Plusieurs joueuses italiennes se sont fait remarquer à l’Euro 2017. A l'instar de Barbara Bonansea qui a véritablement crevé l'écran. Rencontre avec l'une des meilleures représentantes actuelles du football transalpin, à quelques heures de la reprise du championnat en Italie. Une nouvelle saison et un nouveau challenge pour l'attaquante de 26 ans, qui vient de rejoindre la Juventus et sa section féminine créée cet été.

 

Coeurs de Foot - Barbara, pourrais-tu nous résumer ton parcours ?

Barbara Bonansea - J’ai débuté le foot à l'âge de 5 ans dans l’équipe de mon village, Briqueras, juste à côté de Turin. Au collège, j’ai commencé à jouer avec les filles au Torino CF. J’y ai passé huit ans, avant d’aller à Brescia où je suis restée cinq saisons et depuis cette année je joue à la Juventus.

 

"Le simple fait d’en parler me rend nerveuse…"

 

Coeurs de Foot - Pour évoquer de l’EURO, malgré de belles prestations, l’Italie n’a pas passé les poules. Qu’est-ce qui vous a manqué selon toi ?

B. B. - Certainement [de bien débuter] le premier match. Nous avons grillé notre chance de qualification contre la Russie, qui était un adversaire disons plus abordable [défaite 2-1].

Ensuite, nous avons joué deux matches presque parfaits selon moi, avec la victoire contre la Suède [3-2] et une défaite 2-1 seulement contre l’Allemagne, sachant qu’on a failli égaliser à dix contre onze.

C’est vraiment ce premier match contre la Russie qui nous a manqué. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’on a eu peur, mais… Je ne sais pas, il nous a manqué quelque chose sur cette rencontre. Le simple fait d’en parler me rend nerveuse…

 

"Énormément de personnes pensaient que l’Italie aurait pris de nombreux buts"

 

Coeurs de Foot - Que retiens-tu de cette compétition alors ? La rage ou... (elle coupe)

B. B. - De la rage, c’est sûr, mais aussi beaucoup d’expérience parce que énormément de personnes pensaient que l’Italie aurait pris de nombreux buts face à l’Allemagne et la Suède. Au lieu de ça, nous avons toutes démontré que, même sans être professionnelles et sans beaucoup d’avantages dont jouissent les autres nations, nous sommes une bonne équipe.

 

"On sent plus d’enthousiasme avec l’arrivée de la Juventus"

 

Coeurs de Foot - Tu as senti que votre statut avait changé au retour en Italie après l’Euro ?

B. B. - Nous avons fait bonne figure sur ces deux matches [contre la Suède et l'Allemagne], mais le fait de ne pas passer les poules n’a pas aidé. La Fédération a d’ailleurs décidé de changer de sélectionneur [Antonio Cabrini a cédé sa place à Milena Bertolini]. On ouvre donc un nouveau chapitre.

C’est surtout au niveau des clubs qu’on sent plus d’enthousiasme avec l’arrivée de la Juventus et autres clubs professionnels.

 

Coeurs de Foot - La Juve justement a créé une section féminine cet été. Peux-tu nous raconter comment ça s’est passé ? On a l’impression que tout est allé très vite.

B. B. - Oui, effectivement, tout s’est décidé un peu au dernier moment, mais j’étais très heureuse d’avoir été contactée par le club dont je suis fan. Ça a été une surprise, mais une belle surprise.

 

Coeurs de Foot - L’équipe de la Juventus est complètement neuve, mais peut compter sur de nombreuses internationales. Quels sont les objectifs cette saison ?

B. B. - Je ne t’apprends rien, l’objectif de la Juve est toujours d’être au sommet. L’objectif principal reste la qualification pour la Champions League, mais connaissant nos adversaires, ça ne sera pas facile du tout. Après, si on arrive à faire mieux, nous en serons tous ravis.

 

Coeurs de Foot - Peux-tu nous parler un peu du projet de la section féminine de la Juventus.

B. B. - À la Juve nous sommes traitées comme des joueuses professionnelles. Nous nous entraînons tous les jours, parfois deux fois par jour, mais il manque le statut. Nous restons amateurs, même si nous faisons partie intégrante du club.

 

"D’un point de vue légal, en Italie, les femmes ne peuvent pas être professionnelles."

 

Coeurs de Foot - Ça reste donc une sorte d’entre-deux, avec les contraintes des joueuses professionnelles, sans les avantages ?

B. B. - Effectivement, on met souvent cet aspect-là en avant : le fait qu’on s’entraîne comme des pros, mais que sur le papier, nous ne le sommes pas.

D’un point de vue légal, en Italie, les femmes ne peuvent pas être professionnelles. Nous nous battons pour avoir ce statut, et nous sommes convaincues que d’ici quelques années nous atteindrons notre but.

 

Coeurs de Foot - L’arrivée de clubs comme la Juve ou la Fiorentina peut aider à changer ça ?

B. B. - Oui. Il y a la Juve, la Fiorentina et d’autres équipes comme Sassuolo, Bari… Ça représente certainement un point de départ pour arriver à la professionnalisation. En espérant que les institutions puissent modifier cette loi. La Juve et la Fiorentina ont fait un pas important en ce sens.

 

Coeurs de Foot - Quel a été le rôle de la Fiorentina dans le développement du football féminin italien ?

B. B. - Ça a été la première équipe de Serie A masculine à avoir une section féminine [senior]. Elle a envoyé un signal fort et d’autres clubs l’ont imitée. Ils ont vu que le football féminin progressait en Italie.

 

Coeurs de Foot - Pour revenir à la sélection, tu connais bien Milena Bertolini, votre nouveau sélectionneur. Peux-tu nous parler un peu d’elle ?

B. B. - Elle m’a entraînée durant mes 5 saisons à Brescia et j’ai toujours eu beaucoup d’estime pour elle. Elle est compétente et c’est un bon choix pour la sélection. On passe peu de temps ensemble en équipe nationale. Elle a de bonnes joueuses à disposition, mais il faut quelqu’un capable de faire prendre la mayonnaise [au sein du groupe].

Je sais ce qu’elle a réalisé à Brescia, et je suis sûre qu’elle arrivera à utiliser son expérience en sélection, à créer un groupe, car au final, il faut avoir ça aussi pour gagner. Je suis très optimiste.

 

Coeurs de Foot - Dernière question. Vous avez hérité d’un groupe de qualification pour le Mondial 2019 très homogène. Comment abordez-vous ces éliminatoires et qu’est-ce que ça représenterait pour le football féminin italien une qualification pour la Coupe du Monde ?

B. B. - Ça fait vingt ans qu’on ne participe pas à une Coupe du Monde, donc ça serait une joie immense. C’est notre objectif d’y être.

C’est effectivement un groupe homogène et d’après moi c’est encore pire que d’avoir une seule équipe vraiment forte, car tous les matches seront très très compliqués. Nous avons déjà rencontré la Roumanie et nous avons dû batailler pour les battre. Nous allons les recevoir en octobre. Ensuite ça sera au tour du Portugal, qui progresse énormément et de la Belgique, que nous avons affronté au tournoi de Chypre. On connaît leurs qualités et ça sera certainement deux matches très difficiles à jouer.

Mais si nous faisons les efforts les unes pour les autres, nous pouvons remporter tous nos matches. Je le répète, une qualification pour le Mondial ça serait une joie immense pour moi et pour toutes mes coéquipières.


 

Interview réalisée par Marie-Océane Bayol

. La rédaction