Après de longues négociations entre les joueuses de l'équipe nationale étasunienne et la fédération, un accord a finalement été trouvé la semaine dernière. Un processus et un conflit marqué par des prises de positions publiques de la part des joueuses en faveur d'une égalité de traitement entre l'équipe féminine et l'équipe masculine. Même si peu de détails ont été pour le moment révélés, voici ce qu'on peut d'ores et déjà retenir de cet accord.

 

L'équipe nationale des États-Unis a été un des sujets majeurs de cette pré-saison en NWSL, avec la fin des négociations sur l'accord collectif entre la Fédération et les joueuses de l'équipe nationale et leurs représentants. Des discussions qui s'étaient tendues face à la revendication des joueuses d'allers vers une égalité salariale entre les équipes masculines et féminines.

 

Une polémique qui avait été par la suite relayée dans les médias au cours de l'année 2016, avec des joueuses qui étaient montées au créneau pour réclamer un traitement plus juste au vu de leurs performances et des titres remportés sur la scène internationale. Entre temps, les joueuses avaient décidé d'opérer une approche plus conciliante vis-à-vis de la fédération, ce qui aurait joué un rôle dans la signature d'un accord.

 

Un accord qui couvre la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques

 

Ces négociations ont abouti il y a quelques jours avec la signature d'un accord collectif valable jusqu'en 2021 et qui couvre donc la Coupe du Monde 2019 et les Jeux Olympiques 2020. Un accord qui propose un traitement « équitable » plutôt qu'aller vers plus d'égalité, un vocabulaire justifié par le fait que la manière dont les internationales sont rémunérées est différente par rapport aux mécanismes en vigueur chez les hommes et donc que la comparaison ne serait pas « juste ».

 

Pour entrer dans les détails, il faut rappeler que les joueuses de l'équipe nationale des États-Unis ne sont pas rémunérées par leurs clubs à l'inverse des autres joueuses de NWSL ou de ce qui peut se pratiquer en Europe. Ce système d'allocated players concerne aussi le Canada. Au total, vingt-deux (22) joueuses étasuniennes et dix joueuses canadiennes sont rémunérées directement par leur fédération. Ces allocated players, qui sont donc toutes des internationales sont les plus directement concernées par les négociations avec la fédération, puisque c'est cet accord collectif qui détermine notamment la rémunération qu'elles reçoivent chaque année.

 

Une liste qui peut varier d'une saison sur l'autre. En 2017, Rose Lavelle, Lynn Williams ou Casey Short font partie des allocated players alors que Heather O'Reilly, Whitney Engen ou Christie Rampone ne sont plus concernées. Par ailleurs le nombre de vingt-deux joueuses concernées correspond à un nombre plus faible que lors de l'accord précédent (24), soit une charge moins importante pour la fédération.

 

Des internationales payées par la fédérations plutôt que par leurs clubs

 

Ce système permet aux joueuses internationales d'être mieux rémunérées sans que le paiement des salaires ne reviennent aux franchises de NWSL. Un choix qui trouve une partie de sa logique dans l'instabilité de la ligue américaine, plusieurs fois en faillite après seulement une poignée de saisons. Il fallait donc assurer la continuité de l'équipe nationale avec ou sans ligue professionnelle, c'est ce qui explique que le conflit se soit noué directement entre les joueuses, leurs représentants et la fédération étasunienne, qui assure le paiement des joueuses.

 

Avec le nouvel accord, les internationales étasuniennes les mieux payées pourraient désormais disposer de revenus annuels compris entre 200 et 300.000 dollars, en comptant les salaires de bases, les différentes primes et bonus. Des chiffres qui selon le New York Times pourraient même être plus élevés en 2019 et 2020, avec la Coupe du Monde et les Jeux Olympiques.

 

Des avancées sur le droit à l'image et les indemnités journalières

 

Elles ont également obtenu plus de libertés dans la gestion et l'exploitation de leur image. Dans les domaines où la fédération étasunienne n'a pas négocié de droits exclusifs, l'association des joueuses pourra elle-même « vendre » l'image collective des joueuses auprès de sponsors et donc l'exploiter à des fins publicitaires. Une autre source potentielle de revenus.

 

Au-delà de la rémunération, les joueuses auraient obtenu des avancées en terme de conditions de déplacement lors des regroupements de l'équipe nationale. Désormais, elles recevraient les même indemnités journalières (daily allowances ou per-diem) que l'équipe masculine que ce soit pour les stages de l'équipe nationale ou les compétitions internationales. Jusqu'à présent, l'équipe masculine touchait des indemnités 25 % supérieures à celle de l'équipe féminine. Sur ce point, la différence entre les indemnités journalières des joueurs de l'équipe masculine et celle de l'équipe féminine serait remboursée en intégralité, même si le nombre d'années concernées n'est pas précisée.

 

Ce rattrapage au niveau des indemnités est le seul aspect où les joueuses ont obtenu un traitement « égalitaire ». Si l'accord correspond à un pas en avant, nécessaire pour accompagner le développement du soccer féminin, il ne contient plus cette référence à une égalité salariale un temps réclamée par les joueuses et leurs représentants. Cette revendication avait connu une résonance particulière dans le public américain et dans le monde. Dans la pratique, elle se heurte au fait que les inégalités entre les hommes et les femmes sont généralisées dans le football, et que ce combat est difficile à mener dans un seul pays de manière isolée.

 

Un lien réaffirmé entre la NWSL et l'équipe nationale

 

L'accord contiendrait aussi des engagements de la fédération américaine en faveur du développement de la NWSL, à la fois vis-à-vis des joueuses mais aussi en terme d'infrastructures, sachant qu'elle participe déjà au financement de la ligue. Il permettrait également à des joueuses de NWSL d'intégrer plus facilement l'équipe nationale même si elles ne sont pas des allocated players. Plus généralement, le lien entre la NWSL et l'équipe nationale des États-Unis est réaffirmé, puisque les internationales sous contrat à l'étranger ne peuvent pas bénéficier des avantages négociés pour les allocated players.

 

C'est le cas par exemple de Crystal Dunn, désormais sous contrat avec le club de Chelsea en Angleterre et qui a donc perdu son statut d'allocated player pour l'année 2017. Pour Alex Morgan et Carli Lloyd, elles continuent d'en bénéficier puisqu'elles réintégreront leurs clubs respectifs (Orlando Pride et Houston Dash) en juin et joueront donc une bonne partie de la saison en NWSL.

 

En attendant le prochain round ?

 

L'accord en l'état devrait donc courir jusqu'en 2021 soit après la séquence Coupe du Monde (2019) et Jeux Olympiques (2020). En cas de victoire dans l'une et/ou l'autre compétition, l'équipe américaine aurait beau jeu de réclamer de nouvelles avancées dans un sens plus « équitable » ou « égalitaire ».

 

Pour la fédération, c'est aussi un moyen de ne pas prendre le risque d'un conflit avant un tournoi majeur. Un levier puissant puisque l'équipe féminine étasunienne de Hockey est parvenue récemment à obtenir un accord collectif avec sa fédération après avoir menacé de boycotter les Championnats du Monde organisés à domicile. Un pari risqué mais remporté par les joueuses qui se sont imposées en finale de la compétition le week-end dernier face aux rivales canadiennes.

 

Dans le football, au moment où les joueuses américaines finalisaient leur accord, l'équipe irlandaise menaçait de boycotter le match amical face à la Slovaquie prévu le 10 avril dernier, finalement joué et remporté 1-0 par l'Irlande.

 

Les revendications de l'équipe : des meilleures primes de matches, désormais fixées à 300 euros (avec un bonus de 150 euros en cas de victoire, 75 en cas de match nul) et des tenues réservées pour l'équipe féminine (jusqu'à présent elle devait régulièrement les enlever après les matches pour être partagées avec des équipes de jeunes). Une initiative menée avec succès et qui montre que l'initiative des joueuses américaines de rendre public leur combat pour plus d'égalité a peut-être eu d'autres effets que le résultat final de leurs négociations.

 

photo: Les joueuses de l'équipe des États-Unis à la table des négociations

Hichem Djemai