui rien n'est acquis, à chaque sélection, je sais pas si je vais y être donc quand j'y suis, je suis très satisfaite et voilà je vais tout faire pour être appelée à chaque fois.

 

CDF - Tu as sûrement suivi le parcours des U20 l'année 2016, elles sont passées tout prés d'attraper leur premier trophée en Coupe du Monde jeune. Là la prochaine elle est en France, c'est déjà un bon point de jouer à domicile pour le capital confiance ?

A. T. - Pour 2018, oui je pense que c'est un bon point parce qu'on voit bien qu'en plus en jeune, bah l'équipe de France à chaque fois, elles vont assez loin donc je pense que c'est une très bonne chose que ça soit en France pour la confiance aussi. Et je pense que tout le monde va aller au stade et qu'il y aura un engouement autour.


CDF - On sent que plus les années passent et plus la pression s'intensifie autour des joueuses, notamment de l'équipe de France, est-ce que c'est ce qui explique les mauvais résultats ?

A. T. - Non je pense pas, après vu que c'est plus regardé, y'a plus de médias autour, y'a plus en plus de gens qui suivent et les gens sont plus exigeants. Mais je pense pas que ça atteint les résultats de l'équipe de France.

 

CDF - Comment est-ce que tu vois la suite de la saison avec Juvisy, quand on sait que Marseille, un promu vous a quelque peu piqué votre place de 4e ?

A. T. - Bah on sait qu'on a complètement raté notre première partie de saison. Là dans cette seconde partie, on s'est données comme objectif de tout gagner pour pouvoir essayer de raccrocher la 4e place. On sait que ça va être compliqué mais on va tout faire pour.

 

CDF - Là la fusion avec Paris FC, elle vient à point nommée alors, c'est un truc qu'on attendait chez les joueuses où on en parlait pas ?

A. T. - Le club nous en a parlé vaguement. Je sais pas vraiment de quoi il va s'agir donc je peux pas vous dire. Parce que rien n'a été officialisé encore. Ils attendent de tout mettre au clair pour prendre une décision.

 

"C'est un tournoi très très relevé

parce que y'a les plus grandes nations"

 

CDF - Là quand tu as été sélectionnée pour la She Belives Cup, pour vous envoler pour les Etats-Unis, qu'est-ce que ça t'a fait d'être appelée et de prendre part à cette nouvelle aventure en A?

A. T. - Je sais que c'est un tournoi très très relevé parce que y'a les plus grandes nations donc je sais que pour un plan personnel ça va être très instructif comme compétition parce que c'est intense. Après c'est un tournoi amical mais c'est sur que jouer les Etats-Unis, l'Allemagne c'est très bien et pour l'équipe faire un tournoi comme ça c'est que du positif pour savoir où on en est et de quoi on est capable.

 

CDF - La prochaine étape, ça reste tout de même l'Euro pour toi, tu vas tout donner pour y être ?

A. T. - Oui c'est un objectif donc comme je vous l'ai dit je vais continuer de travailler pour pouvoir être appelée pour l'Euro. On verra.

 

Photo : Frederic Stevens & Nelson Fatagraf

Dounia MESLI