C'est désormais une question de temps, mais il est probable que Juvisy abandonne la quatrième place de la D1 au profit de l'Olympique de Marseille, promu cette saison dans l'élite. Une perspective qui a peut-être précipitée l'annonce du départ d'Emmanuel Beauchet, l'entraîneur de Juvisy, à la fin de la saison.

 

A l'échelle de la D1, c'est un petit séisme. Le championnat de France qui existe dans sa forme actuelle depuis une quinzaine d'année avec Juvisy dans les quatre équipes de tête. En fouillant dans l'histoire récente du championnat, il faut remonter à la saison 1988/1989 pour ne pas trouver Juvisy parmi les quatre meilleures équipes hexagonales (à l'époque, il y avait une phase finale à élimination directe entre les huit meilleures équipes du championnat).

 

Juvisy, d'un championnat à l'autre ?

 

Une longévité inégalée par les autres membres de l'actuel « Big 4 ». Montpellier s'est installé dans ce haut de tableau aux débuts des années 2000, et Lyon a aussi connu des saisons en milieu de tableau dans les années 1990 (la dernière en 1998/1999), à l'époque du FC Lyon.

 

Un haut de tableau devenu un club très fermé avec le renforcement du Paris Saint-Germain. Depuis la saison 2009/2010, quatre équipes se sont partagées le top 4, avec un écart important avec le reste des équipes de D1. A l'exception de la saison 2014/2015 où Guingamp était parvenu à se rapprocher des meilleures équipes, la norme est restée de parler de « deux championnats » avec des enjeux distincts, et parfois l'acceptation que seuls des exploits ponctuels sont possibles face à Lyon, Paris, Juvisy et Montpellier.

 

Pour Juvisy cette période est à la fois marquée par sa capacité à résister à l'émergence des clubs professionnels mais en même temps montre la fragilité de l'édifice. Une situation qui éclaire le choix de procéder à une fusion avec le Paris FC et chercher à disposer de moyens plus importants pour faire vivre l'équipe féminine aussi bien au haut niveau que dans la formation des jeunes joueuses.

 

Une fragilité qui s'est notamment exprimée dans l'effritement du potentiel offensif de Juvisy. Le 10-0 remporté sur la pelouse de Rodez et le 6-0 face à Metz en début de saison, masquent une attaque en berne et notamment une difficulté à s'appuyer sur une véritable avant-centre qui s'intègre dans le quatuor d'attaquantes de la Juv'.

 

Avec Marseille, la fin du « plafond de verre » ?

 

Les difficultés de Juvisy ont aussi été soulignées par l'émergence de l'Olympique de Marseille qui est allé chercher la quatrième place dès sa première saison en D1. Après une période d'adaptation, Marseille est parvenu à enchaîner les victoires mais aussi briser ce plafond de verre, en battant Juvisy, le Paris Saint-Germain et en mettant en difficulté Montpellier en Coupe de France. Le genre de performances qui semblaient impossibles à réaliser en l'espace d'une saison pour les équipes du « deuxième championnat ».

 

L'Olympique de Marseille a pu s'appuyer sur ces recrues estivales qui sont venues apporter leurs qualités et leur expérience dans le collectif phocéen. Lorsque l'on regarde le onze préférentiel de Christophe Parra cette saison, on retrouve sept des joueuses arrivées l'été dernier et parmi elles cinq avaient d'ores et déjà plus d'une centaine de matches de D1 au compteur. Il faut ajouter aussi Nora Coton-Pelagie et Caroline Pizzala, arrivées à l'OM alors que le club était en D2 mais qui disposent aussi d'une solide expérience au haut-niveau.

Des cartes en main pour l'avenir

 

Des cadres nombreuses et expérimentées, c'est aussi ce qui facilite l'émergence de (très) jeunes joueuses à l'image de Tess Laplacette, qui à bientôt 18 ans fait partie des Olympiennes les plus utilisées par Christophe Parra et qui a su s'adapter à la D1, après avoir connu la montée de l'OM la saison dernière. On peut citer aussi Maëlle Lakrar, internationale U17 et qui a connu plusieurs titularisations en défense centrale, notamment lors de la victoire face au Paris Saint-Germain.

 

Car l'OM sait que le recrutement de joueuses expérimentées ne pourra pas être la source principale de renouvellement de l'effectif. C'est en partie du côté des jeunes que l'OM peut puiser sa capacité à regarder durablement vers le haut de tableau.

 

Avec Maëlle Lakrar, Mickaëlla Cardia qui participent actuellement à l'Euro U17 avec les Bleuettes de Sandrine Soubeyrand. Parmi les U19 olympiennes, elles sont six (en comptant Lapalacette et Lakrar qui jouent parfois avec les U19 de l'OM) à avoir été récemment appelées lors des rassemblements des différentes équipes de France jeunes (U16/U17/U18/U19).

 

La progression de l'OM cette saison trouve donc sa force dans cette base solide et une capacité à corriger ces « petites erreurs » et travailler sur les « petits détails » dont parlaient Christophe Parra en début de saison. Parmi eux, cette nécessité de « trouver des sécurités dans le jeu », une réflexion qu'il a mené en proposant différentes organisations et associations dans le secteur défensif avant de trouver une formule qu'il a installé sur la deuxième partie de saison.

 

Nouvelle donne ?

 

Une équipe de Marseille qui a su à la fois trouver les moyens d'exploiter les erreurs adverses pour marquer, ou contrer sur des attaques rapides mais aussi progressivement parvenir dans certains matches à s'illustrer par un jeu parfois plus construit avec une meilleure circulation du ballon.

 

Mais pour le moment, la réussite marseillaise est à la fois un véritable coup de tonnerre mais n'implique pas de conclusions définitives pour la suite. Si Juvisy a connu une saison historiquement décevante du point de vue des résultats, on ne peut pas non plus en conclure que la pente serait définitivement descendante pour le club de l'Essonne, avec des questions autour de la fusion avec le Paris FC et derrière des moyens dont disposeraient le club pour continuer à se mêler à la lutte en haut de tableau.

 

D'un point de vue symbolique, le match entre les deux équipes lors de la dernière journée de championnat aura son importance notamment pour Juvisy qui sur le plan comptable n'a que très peu de chances de revenir sur l'OM. Pour la suite, faut-il s'attendre à un championnat où le haut du tableau voire même l'ensemble de la D1 seraient exclusivement réservés aux équipes professionnelles ? La tendance semble se confirmer avec cette quatrième place de l'OM, mais dans le même temps la lutte pour le maintien concerne uniquement des sections féminines d'équipes professionnelles (Metz/Bordeaux/Saint-Étienne).

 

Une réalité contrastée qui montre que le futur de la D1 n'est pas définitivement tracé même si cela confronte l'ensemble des clubs à la nécessité d'élever le niveau d'exigence et les moyens qui vont avec pour pouvoir continuer à évoluer au plus haut niveau.

 

Photo : Julia Tefit

Hichem Djemai