Tout juste avant de débuter le Tour Elite U19 avec les Bleuettes, nous avons contacté Gilles Eyquem - le coach des Bleuettes depuis plusieurs années aujourd'hui - pour prendre la température. Nous avons également évoqué de la désillusion lors du dernier mondial U20, ou encore du cas de Marie-Antoinette Katoto appelée récemment en A, et celui de Selma Bacha, qui ne cesse de faire parler d'elle. 

 

 

Coeurs de Foot - Au sujet de la préparation du Tour Élite 

Gilles Eyquem - Elle se passe bien dans la mesure où j'ai récupéré tout le monde, un peu avec difficulté cependant, mais elles sont arrivées surtout sans blessure donc c'est une très bonne chose. J'étais un peu inquiet de ne pas pouvoir faire le rassemblement comme prévu le vendredi, et pouvoir travailler avec le groupe. Cela a été fait différemment mais dans cette difficulté [d’organisation], il n'y a pas eu de blessure, donc c'est quand même une bonne chose, même si on a eu un temps plus court pour travailler [ce Tour Élite]. On a l'habitude [de travailler sous pression]. 

 

CDF - Est-ce qu'on peut dire que cette équipe U19 est en reconstruction après l'épopée de 2016 que vous avez connu par exemple et qui a enchaîné une 2e place au mondial U20 ou pas du tout ? 

G. E. - Une reconstruction par la force des choses parce qu'il y en a toujours qui partent, mais il y a quand même un noyau qui reste de la Coupe du Monde [U20 en Bretagne par exemple], il y a quelques filles qui ont connu cette expérience. Depuis le début, [l'effectif] a très peu évolué. Là, il y a eu deux changements de dernière minute, sur blessure, la petite Manon Revelli qu'on avait vu en tout début de saison en stage et qu'on n'a pas revu après (la joueuse a été sélectionnée pour le Tour Elite). Mais dans l'ensemble il y a quand même un noyau qui est là depuis le début de saison. Ça travaille bien et c'est une équipe qui évolue bien. 
 

CDF - On peut dire que la qualification est à votre portée pour cet Euro, hormis le Portugal, car c'est un gros morceau (U17 éliminées par le Portugal il y'a moins de 4 jours) ou rien n'est joué ? 

G. E. - Je pense que toutes les équipes doivent être bien [en forme], autant le Portugal parce qu'elles arrivent gonflées [à bloc] par le résultat de leurs U17 (qui ont éliminé la France lors du Tour Élite pour l'Euro U17 cette année). Effectivement, c'est une motivation supplémentaire pour elles, mais je pense qu'il va y avoir la Slovénie aussi qu'il faudra bien surveiller, parce qu'elles sont quand même sorties de leur tour de qualification avec trois victoires en Suède, donc je me méfie un peu de tout le monde et surtout de nous. 

Je sais que l'équipe est capable de faire de très très belles choses, mais aussi de passer complètement à côté. Le risque est plus à ce niveau-là. Le dernier tournoi à La Manga est symptomatique de cela. On fait un superbe match contre les États-Unis et après derrière c'est une catastrophe contre l'Italie. C'est plus sur nous qu'il va falloir qu'on se concentre, qu'on soit vigilant et qu'on travaille.  
 

CDF - Aujourd'hui est-ce qu'on peut dire que la déception du mondial U20 est passée ou pas encore ? 

G. E. - Non, c'est passé. On est passés à autre chose, on est sur le prochain Mondial. L'objectif c'est d'être sur le prochain Mondial en 2020. Cela passe par une qualif' aujourd'hui et la présence à mon poste durant tout le parcours. On est passés à autre chose, moi le premier, la chance aussi dans le sport c'est qu'il y a différents rendez-vous et une fois qu'un est passé, il y a en a d'autres qui arrivent. C'est ça qui est intéressant. 

 

CDF - Pour évoquer du cas Katoto, est-ce que le fait qu'elle n'ait pas été appelée en A comme Karchaoui avait pu l'être rapidement avant la Coupe du Monde U20 en décembre 2016 par exemple (11 avril 2016) qui a joué sur son état d'esprit justement ?

G. E. - Non pas spécialement, cela ne vient pas spécialement de moi [qu'elle ne soit pas allée en A]. C'était une décision qui avait été prise par Corinne [Diacre], qui avait dit à l'époque que pour Marie-Antoinette et les autres d'ailleurs, c'était le mondial U20 en priorité, et qu'il y avait le temps pour la A. 

Elle avait tout à prouver et le Mondial U20 était une étape pour cela. Est-ce qu'elle l'a mal vécu ? Je ne sais pas. (blanc) On ne refera pas l'histoire, mais on se rend compte quand même qu'elle est surprenante parce qu'on connaît tous ses qualités, son potentiel et elle est capable de faire des choses intéressantes, comme elle est parfois transparente sur certains matches. 

Face à Lyon par exemple, elle traverse le match sans rien faire, mais vraiment rien faire. Ce qu'elle a pu faire avec nous [au Mondial U20], voilà c'est frustrant pour l'encadrement, pour les coéquipières, pour tout le monde parce qu'on se dit qu'il y a du talent et ce talent se perd. 

C'est avant tout à elle et à son entourage [de voir]. Je ne sais pas ce qu'il faut faire. Mais c'est vrai que je comprends Corinne [Diacre], on attend autre chose [de Katoto]. Comme nous on en a attendu au mois d'août [à la Coupe du Monde en Bretagne]. C'est très frustrant parce qu'on est malheureux à la fois pour elle, parce que c'est sa carrière. Je veux dire que nous ça nous pénalise et ça pénalise l'équipe, mais c'est sa carrière qui [est affectée], c'est très bizarre. 

 

CDF - Qu'est-ce qui est le plus important à inculquer aux jeunes selon vous ?  

G. E. - C'est déjà que la joueuse prenne du plaisir, mais ce plaisir doit être lié à l'équipe, au groupe, c'est avec le plaisir collectif [qu'on s'épanouit]. Le plaisir collectif est souvent plus riche et plus important que le plaisir individuel, et je pense qu'il faut absolument [que les filles l'assimilent]. 

On en a encore quelques-unes qui font passer leur plaisir à elle, avant celui de l'équipe et je pense que c'est une erreur. Donc c'est un petit peu le discours que je vais tenir au groupe avant de démarrer la compet'. Elles ont le droit de s'éclater sur le terrain, mais il ne faut jamais qu'elles oublient que ça sera plus riche si elles le font toutes ensemble. C'est un petit peu ce qui nous manque par moment. On a un groupe de qualité, mais qui ne joue pas toujours forcément sur le même registre et en même temps. 
 

CDF - Est-ce que les jeunes sont plus maniables selon vous, que des seniors ou c'est l'inverse ?  

G. E. - Je pense que c'était plus facile jusqu'à maintenant chez les jeunes, me semble-t-il, mais ça évolue. Aujourd'hui comme tous les jeunes, on veut aller vite, on veut voir plus vite, on se voit déjà plus haut, sans ne rien avoir prouvé jusqu'à maintenant. On sent bien qu'il y a une impatience, mais il faut du temps, il faut être patient. Inculquer la patience ce n'est pas évident. Des fois, il vaut mieux prendre son temps pour aller plus loin, mais aujourd'hui on veut tout vite et tout de suite. Il faut s'y habituer [de notre côté à ce genre d'ambition] (rire jaune).  

Aujourd'hui avec cette époque, les réseaux... les choses vont plus vite, il faut s'adapter [de notre côté] sauf qu'il faut rappeler que parfois il faut savoir aussi prendre un peu de temps, passer par la communication entre elles, plus que par les téléphones, mais dans l'ensemble on n'a pas de gros soucis. 
 

CDF - Justement j'aimerai évoquer aussi du cas de Selma Bacha, qui évolue très vite, qui a déjà eu cette expérience exceptionnelle en Ligue des Championnes avec le titre au bout. Est-ce que c'est une joueuse qui peut être appelée en A, ou est-ce qu'il ne faut pas aller trop vite avec elle également ?  

G. E. - Non elle prouve qu'elle est du niveau [pour la A]. Je pense qu'elle manque un peu de maturité, elle est jeune, elle est pleine de fougue, elle me fait penser à Sakina [Karchaoui], au tout début aussi, c'est un peu le même profil [dans le jeu]. 

Aujourd'hui [je pense qu']il y a déjà du monde sur le poste, que ça soit [Amel] Majri ou Sakina, mais pourquoi pas si l'une se blesse, ça peut être une opportunité. C'est une joueuse qui justement pourrait prétendre à une place [en A]. Dans le groupe U19 aujourd'hui c'est l'une des joueuses, comme je pense Maëlle Lakrar (…), qui sont capables de jouer la Coupe du Monde [en A]. 

 

CDF - Quand on voit Mallory Pugh marquer contre la France et qui a joué un grand rôle aux Jeux Olympiques de 2016 par exemple, Ellie Carpenter coqueluche en Australie, ça ne donne pas envie de le voir en France également ? 

G. E. - Je pense qu'elles pourraient jouer en senior aussi, mais c'est toujours pareil. Quand on voit Maëlle qui est une joueuse qui serait peut-être dans n'importe quelle autre équipe nationale, en A, c'est vrai que là il y a de la concurrence aussi, entre Griedge [Mbock], Wendie [Renard] et Aissatou [Tounkara], c'est difficile. Pourtant elle joue à Montpellier en D1, de manière régulière. 

Après, est-ce que c'est une joueuse qui peut jouer sur un autre poste ? Elle a un joli profil, je ne suis pas sûr qu'elle sera pour toujours une défenseure centrale. C'est peut-être aussi un profil de latérale [et] ce sont quand même des filles de qualité. 
 

CDF - Aujoud'hui l'objectif c'est le titre à l'Euro U19 en Écosse, avant de se projeter à nouveau sur la Coupe du Monde U20 ? 

G. E. - Oui bien sûr, c'est l'objectif qu'on s'est fixé avec le groupe. [On vise] 2020, et je sais que ça passe par des étapes. 

 

 

Dounia MESLI