Les critiques des joueuses et coachs fusent depuis quelques semaines déjà, tantôt à l'encontre de la FFF, tantôt à l'encontre du Ministère des Sports, suite à l'arrêt de la D2 en octobre dernier et encore plus après l'annonce de la reprise au 18 avril, le 19 février dernier, avant la volte-face de ne pas reprendre finalement le championnat. Pour clarifier cette situation, nous avons contacté les deux instances, afin d'avoir leur son de cloche aussi clair que possible, sur la non-reprise de la D2.

 

Il y a des situations qui sont difficiles à comprendre et/ou difficiles à expliquer. Celle que vivent les joueuses et coachs de D2 en est clairement une. Cette semaine, après plusieurs jours de recherches, d'entretiens et d'articles, nous essayerons par ce papier de donner un premier retour des instances fédérales et gouvernementales. Si notre source au Ministère des Sports nous affirme que "la D2 ne remplit pas les critères" pour reprendre, car le football n'est pas "la source de revenu numéro un" des joueuses, elle stipule également que "ce n'est pas une discrimination", à l'égard des pensionnaires de D2, mais une "équité de traitement vis à vis d'autres disciplines".

De son côté, notre contact à la FFF nous a stipulé que "Le Ministère avait donné son feu vert à la FFF, on n’aurait pas repris sinon. La FFF voulait reprendre, ce n’était pas cohérent de notre part d’annoncer une date et de revenir dessus. On s’est battu pour que la D2 et la N2 reprennent, maintenant la situation sanitaire a fait que ça a été revue [cette décision de reprise]." Et quand on évoque la question des contrats, qui ont l'air d'être l'unique raison qui a éconduit la reprise de la D2, notre source à la FFF rappelle qu'il y a "des élections actuellement, donc c’est très difficile d’avoir un des responsables, qui pourra vous préciser les détails [sur les contrats ou sur la reprise] mais le futur président sera plus à même de répondre à ce sujet." Aujourd'hui la seule solution reste-t-elle la professionnalisation de la D2 ? Éléments de réponse.

 

L'interview complète avec notre contact au Ministère des Sports :

Coeurs de Foot - Comment expliquez-vous le fait que la D2 et la N2 ne reprennent pas ?

Pour être tout à fait honnête, c'est un peu injuste pour la N2 qui est vraiment loin de l'égalité [par rapport à la N1, qui a repris], mais pour la D2 malheureusement on n'a pas pu se battre.

 

CDF - Est-ce que ce sont les clubs de D2 qui n'ont font pas assez ?

Je pense que déjà il y a un problème [pour certains clubs], car il n'y a pas de contrats. Aujourd'hui il y a trop de filles - mais ça c'est un problème général - qui sont défrayées. Moralité, c'est sûr que ça ne parait pas comme une activité professionnelle, puisqu'il n'y a pas de contrats.

Donc je pense que déjà et ça la Ministre n'arrête pas de le répéter, mais cette crise ne fait que renforcer cette conviction, même s'il y a des contrats modestes, ce n'est pas la question d'avoir des gros salaires, mais faire des contrats c'est donner une couverture sociale, c'est donner une protection et donc même si c'est un SMIC, c'est un SMIC qui ouvre des droits au chômage, à la retraite et qui ne coûterait pas plus cher aux clubs [que des défraiements]. Surtout au vu de toutes les aides que le gouvernement met en place, justement, pour ces emplois.

Donc il faut vraiment que cette crise nous réveille sur la nécessité absolue - je ne vous parle même pas de poursuivre le championnat, parce que évidemment s'il y a plus de contrats, même modestes, ça pourrait être considéré comme leur métier et donc elles pourraient continuer sans problème - d'avoir une couverture [pour les joueuses] et d'avoir une reconnaissance [de leur statut] accessoirement. 

 

CDF - Les joueuses sont clairement dépitées, elles crient haut et fort à l'injustice. Est-ce que vous comprenez tout de même leur frustration ?

Je comprends bien, et puis la Fédération a été très vite en besogne en annonçant [la reprise], mais nous on a tout fait pour pousser [la reprise].

On est solidaires [avec ces joueuses et tous ceux qui sont touchés par cet arrêt], il n'y a pas de problème, on fait partie d'un gouvernement, il faut qu'on soit solidaires, parce que ce n'est pas simple de dire, ou on arrête ou on continue. Le critère le plus objectif a été celui-là [sur les contrats] et il faut qu'on le tienne.

 

CDF - Vous parlez de contrat, mais nous n'avons pas vraiment de vision à ce sujet malheureusement. Comment avez-vous eu ces données, pour justement prendre cette décision ?

C'est la FFF qui a été notre interlocuteur et qui nous a donné [leurs informations] et on a dû justifier auprès [de nos responsables, notre décision].

Il y a un centre interministériel de crise qui prend toutes les décisions, de ce qui ouvre ou ce qui ferme. Après nous c'est la Fédération qui nous donne des données [pour prendre une décision]. 

 

CDF - C'est la faute de certains clubs, qui ne mettent pas en place les contrats à leurs joueuses, qui perturbent ou empêchent la reprise finalement ? Vous ne pouvez pas assumer leur faute en soit ? [Il faut tout de même rappeler que l'investissement dans le football féminin est souvent à perte, et les clubs n'ont pas tous le budget ou l'aide nécessaire pour donner les meilleures conditions à leurs joueuses, malgré eux...]

Je ne vais pas aller jusque-là, je ne vais pas rejeter la faute [sur eux]. Mais aujourd'hui je dis que factuellement, il aurait fallu qu'une majorité de la deuxième division présente des joueuses avec des contrats, ce qui n'est pas le cas. Maintenant dire que... [c'est la faute de tel ou tel club].

Ca doit être un déclic de plus, mais si la crise ne l'avait pas montré, parce que j'imagine qu'elles ont d'autres métiers [ou études] pour certaines à côté. Il faut aussi réaliser que ça aurait été un passeport pour continuer à jouer [les contrats], mais en plus avec l'époque qu'on vient de vivre, avec du confinement, des pertes humaine et économique, c'est une protection [pour les joueuses d'avoir un contrat]. Il y a le chômage partiel par exemple, quand on ne peut pas continuer [de travailler].

 

CDF - Le sport est aussi un moyen de combattre le virus pourtant, comme l'a stipulé l'OMS pour lutter contre la sédentarité notamment, car les joueuses sortent, ne restent pas chez elles, font une activité sportive importante ?

Vous prêchez des convaincus, nous on pense aussi que le sport c'est un outil contre le virus. Maintenant le problème, aux yeux des autorités de santé, ils sont dans une logique où ils veulent à tout prix limiter les brassages pendant quelques semaines, et vraiment limiter [la reprise ou le travail] à ce qui créé de la valeur économique, pour ne pas impacter complètement notre économie, qui est déjà rudement impactée et en dehors du travail, on n'a rien pu sauver, et encore en télétravail au maximum.

En plus, nous quand on fait du sport, on le fait sans masque. Quand on est pris en charge par une cellule professionnelle très médicalisée, on peut justifier qu'il y a des précautions. Le problème c'est que dans le monde amateur, globalement c'est compliqué, on ne peut pas [avoir toutes les précautions nécessaires au maintien de la pratique pour tous].

Aujourd'hui, et on espère que dans moins d'un mois, il faut tenir, [qu'on pourra reprendre], mais c'est vrai que nous on fait du sport avec contact et sans masque.

 

CDF - Est-ce que la décision du Ministère est de prononcer la saison blanche au final ?

Non pas du tout, nous on se garde bien de cela. Ca c'est le pouvoir de la Fédération. Nous on dit juste qu'on ne peut pas reprendre maintenant, car la situation sanitaire ne le permet pas. La Ministre l'a bien précisé, c'est encore un mois [de réflexion] (la D2 devait reprendre le 18 avril initialement, ndlr), mais on est obligé de s'adapter.

C'est comme tous les secteurs, je pense que les restaurateurs aimeraient bien savoir quand est-ce qu'ils vont réouvrir, mais on est soumis aux courbes [des personnes positives au covid et hospitalisées] et qu'on ça baissera un peu [on aura une meilleure vision des choses], mais ça ne baisse pas actuellement.

Il faudra faire des choix, mais c'est vrai que si ça dure deux mois, je comprends que les Fédérations elles disent on plie [la saison]. Mais aujourd'hui on ne leur dit absolument pas d'arrêter les saisons, même la Ministre l'a dit : "Dans la mesure du possible, essayez de trouver des formats différents, pour aménager [la reprise], pour qu'il se passe quelque chose quand même."

 

CDF - Et concernant la Coupe de France qui a repris du côté des masculins, mais pas chez les féminines. Comment vous l'expliquez ?

Oui mais exactement pour les mêmes raisons. Parce que les clubs qui participent [à la Coupe de France masculine] jouent dans les divisions "hybrides" [semi-pros], il y a des clubs pros et donc il y a des choses qu'on a réussi à faire valoir, grâce vraiment à l'argument qu'on a mis là-dessus avec le Ministère des Sports, qu'on a obtenu [la continuité], c'est-à-dire que c'est leur métier et on ne peut pas les empêcher de faire leur métier.

Mais si on n'a pas de contrats qui justifient [la reprise], ils nous répondent que ça ne marche pas.

 

CDF - Merci pour toutes ces précisions. Nous allons envoyer votre éclaircissement aux joueuses et coachs, pour qu'ils puissent aussi avoir un retour des instances, qu'elles attendent depuis des semaines.

Il faut qu'elles demandent à la Fédération aussi, ils sont bien au courant [de la situation]. En plus on est dans un contexte, qui ne vous a pas échappé, d'élection, donc il y a aussi beaucoup d'enjeux autour de ça, parce que évidemment il y a un candidat sortant [qui se représente] et des candidats qui sont arrivés.

Ce que je peux vous dire juste, c'est que si la Ministre avait pu faire continuer toutes les divisions féminines, elle l'aurait fait. Ca doit être un moment où on réfléchit aussi à notre modèle.

 

Récapitulatif des reprises ou non des sports collectifs féminins :

  1. Dans le foot, il y a la D1 et la D2 pour les niveaux élevés, avec 12 équipes dans la première et deux poules de 12 en D2, donc 24 équipes au total = La D1 ne s'est pas arrêtée au cours de ce début de saison 2020/21, tandis que la D2 a été arrêtée le 26 octobre.
  2. Dans le handball, en première division il y a 14 équipes et en deuxième division il y deux poules de 8 équipes, donc 16 équipes au total = La première division ne s'est pas arrêtée au cours de ce début de saison 2020/21, tandis que début novembre la deuxième division est mise à l'arrêt, avant de reprendre le 16 janvier dernier.
  3. Dans le rugby, en première division il y a deux poules de quatre équipes, en deuxième division, il y a une seule poule de 10 équipes = La première division ne s'est pas arrêtée au cours de ce début de saison 2020/21, tandis que la D2 a été arrêtée en octobre également.
  4. Dans le basket, en première division il y a 12 équipes et en deuxième division, il y a une seule poule avec 12 équipes = Les deux championnats ne se sont pas arrêtés sur ce début de saison.
  5. Dans le volley, il n'y a qu'un seul niveau "élite" avec 15 équipes = Le championnat ne s'est pas arrêté sur ce début de saison.

 

Photo : Fred LG Photo

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Dounia MESLI