Etude réalisée par Umalis Group
I. Le Portage Salarial en France : Définition, Cadre et Mécanismes
A. Fondements juridiques et réglementaires
Le portage salarial en France se définit comme une relation contractuelle tripartite, unissant un professionnel autonome (le salarié porté), une entreprise de portage salarial (EPS) qui l'emploie, et une entreprise cliente pour laquelle la prestation est effectuée.1 L'article L. 1254-1 du Code du travail le consacre comme un "ensemble organisé" 3, soulignant la structure spécifique de ce mode d'emploi. Cette organisation tripartite est fondamentale pour appréhender le fonctionnement et la singularité du modèle.
L'encadrement juridique du portage salarial s'est construit progressivement. Après une première reconnaissance, des textes législatifs majeurs sont venus consolider son statut. L'ordonnance du 2 avril 2015, codifiée aux articles L1254-1 à L1254-42 du Code du travail, a été une étape décisive en sécurisant le cadre juridique pour toutes les parties prenantes.2 Par la suite, la convention collective nationale de branche des salariés en portage salarial, signée le 22 mars 2017 et étendue, a parachevé cet édifice en précisant les droits et obligations de chacun.2 Ces évolutions normatives ont été déterminantes : en passant d'un concept émergent, parfois perçu avec une certaine frilosité juridique, à un statut pleinement reconnu et réglementé, le portage salarial a gagné en légitimité. Cette clarification et cette sécurisation ont réduit les risques perçus tant par les entreprises clientes que par les professionnels désireux d'autonomie. En conséquence, le secteur a connu un essor notable, comme en témoigne la croissance du nombre d'entreprises de portage et de salariés portés, particulièrement après 2017.5 Toute future modification réglementaire est donc susceptible d'influencer significativement la dynamique de ce marché.
Il est essentiel de distinguer le portage salarial d'autres formes d'emploi ou de mise à disposition de compétences. Il ne s'agit ni de prêt de main-d'œuvre illicite, ni de travail temporaire (intérim).2 Sa nature hybride combine l'autonomie et la liberté de prospection du travailleur indépendant avec la protection sociale et les droits du statut de salarié.3 Cette distinction est cruciale car elle fonde la proposition de valeur unique du portage salarial. En effet, le succès du portage salarial s'explique en grande partie par sa capacité à répondre à une double aspiration, souvent difficile à concilier dans le monde du travail traditionnel : le désir d'autonomie et le besoin de sécurité. Les travailleurs indépendants classiques jouissent d'une grande liberté mais sont souvent confrontés à une protection sociale limitée (absence d'assurance chômage, retraite parfois incomplète, etc.).7 À l'inverse, les salariés traditionnels bénéficient d'une couverture sociale robuste mais peuvent ressentir un manque de flexibilité ou d'autonomie dans la conduite de leurs missions.3 Le portage salarial se positionne comme une solution médiane, offrant le statut de salarié – et donc l'accès à une protection sociale complète incluant assurance chômage, cotisations retraite, congés payés et mutuelle d'entreprise 7 – tout en permettant au professionnel de choisir ses missions, de négocier ses tarifs et d'organiser son temps de travail en toute indépendance.3 Cette combinaison répond à une évolution des mentalités et des attentes des travailleurs, notamment des cadres expérimentés et des experts 3, positionnant le portage salarial comme un vecteur privilégié de la "flexisécurité" sur le marché du travail contemporain.
B. Le fonctionnement tripartite : Salarié porté, Entreprise de portage, Entreprise cliente
Au cœur du dispositif se trouve le salarié porté. Il s'agit d'un professionnel autonome qui identifie ses propres missions, en négocie les termes, les conditions d'exécution et les tarifs directement avec l'entreprise cliente, puis réalise la prestation convenue.2 Tout en conservant cette indépendance opérationnelle, il bénéficie du statut de salarié grâce à son contrat de travail avec l'entreprise de portage salarial.4 Cette autonomie dans la prospection et la négociation le distingue fondamentalement d'un salarié classique, pour qui l'employeur est le pourvoyeur de travail.8
L'entreprise de portage salarial (EPS) joue un rôle central. Elle conclut un contrat de travail (CDD ou CDI) avec le salarié porté. Parallèlement, elle établit un contrat commercial de prestation de services avec l'entreprise cliente, pour laquelle le salarié porté effectuera sa mission. L'EPS se charge ensuite de la facturation de cette prestation à l'entreprise cliente. Sur les sommes encaissées, elle prélève ses frais de gestion ainsi que les charges sociales et fiscales, puis verse un salaire net au professionnel porté.3 L'EPS assume également la responsabilité de fournir une garantie financière, assurant ainsi le paiement des salaires même en cas de défaillance de l'entreprise cliente.7 Son rôle dépasse ainsi la simple gestion administrative ; elle agit comme un "facilitateur d'indépendance sécurisée". En absorbant une grande partie de la charge administrative (facturation, paie, déclarations sociales) et en offrant une couverture sociale complète, l'EPS permet au porté de se concentrer sur son cœur de métier et la recherche de missions.3 La qualité, la fiabilité et la solidité financière des EPS sont donc des éléments cruciaux pour la pérennité et l'attractivité du modèle global.
L'entreprise cliente est le troisième acteur de cette relation. Elle fait appel au salarié porté pour bénéficier d'une expertise spécifique, souvent pour des missions ponctuelles, des projets nécessitant des compétences rares ou pour pallier un manque de ressources internes sur une tâche précise.2 Elle ne contracte pas directement avec le professionnel mais avec l'entreprise de portage salarial, via un contrat commercial de prestation de services.3 Pour l'entreprise cliente, le portage salarial représente un moyen souple et réactif d'accéder à des compétences pointues sans les lourdeurs et les engagements à long terme d'un recrutement direct. Bien que le contrat commercial lie formellement l'EPS et l'entreprise cliente, la relation de confiance et la négociation initiale des termes de la mission s'établissent directement entre le salarié porté et l'entreprise cliente. L'EPS n'intervient généralement pas dans la définition du besoin ou le choix du consultant par le client. Cela implique que le succès du salarié porté repose en grande partie sur ses propres capacités commerciales et relationnelles. Les EPS qui proposent un soutien actif à la recherche de missions ou au développement commercial 8 apportent de ce fait une valeur ajoutée considérable, particulièrement pour les consultants moins expérimentés dans la prospection.
C. Éléments clés : Contrat de travail, contrat commercial, compte d'activité et frais de gestion
La formalisation de la relation tripartite repose sur plusieurs documents et mécanismes essentiels. Le contrat de travail, conclu entre le salarié porté et l'entreprise de portage salarial, peut prendre la forme d'un Contrat à Durée Déterminée (CDD) ou d'un Contrat à Durée Indéterminée (CDI).2 Le CDD en portage salarial a une durée maximale de 18 mois, renouvellements inclus, tandis que le CDI de portage peut encadrer des missions successives, avec une durée maximale de mission de 36 mois chez un même client, sauf dérogations spécifiques.2 Il est à noter que certaines dispositions du Code du travail relatives au CDD classique ne s'appliquent pas intégralement au CDD de portage.3 Ce contrat matérialise le statut de salarié et ouvre droit à la protection sociale afférente.
Parallèlement, un contrat commercial de prestation de portage salarial est signé entre l'entreprise de portage salarial et l'entreprise cliente.3 Ce document reprend les éléments essentiels de la prestation (nature, durée, livrables, prix) qui ont été préalablement négociés entre le salarié porté et l'entreprise cliente. Sa conclusion doit impérativement être postérieure à cette négociation.3 Il sécurise la relation commerciale et encadre les modalités de la mission.
La gestion financière de l'activité du salarié porté transite par un compte d'activité, tenu par l'entreprise de portage salarial.3 Ce compte retrace de manière transparente les flux financiers : les versements effectués par l'entreprise cliente au titre de la prestation, le détail des frais de gestion prélevés par l'EPS, le montant des frais professionnels remboursables au salarié porté, les prélèvements sociaux et fiscaux, et enfin la rémunération nette versée au salarié. Une provision est obligatoirement constituée sur ce compte, notamment pour l'indemnité de précarité en cas de CDD, ou une provision de 10% du salaire de base de la dernière mission pour les salariés en CDI, destinée à couvrir les périodes d'intermission.3 Ce mécanisme de provisions est une caractéristique importante du portage, offrant une forme de lissage et de sécurisation des revenus, distinguant ce statut de celui d'un freelance pur qui fait face à une plus grande variabilité de revenus entre les missions.
Enfin, les frais de gestion constituent la rémunération de l'entreprise de portage salarial pour les services qu'elle fournit. Ils sont prélevés sur le chiffre d'affaires facturé à l'entreprise cliente et varient généralement entre 5% et 10% du montant hors taxes.8 Certaines EPS innovent en proposant des modèles alternatifs, comme un abonnement mensuel fixe.8 Le niveau et la structure de ces frais (pourcentage variable, dégressif, ou abonnement fixe) sont des critères de choix déterminants pour le salarié porté, car ils impactent directement son revenu net. La transparence sur ces frais et les services inclus est devenue un enjeu de compétitivité majeur entre les EPS, poussant à des offres plus claires, parfois labellisées "zéro frais cachés".13
La structure contractuelle (contrat de travail et contrat commercial) et financière (compte d'activité) peut paraître complexe, mais elle est le fondement qui permet d'articuler légalement l'autonomie du professionnel avec les protections du statut de salarié. Une compréhension fine de ces mécanismes est indispensable pour toutes les parties impliquées afin de garantir la conformité et d'optimiser les bénéfices du dispositif.
II. Panorama du Marché Français du Portage Salarial
A. Dynamique de croissance : Chiffre d'affaires, nombre de salariés portés
Le marché du portage salarial en France affiche une dynamique de croissance soutenue depuis de nombreuses années, témoignant de l'adéquation croissante de ce modèle avec les besoins du marché du travail.5 Le chiffre d'affaires du secteur a franchi le seuil symbolique du milliard d'euros en 2018.5
Les données récentes illustrent cette progression :
- En 2019, le chiffre d'affaires s'élevait à 1,25 milliard d'euros.5
- L'année 2020 a marqué une stagnation à 1,25 milliard d'euros, conséquence directe de l'impact de la crise sanitaire de la Covid-19 sur l'activité économique.5
- Pour 2022, les estimations varient, allant de 1,3 milliard d'euros 12 à 1,9 milliard d'euros 12, l'institut Xerfi l'évaluant à 1,7 milliard d'euros.5 Le rapport de branche Akto, basé sur un panel de répondants, mentionne un chiffre d'affaires de 764 millions d'euros pour ces derniers en 2022, ce qui représente une vision partielle.6
- En 2023, les estimations de Xerfi convergent vers un chiffre d'affaires d'environ 2 milliards d'euros.15
- Les projections pour 2024 anticipent une poursuite de cette tendance haussière, avec un chiffre d'affaires qui pourrait atteindre environ 2,4 milliards d'euros selon certaines sources.5
Cette résilience face aux chocs économiques, comme la crise Covid-19 qui a entraîné une stagnation plutôt qu'un effondrement, et la capacité du marché à rebondir fortement par la suite, sont notables. En 2020, bien que le nombre de salariés portés en mission ait diminué de 5% 6, le chiffre d'affaires global est resté stable, suggérant que les missions maintenues étaient potentiellement de plus grande valeur ou que les tarifs ont bien résisté. La reprise a été vigoureuse dès 2021, avec une augmentation de 13% du nombre de salariés portés et de 24% du chiffre d'affaires.16 Cette capacité d'adaptation peut s'expliquer par la nature des missions souvent axées sur des expertises critiques (digitalisation, conseil stratégique) et par la flexibilité inhérente au modèle, particulièrement recherchée par les entreprises en période d'incertitude. Le portage salarial pourrait ainsi être considéré comme un indicateur avancé de la reprise dans certains secteurs de services à haute valeur ajoutée.
Concernant le nombre de salariés portés, les chiffres diffèrent sensiblement selon les sources :
- Les données issues des Déclarations Sociales Nominatives (DSN) et traitées par l'INSEE (via l'Observatoire Akto) indiquent 34 998 salariés portés en 2019, un léger recul à 33 196 en 2020 6, puis une remontée à 38 467 en 2021.16
- Les estimations émanant des syndicats professionnels (comme le PEPS - Professionnels de l'Emploi en Portage Salarial, ou la FEPS - Fédération des Entreprises de Portage Salarial) sont significativement plus élevées. La FEPS avançait le chiffre de 86 000 salariés portés dès 2018.17 Pour 2023, les estimations syndicales varient entre 100 000 et 200 000 personnes ayant eu recours au portage salarial.5
L'écart notable entre les données administratives (DSN/INSEE) et les estimations syndicales s'explique par des méthodologies et des périmètres de comptage différents. Les chiffres DSN reposent sur les contrats de travail actifs et les rémunérations versées sur une période donnée, offrant une vision du "noyau dur" des salariés portés formellement employés.5 Ces données peuvent cependant sous-estimer le nombre total d'individus qui interagissent avec le portage salarial, notamment ceux qui l'utilisent pour des missions très courtes, de manière discontinue, ou en complément d'une autre activité. À l'inverse, les estimations des syndicats sont souvent basées sur des extrapolations à partir des données de leurs adhérents et des enquêtes sectorielles. Elles peuvent inclure une définition plus large du "salarié porté", englobant des personnes en transition professionnelle, celles utilisant le portage de façon occasionnelle pour tester une activité 7, ou encore des demandeurs d'emploi.20 Le portage salarial étant pour certains un statut transitoire ou un complément, cette population "en flux" est difficile à capturer par les seules statistiques administratives. Le marché potentiel et l'influence réelle du portage sont donc probablement plus proches des estimations hautes, indiquant un large public adressable par les entreprises de portage salarial.
Le nombre d'entreprises de portage salarial (EPS) a également progressé, passant de 225 en 2015 à 394 en 2020 6, un chiffre qui se maintient autour de 394 en 2023 selon certaines sources 5, tandis que d'autres évoquent plus de 700 à 900 EPS.12 La majorité de ces structures sont des Petites et Moyennes Entreprises (PME).6 Il est à noter que la méthodologie de l'INSEE, qui compte un SIREN comme une entreprise, peut masquer la réalité des groupes de portage qui structurent souvent leurs activités en différentes entités par secteur ou région.16 Bien que le nombre d'EPS soit important, une part significative du chiffre d'affaires tend à être captée par les acteurs majeurs, notamment ceux qui se développent par croissance externe et acquisitions.15 Cela suggère une structure de marché où quelques leaders coexistent avec une multitude de petits acteurs, mais où une consolidation progressive tend à concentrer le volume d'affaires. Les petites EPS doivent alors se distinguer par une hyper-spécialisation ou un service client particulièrement personnalisé pour rester compétitives.
Le tableau suivant synthétise l'évolution des principaux indicateurs du marché :
Tableau 1 : Évolution des Chiffres Clés du Portage Salarial en France (2019 – 2024E)
Année |
Chiffre d'Affaires (Md€) (Estimations/Fourchette) |
Nombre Salariés Portés (DSN/INSEE) |
Nombre Salariés Portés (Estimations Syndicats) |
Croissance Annuelle CA (%) |
Nombre d'EPS (Estimations) |
2019 |
1,25 5 |
34 998 6 |
~86 000 (base 2018 FEPS) 17 |
+10% (vs 2018) 6 |
~350-390 |
2020 |
1,25 5 |
33 196 6 |
N/A |
0% 6 |
394 6 |
2021 |
~1,55 (calculé sur +24% vs 2020) 16 |
38 467 16 |
N/A |
+24% 16 |
479 16 |
2022 |
1,7 (Xerfi) - 1,9 5 |
N/A |
~100 000 21 |
Variable selon sources |
~700-900 12 |
2023 |
~2,0 (Xerfi) 15 |
~33 196 5 * |
~100 000 - 200 000 5 |
~ +17% (2022-23) 5 |
~394 - >700 5 |
2024 (Est.) |
~2,4 (RH Solutions) 5 |
N/A |
>200 000 (projection) |
~ +20% (projection) 5 |
N/A |
Note : Le chiffre DSN de 33 196 pour 2023 semble être une reprise du chiffre de 2020 par certaines sources ; le chiffre de 38 467 pour 2021 est la donnée DSN/INSEE la plus récente et fiable disponible dans les documents fournis. Les estimations syndicales sont par nature plus larges.
B. Profils et caractéristiques des salariés portés
Le portage salarial attire une population spécifique de professionnels. Majoritairement, il s'agit de cadres et professions intellectuelles supérieures, représentant 79% des effectifs en 2020.6 Ce sont souvent des experts expérimentés : deux tiers des salariés portés ont plus de 40 ans, et l'âge moyen s'établit à 46 ans.5 Cette séniorité suggère que le portage est fréquemment choisi par des professionnels ayant déjà une carrière établie, cherchant à valoriser une expertise acquise de manière autonome tout en bénéficiant d'un cadre sécurisé. Il peut s'agir d'une option pour une "deuxième carrière", une voie de reconversion, ou un moyen de rester actif après la retraite, jouant ainsi un rôle dans le maintien en emploi des seniors et la transmission de compétences.
La répartition entre hommes et femmes est d'environ 60% d'hommes pour 40% de femmes, une proportion relativement stable ces dernières années.6 Il est à noter que les hommes sont proportionnellement plus nombreux à occuper des postes de cadres (83% contre 72% pour les femmes en 2020) 6, et des écarts de rémunération entre genres persistent.24
Les secteurs d'expertise les plus représentés sont :
- L'informatique (IT) et le développement de logiciels, qui dominent largement, étant cités par 70% à 91% des entreprises de portage ou des salariés portés comme leur domaine principal.3
- Le conseil en management, stratégie et la gestion de projet.3
- Les Ressources Humaines (RH) et la formation professionnelle.3
- Le marketing, la communication et le digital.3
- L'ingénierie et l'expertise technique dans divers domaines.3 D'autres secteurs comme la finance, l'immobilier, les achats et la logistique sont également présents.3 En revanche, les métiers réglementés (avocats, experts-comptables, médecins, etc.) et les services à la personne sont généralement exclus du dispositif.3 Cette concentration sur les prestations intellectuelles à haute valeur ajoutée reflète les besoins structurels des entreprises en expertises pointues, notamment pour accompagner leur transformation numérique et organisationnelle.
En termes de qualification, un niveau Bac+2 ou une expérience professionnelle d'au moins trois ans dans le secteur d'activité concerné sont généralement requis pour accéder au portage salarial.11 Une classification distingue les salariés portés "juniors" (moins de trois ans d'ancienneté dans l'activité de portage salarial) des "seniors" (trois ans ou plus).6
Concernant les types de contrats de travail, on observe une forte progression des Contrats à Durée Indéterminée (CDI). Leur part est passée de 35% en 2015 à 58% en 2020 6, et des chiffres plus récents indiquent 55% de CDI.12 L'introduction du CDI en portage par l'ordonnance de 2015 a été un facteur clé de cette évolution, offrant une perception de stabilité accrue et renforçant l'attractivité du statut, notamment pour ceux qui hésitent face à la précarité parfois associée au CDD.
La rémunération en portage salarial est encadrée par un salaire minimum conventionnel, qui se situe généralement entre 70% et 85% du plafond mensuel de la Sécurité Sociale, en fonction du statut (junior, senior) et du type de forfait (jours ou heures). Cela correspond à un montant brut mensuel d'environ 2 517 € à 2 749 € pour un équivalent temps plein.3 La rémunération brute moyenne en Équivalent Temps Plein (EQTP) était de 62 398 € en 2020, tandis que la rémunération moyenne globale (tous types de contrats et de temps de travail confondus) s'élevait à 21 273 € la même année.6 Cette forte variabilité s'explique par le fait que de nombreux professionnels utilisent le portage à temps partiel ou pour des missions ponctuelles : 48% des salariés portés gagnaient moins de 10 000 € bruts en 2020, tandis que 19% dépassaient les 40 000 € bruts annuels. Ce dernier groupe, bien que minoritaire en nombre, représente cependant 59% de la masse salariale totale du secteur.6 Le salaire net perçu par le consultant correspond en moyenne à 45-55% du montant hors taxes facturé à l'entreprise cliente, après déduction des charges sociales et des frais de gestion de l'EPS.7
Enfin, la répartition géographique des salariés portés montre un ancrage territorial large. Bien que l'Île-de-France concentre 40% des salariés portés et 52% de la masse salariale (reflétant la localisation de nombreuses grandes entreprises clientes), une majorité de 60% des professionnels en portage résident en province.5 L'Auvergne-Rhône-Alpes est la deuxième région en termes de nombre de salariés portés.
Le tableau ci-dessous dresse un portrait synthétique du salarié porté :
Tableau 2 : Profil Synthétique du Salarié Porté en France (Données 2020-2023)
Caractéristique |
Donnée |
Sources Principales |
Âge moyen |
46 ans |
5 |
Répartition Hommes/Femmes (%) |
~60% Hommes / ~40% Femmes |
6 |
Part des Cadres (CSP+) (%) |
79% (en 2020) |
6 |
Secteurs d'activité principaux (%) |
IT (70-91%), Conseil/Gestion de projet, Formation/RH |
6 |
Type de contrat majoritaire (%) |
CDI (58% en 2020) |
6 |
Rémunération brute annuelle moyenne |
EQTP : 62 398 € (2020) ; Globale : 21 273 € (2020) |
6 |
Niveau de qualification (%) |
Majoritairement Bac+2 et plus (ou 3 ans d'expérience équivalente) |
11 |
Répartition géographique (%) |
Salariés portés : 40% Île-de-France / 60% Province. Masse salariale : 52% Île-de-France. |
5 |
C. Paysage concurrentiel : Acteurs majeurs, PME spécialisées et stratégies de différenciation
Le marché français du portage salarial, bien qu'en croissance, est marqué par une structure concurrentielle à deux vitesses. D'un côté, des acteurs majeurs ont émergé, souvent par le biais de fusions et acquisitions, et dominent une part significative du marché. Parmi eux, Freeland Group, qui intègre des noms historiques comme ITG (pionnier du secteur fondé en 1996), Links Consultants, ou encore FCI Immobilier, se positionne comme un leader.15 Le groupe revendiquait plus de 8 000 salariés portés et un chiffre d'affaires supérieur à 300 millions d'euros en 2021.28 Freelance.com, un autre acteur de premier plan, a également connu une forte expansion, notamment grâce à des acquisitions stratégiques comme celle d'Ad'Missions ou d'INOP'S.15 Son chiffre d'affaires consolidé a atteint 857,7 millions d'euros en 2023, le portage salarial représentant une part importante de cette activité (47% du CA en 2022, bien que ce chiffre inclue des activités hors portage strict).15 Le groupe déclare accompagner plus de 15 000 salariés portés.33 D'autres entreprises comme RH Solutions, reconnue pour son réseau national d'agences 13, Prium Portage, qui met l'accent sur la transparence de ses frais 13, ABC Portage 13, Cadres en Mission 10, et Umalis 12 figurent également parmi les noms significatifs du secteur.
Malgré cette consolidation au sommet, le marché reste fragmenté. Une multitude de Petites et Moyennes Entreprises (PME) spécialisées coexistent avec ces grands groupes. En 2020, 93% des entreprises de portage salarial comptaient moins de 250 salariés.6 Le nombre total d'EPS actives était estimé à environ 394 en 2023 5, bien que d'autres décomptes, potentiellement basés sur des critères différents, évoquent des chiffres plus élevés.12 Cette fragmentation offre un large éventail de choix aux consultants, mais peut aussi rendre le marché moins lisible pour les non-initiés. La dynamique concurrentielle pousse ainsi les petites EPS à se nicher sur des secteurs spécifiques ou à cultiver une relation client ultra-personnalisée pour se démarquer de la puissance de frappe et de la gamme de services étendue des leaders.
Face à cette concurrence, les entreprises de portage salarial déploient diverses stratégies de différenciation :
- L'offre de services et d'accompagnement : Au-delà de la gestion administrative, beaucoup proposent une aide à la recherche de missions, des programmes de formation continue (parfois certifiants Qualiopi), du coaching individualisé, des événements de mise en réseau et la création de communautés de consultants.7
- La digitalisation des processus : Des plateformes en ligne et des outils numériques avancés sont proposés pour simplifier la gestion administrative (déclaration d'activité, notes de frais, suivi du compte d'activité), facilitant la vie du salarié porté.9 Certaines EPS se positionnent même comme des "pure players" digitaux.
- La politique tarifaire : Les frais de gestion sont un levier de différenciation majeur. On observe des modèles avec des taux dégressifs en fonction du chiffre d'affaires, des abonnements mensuels fixes, et une communication axée sur la transparence, avec des labels comme "zéro frais cachés".8
- La spécialisation sectorielle : Certaines EPS choisissent de se concentrer sur des domaines d'activité spécifiques (IT, immobilier, ressources humaines, management de transition, etc.), afin de proposer une expertise et un réseau plus ciblés.13
- La présence géographique : Le choix entre un réseau d'agences locales offrant un contact de proximité et un service entièrement dématérialisé est un autre axe de positionnement.13
- Les avantages financiers complémentaires : Certaines EPS proposent des avances sur salaire, l'accès à des dispositifs d'épargne salariale (PEE/PERCO), des chèques cadeaux ou des cartes restaurant.11
- Les labels de qualité et certifications : L'obtention de labels (comme ceux promus par les syndicats professionnels) ou de certifications (ISO, Qualiopi pour la formation) vise à rassurer les clients et les consultants sur la qualité et le sérieux des prestations.41
L'émergence d'offres 100% digitales, souvent associées à des frais de gestion très compétitifs 15, exerce une pression sur les acteurs traditionnels. Ces derniers doivent alors justifier leurs tarifs, potentiellement plus élevés, par une valeur ajoutée tangible en termes d'accompagnement personnalisé, de réseau ou de services experts. Cela conduit à une segmentation du marché, avec d'un côté des offres "low-cost" digitalisées pour les consultants les plus autonomes, et de l'autre des offres "premium" incluant un panel de services plus étendu. Par ailleurs, la "guerre des talents" s'observe également dans le secteur du portage. Les EPS ne se contentent plus de gérer administrativement les freelances ; elles cherchent activement à attirer et fidéliser les meilleurs profils, car la qualité des consultants portés est un argument de poids pour séduire les entreprises clientes. Les services d'aide à la recherche de missions, les formations de haut niveau et la création de communautés dynamiques deviennent ainsi des atouts stratégiques.
Le tableau suivant propose un comparatif de quelques acteurs majeurs du portage salarial en France :
Tableau 3 : Comparatif de Quelques Entreprises de Portage Salarial en France
Entreprise/Groupe |
Appartenance (si pertinent) |
CA / Nb Salariés Portés (Indications) |
Services Distinctifs / Stratégie |
Modèle Frais de Gestion (Indications) |
Freeland Group |
Inclut ITG, Links Consultants, FCI Immobilier, Freeteam |
+8000 salariés portés, +300M€ CA (2021) 28 |
Leader, réseau étendu, formations, plateformes de missions, spécialisations (IT, Immo) 28 |
Dégressifs (ex: ITG 4-8%) 43 |
Freelance.com |
Inclut Ad'Missions |
857,7M€ CA consolidé (2023) 15, +15000 salariés portés 33 |
Croissance externe, plateforme digitale, services aux grandes entreprises, international 33 |
7-10% selon CA (Ad'Missions) 13 |
RH Solutions |
Indépendant |
N/A (Grand groupe) |
Réseau national d'agences locales, accompagnement personnalisé, formations, outil de pilotage en ligne 13 |
6-10% selon CA 13 |
Prium Portage |
Indépendant |
+600 freelances 14 |
Transparence ("zéro frais cachés"), avance de salaire, services additionnels (épargne, chèques cadeaux) 13 |
5% (+ services optionnels) 13 |
ABC Portage |
Indépendant |
~10000 consultants depuis 2012 14 |
Réseau d'agences, accompagnement, outils d'optimisation fiscale, simulateur en ligne 13 |
3-10% selon CA 13 |
Cadres en Mission |
Indépendant |
N/A (Réseau de 25 agences) 13 |
Accompagnement personnalisé, réseau local, salaire garanti, formations 10 |
Dégressifs jusqu'à 7% 13 |
Jump |
Indépendant |
N/A |
Modèle d'abonnement fixe, outils numériques avancés, CSE, affacturage, compte pro 8 |
Abonnement fixe (99€-149€/mois) 13 |
Umalis Group |
Indépendant |
CA 11M€ (2016), obj. 20M€ (2023).39 Cité parmi les acteurs 14 |
Principalement secteur IT, avance sur salaire, actions de l'entreprise, R&D 14 |
2-5% sur CA 14 |
Note : Les informations sur le CA et le nombre de salariés portés peuvent varier et ne sont pas toujours publiques pour toutes les entités. Les frais de gestion sont indicatifs et peuvent dépendre de nombreux facteurs.
III. Analyse des Forces et Faiblesses du Modèle
A. Avantages et inconvénients pour les professionnels indépendants (salariés portés)
Le portage salarial offre un ensemble d'avantages significatifs pour les professionnels souhaitant exercer leur activité de manière autonome tout en bénéficiant d'un cadre sécurisé.
Le principal atout réside dans la sécurité du statut salarié. Le professionnel porté bénéficie d'une protection sociale complète, analogue à celle d'un salarié classique : assurance maladie avec indemnités journalières, assurance chômage en cas de fin de contrat ou d'intermission (sous conditions), cotisations pour la retraite de base et complémentaire, prévoyance et accès à une mutuelle d'entreprise.3 Cet aspect constitue une différence majeure par rapport au statut de micro-entrepreneur ou de freelance traditionnel, souvent moins couverts.8
La simplicité administrative et comptable est un autre avantage majeur. L'entreprise de portage salarial prend en charge l'ensemble des tâches chronophages : établissement des devis et factures, suivi des encaissements et relances clients, tenue de la comptabilité, calcul et versement des salaires, déclarations sociales et fiscales.3 Le salarié porté peut ainsi se consacrer pleinement à la réalisation de ses missions et au développement de son activité.
Malgré le statut de salarié, le professionnel conserve une grande autonomie et liberté. Il est libre de choisir ses missions, ses clients, de négocier ses tarifs et d'organiser son temps de travail comme il l'entend.3
L'existence de bulletins de salaire réguliers facilite l'accès au crédit, notamment immobilier, ce qui peut être un frein pour les travailleurs indépendants sous d'autres statuts.3
Le portage salarial permet également de se lancer sans avoir à créer une structure juridique propre (entreprise individuelle, société), évitant ainsi les démarches administratives complexes, les coûts initiaux et les risques liés à la gestion d'une entreprise.2
La possibilité de déduire certains frais professionnels de son chiffre d'affaires avant calcul des charges sociales et de l'impôt sur le revenu permet d'optimiser sa rémunération nette.8
De plus, de nombreuses entreprises de portage proposent des services complémentaires appréciables : accès à des formations pour monter en compétences, intégration à des réseaux professionnels, accompagnement personnalisé, et parfois une aide à la recherche de nouvelles missions.3
Enfin, contrairement au régime de la micro-entreprise, le portage salarial n'impose aucun plafond de chiffre d'affaires, offrant une perspective de développement illimitée pour l'activité du consultant.3
Cependant, le modèle présente aussi des inconvénients pour le salarié porté.
Les frais de gestion prélevés par l'entreprise de portage salarial, généralement entre 5% et 10% du chiffre d'affaires hors taxes, viennent diminuer le revenu net perçu par le consultant.3
La recherche de missions incombe entièrement au salarié porté. L'entreprise de portage n'a pas l'obligation de fournir du travail ; elle intervient une fois que le consultant a trouvé une mission et négocié ses conditions.2 Cette autonomie est donc une liberté mais aussi une responsabilité.
Bien que la protection sociale soit complète, les cotisations sociales sont plus élevées que celles d'un auto-entrepreneur.8 C'est le corollaire d'une meilleure couverture.
La rémunération nette finale représente en moyenne 45% à 55% du chiffre d'affaires hors taxes facturé au client, après déduction de toutes les charges et des frais de gestion.7 Ce ratio peut sembler faible pour ceux qui ne prennent pas en compte l'ensemble des avantages et des charges inhérentes au salariat.
Un salaire minimum conventionnel étant requis, le consultant doit pouvoir facturer un Taux Journalier Moyen (TJM) suffisamment élevé pour que le portage salarial soit financièrement viable et attractif.3
Enfin, le portage salarial est limité à certaines activités, principalement les prestations intellectuelles. Les métiers réglementés, les services à la personne et les activités de négoce de marchandises en sont exclus.3
L'arbitrage central pour le professionnel est donc celui du "coût de la tranquillité". La sécurité et la simplicité administrative offertes par le portage ont un coût direct (frais de gestion, cotisations sociales plus importantes qu'en micro-entreprise). Ce choix est pertinent pour ceux qui valorisent cette sécurité et cette délégation, et dont le niveau de facturation permet d'absorber ces coûts tout en conservant un revenu jugé satisfaisant. L'autonomie en portage est également conditionnée par la capacité du professionnel à agir en tant qu'"apporteur d'affaires". Des compétences en prospection, négociation et développement commercial sont donc indispensables, car l'EPS, bien qu'employeur, n'est pas un fournisseur de travail.
B. Bénéfices et contraintes pour les entreprises clientes
Pour les entreprises clientes, le recours au portage salarial présente plusieurs bénéfices notables.
Le principal avantage est la flexibilité et la réactivité. Ce dispositif permet d'accéder rapidement à des expertises pointues pour des besoins spécifiques ou des missions ponctuelles, sans les contraintes et les délais d'un processus de recrutement classique en CDI ou CDD.2
La simplicité administrative est également un atout majeur. L'entreprise cliente n'a pas à gérer la paie, les déclarations sociales ou le contrat de travail du consultant. Elle traite avec l'entreprise de portage salarial comme avec n'importe quel autre fournisseur de services, recevant une simple facture de prestation.3
La maîtrise des coûts est assurée, car le prix de la prestation est négocié et contractualisé en amont avec le consultant et l'EPS. L'entreprise cliente n'a pas à supporter les charges salariales directes ni les coûts indirects liés à un salarié permanent.3
Le portage salarial offre une sécurité juridique appréciable. En encadrant la relation, il permet d'éviter les risques de requalification de la prestation en contrat de travail ou le délit de marchandage, puisque c'est l'EPS qui assume la responsabilité d'employeur.3
Ce modèle est particulièrement adapté pour accéder à des compétences externes spécifiques, notamment pour des tâches occasionnelles ne relevant pas de l'activité normale et permanente de l'entreprise, ou pour une expertise pointue dont elle ne dispose pas en interne.2
La rapidité d'exécution est un autre avantage : le processus de contractualisation avec l'EPS peut être très court, parfois de l'ordre de 24 à 48 heures pour valider le contrat de prestation et démarrer la mission.47
Néanmoins, les entreprises clientes doivent aussi prendre en compte certaines contraintes.
Le coût global de la prestation peut s'avérer potentiellement plus élevé que celui d'un freelance sollicité en direct. Cette différence s'explique par les frais de gestion de l'entreprise de portage et le niveau de charges sociales inhérent au statut de salarié porté. Toutefois, ce surcoût doit être mis en perspective avec la sécurité juridique, la conformité et la simplification administrative offertes, qui représentent une forme d'"assurance" contre les risques sociaux et les coûts cachés de gestion.
L'entreprise cliente ne contracte pas directement avec le consultant, mais avec l'EPS, ce qui introduit un intermédiaire dans la relation contractuelle.
Le recours au portage salarial est encadré par la loi et limité à des cas précis : il doit s'agir de tâches occasionnelles ne relevant pas de l'activité normale et permanente de l'entreprise, ou d'une mission ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas en interne.2 Il est interdit d'y recourir pour remplacer un salarié en grève, pour pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente, ou pour des travaux particulièrement dangereux.3
Enfin, la durée de la mission d'un même salarié porté chez un client est limitée, en principe, à trois ans, sauf dérogations spécifiques.2
Pour les entreprises clientes, le portage salarial se révèle donc moins comme une solution de simple "main-d'œuvre d'appoint" que comme un outil stratégique de gestion agile des compétences. Il leur permet d'accéder à des expertises de haut niveau de manière flexible et sécurisée, en modulant leurs ressources expertes en fonction de leurs besoins réels et des cycles économiques, sans alourdir leur masse salariale fixe à long terme.
Le tableau ci-dessous récapitule les principaux avantages et inconvénients pour les deux parties :
Tableau 4 : Synthèse des Avantages et Inconvénients/Contraintes du Portage Salarial
Catégorie |
Pour le Salarié Porté |
Pour l'Entreprise Cliente |
Avantages |
- Sécurité du statut salarié (protection sociale complète : chômage, retraite, santé) 7 <br> - Simplicité administrative et comptable (gestion par l'EPS) 8 <br> - Autonomie et liberté (choix missions, clients, tarifs, organisation) 3 <br> - Accès facilité au crédit 8 <br> - Pas de création d'entreprise nécessaire 2 <br> - Déduction possible de frais professionnels 8 <br> - Accès à des services (formation, réseau, etc. via EPS) 7 <br> - Pas de plafond de chiffre d'affaires 27 |
- Flexibilité et réactivité (accès rapide à des experts) 2 <br> - Simplicité administrative (relation fournisseur avec EPS) 47 <br> - Maîtrise des coûts (prestation négociée) 47 <br> - Sécurité juridique (évite requalification, marchandage) 36 <br> - Accès à des compétences externes spécifiques et ponctuelles 2 <br> - Rapidité de mise en œuvre de la mission 47 |
Inconvénients / Contraintes |
- Frais de gestion prélevés par l'EPS (5-10% du CA HT) 8 <br> - Recherche de missions à sa charge 2 <br> - Cotisations sociales plus élevées qu'en micro-entreprise 8 <br> - Rémunération nette ~45-55% du CA HT facturé 7 <br> - Salaire minimum conventionnel à atteindre (TJM suffisant requis) 11 <br> - Exclusion de certaines activités (métiers réglementés, services à la personne) 7 |
- Coût potentiellement plus élevé qu'un freelance direct (mais sécurité accrue) <br> - Intermédiation de l'EPS dans la contractualisation <br> - Cas de recours limités par la loi (tâches occasionnelles, expertise ponctuelle) 2 <br> - Durée maximale de mission chez un même client (3 ans sauf dérogation) 2 |
IV. Tendances Actuelles et Évolutions Récentes (Focus 2023-2024)
A. Secteurs d'activité moteurs et niches émergentes
L'analyse des tendances pour 2023-2024 confirme la prédominance de certains secteurs moteurs traditionnels pour le portage salarial, tout en voyant émerger de nouvelles niches porteuses.
Les domaines de l'IT et du Digital continuent de tirer fortement la demande. Les besoins en développement logiciel, cybersécurité, intelligence artificielle, analyse de données (data analysis), gestion de projet IT, ainsi que les expertises en SEO et marketing digital restent très élevés.3
Le conseil aux entreprises et le management de transition demeurent également des piliers, avec des missions axées sur l'optimisation des processus, la transformation digitale et la gestion de situations complexes ou de crises.3
La formation professionnelle reste un secteur dynamique, notamment avec les enjeux de montée en compétences des salariés et les exigences de la certification Qualiopi pour les organismes de formation.3 Le fait que 70% des EPS ayant une activité de formation soient certifiées Qualiopi 6 constitue un atout majeur. Cette certification, obligatoire pour accéder aux fonds publics ou mutualisés, est souvent complexe à obtenir pour un formateur indépendant isolé. L'EPS, en mutualisant cet effort, ouvre ainsi des marchés importants à ses formateurs portés, illustrant une valeur ajoutée allant au-delà de la simple gestion administrative.
Les Ressources Humaines (conseil RH, recrutement, Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences - GPEC) sont aussi un domaine où l'expertise externe en portage est recherchée.3
Parallèlement, des niches et secteurs émergents gagnent en importance, reflétant les évolutions sociétales et technologiques :
- La transition écologique et la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) génèrent une demande croissante pour des consultants en développement durable, stratégie énergétique et mise en œuvre de politiques RSE.3
- La cybersécurité, face à la multiplication des menaces, devient un enjeu critique pour toutes les organisations, stimulant le recours à des experts externes.3
- L'Intelligence Artificielle (IA) est un domaine en pleine explosion, avec des besoins en spécialistes de l'IA, du machine learning et du développement de solutions automatisées.3
- L'innovation en santé, incluant les biotechnologies, la télémédecine et plus largement la santé connectée, ouvre des perspectives pour des consultants spécialisés.3 Il est intéressant de noter que les secteurs moteurs et émergents du portage salarial sont intimement liés aux grandes transformations en cours : la digitalisation omniprésente, l'urgence climatique, les avancées technologiques fulgurantes en IA, et les nouveaux enjeux de santé publique. Le portage salarial, par sa flexibilité et sa capacité à mobiliser rapidement des expertises de pointe, se positionne comme un vecteur privilégié pour accompagner les entreprises dans ces transitions majeures, agissant non seulement comme un mode d'emploi mais aussi comme un facilitateur d'innovation et d'adaptation.
B. Influence de la conjoncture économique (inflation, croissance, réformes fiscales comme la CVAE)
La période 2022-2024 a été marquée par une inflation persistante, constituant une préoccupation majeure pour les ménages et les entreprises.48 Bien qu'une stabilisation soit observée en 2024, les effets cumulés sur le pouvoir d'achat demeurent.49 Dans ce contexte, les salariés portés, qui ont l'autonomie de fixer leurs tarifs, ont pu chercher à répercuter cette inflation sur leurs Taux Journaliers Moyens (TJM). Cependant, la pression sur les budgets des entreprises clientes a pu complexifier ces négociations. La capacité réelle des portés à augmenter leurs TJM pour préserver leur pouvoir d'achat a ainsi été mise à l'épreuve, dépendant fortement de la rareté de leur expertise et de leurs compétences en négociation. Les entreprises de portage salarial offrant un accompagnement à la négociation tarifaire 40 ont pu s'avérer particulièrement utiles durant cette période. Des hausses de salaires plus générales sont attendues en 2025 pour soutenir le pouvoir d'achat.50
La croissance économique en France a été modeste sur la période 2023-2024.48 Malgré ce contexte, le marché du portage salarial a poursuivi sa progression.5 Cette résilience peut s'expliquer par sa concentration sur des secteurs d'activité particulièrement dynamiques (comme l'IT et le conseil) et par le besoin accru de flexibilité des entreprises en période d'incertitude économique. Certaines analyses suggèrent même une décorrélation partielle entre la croissance du portage et la croissance économique globale 17, indiquant une force structurelle de la demande pour ce statut. En période de ralentissement économique et de frilosité à l'embauche en CDI classique, les entreprises pourraient en effet se tourner davantage vers des solutions flexibles comme le portage pour accéder aux compétences nécessaires sans alourdir leur masse salariale à long terme. Le portage salarial pourrait ainsi jouer un rôle d'"amortisseur contracyclique" partiel pour l'emploi des cadres, fluidifiant le marché du travail des experts.
Sur le plan des réformes fiscales, la suppression progressive de la Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), initiée en 2023 et achevée en 2024, a eu un impact.52 Les entreprises de portage salarial répercutaient cette taxe dans leurs coûts. Sa suppression, si elle est intégralement répercutée par les EPS sur la chaîne de valeur jusqu'au salarié porté, peut se traduire par une légère augmentation du salaire net de ce dernier.52 Il s'agit d'un effet positif, bien que d'ampleur limitée à l'échelle individuelle.
Le marché de l'emploi global a été caractérisé par des difficultés de recrutement persistantes dans certains secteurs, un besoin soutenu en cadres, et un intérêt croissant pour les formes de travail non salarié.41 Ces tensions sur le marché des talents peuvent inciter les entreprises à faire appel à des consultants portés pour leurs expertises spécifiques. Simultanément, l'attrait pour l'indépendance et l'autonomie alimente le vivier de professionnels susceptibles d'opter pour le portage salarial.
C. Transformations structurelles : Digitalisation, internationalisation, impact de l'intelligence artificielle, nouvelles réglementations
Plusieurs transformations structurelles redéfinissent le paysage du portage salarial. La digitalisation des services est une tendance de fond. Les entreprises de portage salarial investissent massivement dans des plateformes en ligne pour la gestion administrative, des outils de mise en relation entre consultants et clients, et la simplification globale des démarches.9 On assiste même à l'essor d'EPS fonctionnant sur un modèle 100% digital.41 Cette digitalisation améliore l'efficacité opérationnelle, peut réduire les coûts de gestion et répond aux attentes d'une population de consultants nativement numérique. Elle est à la fois un moteur de croissance, en permettant de toucher un plus grand nombre de consultants et d'optimiser les processus, et un facteur de transformation du modèle économique des EPS, favorisant l'émergence d'offres "low-cost" qui challengent les acteurs plus traditionnels.
L'internationalisation des missions gagne du terrain, facilitée par la généralisation du télétravail et l'amélioration des outils collaboratifs.3 Les consultants français peuvent ainsi plus aisément travailler pour des clients étrangers, et certaines EPS développent des offres spécifiques pour accompagner cette dimension, parfois sous le vocable d'"Employer of Record" (EOR) international.38 Cela ouvre des perspectives de croissance majeures mais complexes, impliquant des défis juridiques, fiscaux et administratifs que les EPS spécialisées peuvent aider à surmonter. C'est un axe de développement stratégique, mais qui requiert des compétences et des investissements spécifiques, et qui pourrait aussi attirer des acteurs EOR étrangers sur le marché français.
L'impact de l'Intelligence Artificielle (IA) se fait sentir à plusieurs niveaux. L'IA entraîne l'automatisation de certaines tâches, y compris dans les métiers du conseil et de la création, mais elle crée aussi de nouvelles spécialisations très demandées (data analysis, machine learning, conseil en stratégie IA).3 Les freelances eux-mêmes adoptent des outils d'IA pour optimiser leur productivité et la qualité de leurs livrables.38 L'IA est donc une double lame : une opportunité de nouvelles missions pour ceux qui maîtrisent ces technologies, et une menace potentielle de substitution pour certaines tâches plus standardisées. Les consultants en portage doivent donc s'adapter en continu, en intégrant l'IA dans leurs pratiques et en se positionnant sur des expertises où la valeur ajoutée humaine (créativité, stratégie, empathie, gestion de la complexité) reste prépondérante. Les EPS ont un rôle crucial à jouer dans la formation et l'accompagnement face à ces nouveaux enjeux.
Les nouvelles réglementations et évolutions législatives continuent de façonner le secteur. On observe une tendance vers des régulations plus strictes visant à mieux protéger les travailleurs indépendants en général.38 Les débats autour du statut des travailleurs des plateformes numériques 54 pourraient avoir des répercussions indirectes. Des évolutions spécifiques au portage, comme la récente baisse du seuil de rémunération minimale conventionnelle suite à l'avenant n°12 54, peuvent élargir l'accès au dispositif. Le cadre réglementaire est donc en mouvement constant, cherchant un équilibre entre la flexibilité nécessaire aux entreprises et la protection due aux travailleurs. Le portage salarial, déjà bien structuré juridiquement, pourrait apparaître comme une solution de référence stable et sécurisée.
Enfin, l'importance croissante des soft skills et du réseau professionnel est une tendance de fond. Au-delà de l'expertise technique, des compétences telles que la gestion de projet, la communication, la capacité à négocier et à entretenir un réseau sont devenues cruciales pour les salariés portés afin de trouver des missions et de les mener à bien.7
V. Perspectives d'Avenir du Portage Salarial (Horizon 2025-2030)
A. Projections de croissance du marché et potentiel de développement
Le marché du portage salarial en France est loin d'avoir atteint sa maturité et présente un fort potentiel de croissance continue pour les années à venir.17 Les observateurs s'accordent sur une croissance annuelle moyenne qui pourrait se maintenir entre +15% et +20%.5
Les projections chiffrées, notamment celles émanant de la FEPS, sont souvent optimistes et dessinent un avenir radieux pour le secteur :
- Le chiffre d'affaires pourrait atteindre des sommets, avec des estimations allant jusqu'à 15 ou 17 milliards d'euros d'ici 2028-2030.5 D'autres scénarios, plus prudents et conditionnés à l'absence de réformes favorables, tablent sur un marché de 3,5 milliards d'euros en 2030.12
- En termes d'emplois ou de nombre de salariés portés, les prévisions évoquent la création de 500 000 à 700 000 emplois d'ici 2025 9, et plus de 600 000 emplois équivalents temps plein d'ici 2028.5 Le nombre total de professionnels ayant recours au portage pourrait même atteindre 1,25 million.12
Ces projections, même si les plus élevées doivent être considérées avec prudence, témoignent d'un consensus sur le potentiel de développement très important du portage salarial. Plusieurs facteurs structurels soutiennent cette croissance attendue : la quête continue de flexibilité de la part des entreprises, conjuguée à l'aspiration croissante des travailleurs qualifiés pour plus d'autonomie et de maîtrise de leur parcours professionnel.5 La transformation numérique et l'évolution des modes de travail, accélérées par des phénomènes comme la généralisation du télétravail, favorisent également le recours à des experts externes opérant en portage.5 Une meilleure prise de conscience des avantages du statut par les professionnels et les entreprises 21, ainsi que son rôle de solution pour les cadres en transition ou les seniors souhaitant valoriser leur expertise 5, contribuent aussi à cette dynamique. Il est d'ailleurs significatif que 63% des salariés du secteur privé envisageraient le portage salarial en période de chômage ou de reconversion.5
Il est important de noter que les projections de croissance les plus exponentielles, notamment celles de la FEPS, reposent souvent sur l'hypothèse d'une adoption massive du statut, qui pourrait être facilitée par des réformes réglementaires.12 Des freins actuels, comme le seuil de rémunération minimale pour accéder au portage 18, limitent aujourd'hui son accès. Un assouplissement de ces conditions pourrait débloquer une part significative de ce potentiel. Si ces projections sont un indicateur fort, leur réalisation dépendra donc de multiples facteurs, incluant l'action des pouvoirs publics et la capacité du secteur à se structurer pour absorber un tel volume d'activité.
Le portage salarial pourrait également s'affirmer comme un pilier de la "gig economy qualifiée". Alors que l'économie des petits boulots via plateformes est souvent associée à une faible qualification et à une précarité, le portage offre un modèle structuré et protecteur pour les freelances hautement qualifiés. Face à une régulation potentiellement accrue des plateformes de travailleurs indépendants 38, le portage pourrait émerger comme une solution de conformité et de sécurisation pour ces professionnels et les plateformes elles-mêmes.
Le tableau suivant regroupe quelques projections de croissance du marché :
Tableau 5 : Projections de Croissance du Marché du Portage Salarial en France (Horizon 2025-2030)
Source de la Projection |
Horizon (Année) |
Indicateur |
Valeur Projetée |
Conditions / Commentaires |
FEPS |
2028-2030 |
Chiffre d'Affaires |
15 - 17 Milliards € |
Souvent lié à des réformes favorables 5 |
FEPS |
2030 |
Chiffre d'Affaires |
3,5 Milliards € |
Scénario sans évolution législative majeure 12 |
Divers (FEPS, autres) |
2025 |
Nombre d'Emplois / Salariés Portés |
500 000 - 700 000 |
9 |
FEPS |
2028 |
Nombre d'Emplois (EQTP en mission) |
> 600 000 |
5 |
FEPS |
N/A |
Nombre d'Adhérents (potentiel) |
1,25 Million |
12 |
RH Solutions 5 |
2024 |
Chiffre d'Affaires |
~2,4 Milliards € |
Basé sur croissance annuelle de +20% |
Xerfi 5 |
2026 |
Prévisions d'activité |
Étude spécifique disponible |
Analyse des drivers et scénario économique |
B. Défis majeurs à relever
Pour atteindre son plein potentiel, le secteur du portage salarial doit surmonter plusieurs défis importants.
La notoriété et la compréhension du dispositif restent perfectibles. Malgré sa croissance, le portage salarial demeure encore mal connu d'une partie du grand public, des professionnels potentiellement concernés, et même de certaines entreprises.5 Une communication plus large et pédagogique est nécessaire pour démystifier le statut et en présenter les avantages.6
La concurrence est un autre défi de taille. Elle s'exerce d'une part avec d'autres statuts pour travailleurs indépendants, comme la micro-entreprise ou le freelancing direct, qui peuvent apparaître plus simples ou moins coûteux à court terme pour certains profils.15 D'autre part, la concurrence est vive entre les entreprises de portage salarial elles-mêmes, se traduisant par une pression sur les niveaux de frais de gestion et une nécessité constante de se différencier par la qualité et l'étendue des services.15 Une forme de concurrence illégale, notamment de la part d'acteurs étrangers ne respectant pas la réglementation française, est également signalée.6
L'adaptation réglementaire continue est un enjeu permanent. Bien que le cadre légal soit désormais stabilisé, des ajustements pourraient s'avérer nécessaires pour accompagner l'évolution du marché et des besoins : la question du seuil de rémunération minimale d'accès, la clarification du traitement des frais professionnels, ou encore l'ouverture du dispositif à de nouveaux publics ou types de missions sont des sujets récurrents.5 L'harmonisation des pratiques au niveau européen reste également limitée, ce qui peut créer des complexités pour les missions internationales.42 Le défi est de faire évoluer la réglementation pour soutenir le développement sain du secteur, sans le brider par des contraintes excessives ni créer de nouvelles complexités.
Le maintien de la qualité et de l'éthique des pratiques est crucial. Avec l'augmentation du nombre d'entreprises de portage salarial, il est impératif de veiller au respect strict des règles conventionnelles et légales, à la transparence des offres, et à la qualité réelle des services fournis, afin d'éviter les abus et de protéger efficacement les droits des salariés portés.5 La crédibilité de l'ensemble du secteur en dépend.
Enfin, l'intégration des nouvelles technologies, notamment l'Intelligence Artificielle, représente un défi d'adaptation pour les consultants. Les EPS ont un rôle à jouer pour les aider à comprendre les impacts de l'IA sur leurs métiers, à se former aux nouveaux outils et à valoriser leurs compétences dans un environnement en mutation.38
Un enjeu sous-jacent est celui de la "démocratisation" du portage sans pour autant "diluer" sa valeur intrinsèque. Pour atteindre les projections de croissance les plus ambitieuses, le portage doit devenir accessible à un plus grand nombre, ce qui pourrait passer par un assouplissement du seuil de rémunération minimale.45 Cependant, une telle évolution ne doit pas se faire au détriment de la qualité des prestations ni de la robustesse de la protection offerte aux salariés portés, qui constituent des piliers du modèle. Le modèle économique du portage, qui inclut des frais de gestion et des charges salariales, nécessite un certain volume de chiffre d'affaires pour être viable tant pour le porté que pour l'EPS. Un abaissement excessif du seuil d'accès pourrait attirer des profils pour lesquels le portage n'est pas la solution la plus adaptée, ou engendrer une pression sur la qualité des services des EPS. Trouver le juste équilibre réglementaire est donc fondamental.
De plus, la concurrence internationale des "umbrella companies" et autres "Employers of Record" (EOR) constitue un défi croissant, notamment pour les missions transfrontalières.5 Le modèle français, bien que pionnier et très réglementé 5, est confronté à des acteurs étrangers qui peuvent proposer des solutions plus souples ou moins onéreuses, mais souvent au détriment de la protection du travailleur.5 Si l'encadrement strict en France est un gage de sécurité, il peut représenter un désavantage compétitif en termes de coût pur. Cela soulève l'enjeu de la promotion du modèle français à l'international pour sa fiabilité et sa sécurité, et potentiellement la nécessité d'une plus grande harmonisation européenne pour prévenir le dumping social.42
C. Opportunités stratégiques pour les acteurs du secteur et les professionnels
Face à ces défis et dans un marché en pleine mutation, des opportunités stratégiques se dessinent tant pour les entreprises de portage salarial que pour les professionnels qui choisissent ce statut.
Pour les entreprises de portage salarial (EPS) :
- La spécialisation sur des secteurs d'activité porteurs (IT, RSE, IA, santé, etc.) ou sur des niches spécifiques (management de transition, formation certifiante) permet de développer une expertise reconnue et d'attirer une clientèle ciblée.15
- Le développement de services à forte valeur ajoutée est crucial pour se différencier. Cela inclut des programmes de formation continue pour les consultants, du coaching personnalisé, une aide active à la prospection et à la négociation commerciale, la mise à disposition d'outils digitaux performants pour la gestion d'activité, et l'animation de communautés professionnelles dynamiques.7 L'EPS de demain tendra à devenir un véritable "écosystème de services pour indépendants" plutôt qu'un simple gestionnaire administratif.
- L'expansion internationale, en accompagnant les consultants sur des missions à l'étranger ou en développant une offre d'Employer of Record (EOR), représente un relais de croissance significatif.35
- La conclusion de partenariats stratégiques avec des plateformes de freelances, des organismes de formation, des grandes entreprises ou des réseaux d'experts peut générer des synergies et des opportunités d'affaires.
- L'innovation dans les modèles de tarification, en proposant des offres plus flexibles, transparentes et adaptées aux différents profils de consultants (par exemple, des abonnements fixes pour les hauts revenus, des taux dégressifs) peut constituer un avantage concurrentiel.8
Pour les professionnels (salariés portés) :
- La montée en compétences continue est indispensable. Il s'agit de se former en permanence, non seulement sur son cœur d'expertise, mais aussi sur les outils digitaux, l'intelligence artificielle, et les "soft skills" (communication, gestion de projet, négociation).9
- Le développement et l'entretien de son réseau professionnel sont plus que jamais essentiels pour identifier des opportunités de missions et se faire connaître.7
- La spécialisation sur des expertises pointues et recherchées permet de se démarquer sur le marché et de justifier des tarifs plus élevés.38
- L'ouverture à des missions internationales, si cela est pertinent pour le domaine d'activité, peut offrir de nouvelles perspectives et des rémunérations attractives.38
- Un choix éclairé de son entreprise de portage salarial est fondamental. Il convient de comparer attentivement les offres en fonction de ses besoins spécifiques en termes d'accompagnement, de niveau de frais de gestion, de qualité des services proposés, et de réputation de l'EPS.
Le portage salarial, en combinant autonomie et salariat, se positionne comme un véritable laboratoire des nouvelles formes de travail et de protection sociale. Les solutions et les bonnes pratiques qu'il expérimente, telles que le compte d'activité avec provisions pour intermissions 3, le droit à la formation continue 9, ou l'accès à l'assurance chômage pour des travailleurs autonomes dans leurs missions 8, pourraient inspirer des réflexions plus larges sur l'évolution du marché du travail et la nécessaire adaptation de la protection sociale à la diversité des parcours professionnels.
VI. Conclusion et Recommandations Stratégiques
A. Synthèse des enjeux clés du marché du portage salarial
Le marché du portage salarial en France se caractérise par une trajectoire de croissance robuste et continue, soutenue par une structuration juridique désormais solide et éprouvée. Ce modèle répond à un double besoin fondamental du marché du travail contemporain : d'une part, la quête de flexibilité et d'accès à des expertises pointues de la part des entreprises ; d'autre part, l'aspiration à l'autonomie professionnelle combinée à un besoin de sécurité sociale de la part d'une population croissante de travailleurs qualifiés, majoritairement des cadres expérimentés.
Les dynamiques concurrentielles sont vives, avec l'émergence de grands groupes consolidant le marché et une multitude de PME cherchant à se différencier par la spécialisation ou la qualité de service. La digitalisation transforme les offres et les attentes, tandis que l'internationalisation et l'impact de l'intelligence artificielle ouvrent de nouvelles perspectives et posent de nouveaux défis.
Cependant, pour que le portage salarial exprime pleinement son potentiel, plusieurs enjeux majeurs doivent être adressés. La notoriété et la compréhension fine du dispositif par l'ensemble des acteurs économiques restent un axe d'amélioration. La concurrence, tant interne au secteur qu'externe avec d'autres statuts, impose une innovation constante. L'adaptation continue du cadre réglementaire est également nécessaire pour accompagner les évolutions sans brider l'initiative. Enfin, le maintien d'un haut niveau de qualité et d'éthique dans les pratiques des entreprises de portage est indispensable pour préserver la confiance et la crédibilité du modèle.
B. Pistes de réflexion et recommandations
Au regard de cette analyse, plusieurs pistes de réflexion et recommandations peuvent être formulées à destination des différentes parties prenantes.
Pour les pouvoirs publics :
- Poursuivre la clarification et l'adaptation du cadre réglementaire : Il serait pertinent d'évaluer l'opportunité d'ajuster certains paramètres, comme le seuil de rémunération minimale d'accès, afin d'élargir potentiellement l'accès au portage salarial à un public plus large de professionnels qualifiés, tout en veillant à la viabilité économique du modèle pour les portés. Une clarification continue du traitement des frais professionnels déductibles serait également bienvenue.
- Promouvoir la connaissance du portage salarial : Soutenir des actions de communication et d'information pour mieux faire connaître ce dispositif auprès des entreprises (notamment PME/ETI), des professionnels indépendants, des jeunes diplômés et des acteurs de l'accompagnement à l'emploi, en tant que solution de "flexisécurité" éprouvée.
- Encourager la qualité et la transparence des pratiques : Veiller, en collaboration avec les partenaires sociaux de la branche, au respect des obligations légales et conventionnelles par toutes les entreprises de portage salarial, et soutenir les initiatives de labellisation ou de certification qui garantissent des pratiques éthiques et transparentes.
Pour les entreprises de portage salarial :
- Investir dans la digitalisation et les services à valeur ajoutée : Aller au-delà de la simple gestion administrative en proposant un véritable écosystème de services : plateformes digitales performantes, offres de formation continue adaptées aux évolutions du marché (IA, soft skills), outils d'aide à la prospection et au développement commercial, animation de réseaux et de communautés de consultants.
- Développer des spécialisations sectorielles ou par type de clientèle : Pour se différencier dans un marché concurrentiel, affiner son positionnement en développant une expertise pointue sur des secteurs en croissance ou des types de missions spécifiques.
- Améliorer la transparence des offres et des frais : Communiquer clairement sur la structure des frais de gestion, les services inclus, et fournir des simulations de revenus nettes et précises pour permettre aux consultants de faire un choix éclairé.
- Explorer les opportunités à l'international : Développer des compétences et des offres pour accompagner les consultants sur des missions à l'étranger, en maîtrisant les aspects juridiques et fiscaux transfrontaliers (statut d'Employer of Record).
Pour les professionnels envisageant le portage salarial :
- Bien évaluer leurs besoins et leur capacité à trouver des missions : Le portage salarial est une solution d'autonomie accompagnée, mais la responsabilité de trouver des clients et de négocier les missions repose sur le professionnel. Une auto-évaluation de ses compétences commerciales et de son réseau est primordiale.
- Comparer attentivement les offres des entreprises de portage salarial : Ne pas se focaliser uniquement sur le taux de frais de gestion, mais analyser l'ensemble des services proposés (accompagnement, formation, réseau, outils), la réputation de l'EPS, et la qualité de la relation avec les conseillers.
- Investir dans le développement continu de leurs compétences et de leur réseau : Dans un marché du travail en constante évolution, la formation continue et l'entretien d'un réseau professionnel solide sont des facteurs clés de succès et de maintien de l'employabilité.
Pour les entreprises clientes :
- Intégrer le portage salarial dans leur stratégie de gestion des talents : Considérer le portage non pas comme une simple solution d'appoint, mais comme un outil stratégique pour accéder de manière flexible, rapide et sécurisée à des expertises externes de haut niveau, notamment pour des projets de transformation, d'innovation ou pour pallier des pénuries de compétences.
- Comprendre la valeur ajoutée du portage : Au-delà du coût direct de la prestation, apprécier les bénéfices en termes de sécurité juridique, de simplification administrative et de réactivité.
- Collaborer étroitement avec les EPS et les salariés portés : Pour assurer le succès des missions, établir une communication claire sur les objectifs, les attentes et les modalités de la prestation.
En conclusion, le marché du portage salarial en France est un secteur dynamique et prometteur, porteur de solutions innovantes pour l'emploi et le développement des compétences. Sa capacité à concilier les aspirations à l'autonomie des professionnels et les besoins de flexibilité des entreprises, tout en offrant un cadre social sécurisé, en fait un acteur clé des transformations du travail. Les défis à relever sont réels, mais les opportunités de développement sont considérables si tous les acteurs – pouvoirs publics, entreprises de portage, professionnels et entreprises clientes – œuvrent de concert pour en optimiser le fonctionnement et en libérer tout le potentiel.
Christian PERSON
PDG de Umalis Group