Avant France/Nigeria, Gaetane Thiney est longuement revenue sur le début de la compétition des Bleues et de leur marge de progression, avant ce match fatidique face aux Nigeriannes, ludni prochain au Roazhon Park de Rennes.

 

Comment allez-vous aborder le dernier match contre le Nigeria avec la qualification déjà acquise en huitièmes ?

De la même manière que les autres matches, concentrées sur notre performance. Je pense qu'on est dans une compétition où on doit monter en puissance donc le match du Nigeria ça en fait partie. Donc on l'a appris assez tard, j'étais déjà endormir, je ne l'ai appris que ce matin, mais c'est une très très bonne nouvelle puisqu'on est très heureuses d'être qualifiées, maintenant il faut continuer à se concentrer sur nos performances.

 

Est-ce qu'on peut impliquer plus de joueuses, et faire tourner l'effectif pour ce troisième match, sachant qu'il n'y a pas d'élimination plausible, même en cas de défaite ?

Ça c'est le choix qui appartient à la coach, pour l'instant nous les joueuses ont reste concentré, il est de toute manière évident que les 23 joueuses sont concernées pour tous les matches. Après ce sont des choix, puisqu'il y a une réflexion par rapport à la préparation physique, par rapport au jeu, par rapport à l'adversaire et tout ça, ça appartient au staff. Nous on est prêtes et on continue dans notre lancée.

 

Est-ce que vous avez bien récupéré de ce match, sachant que ça a été un match difficile contre la Norvège ?

Oui, ça a été un match avec beaucoup d'intensité et aujourd'hui on est dans une période de récupération. Hier c'était une journée de voyage et puis on a enchaîné avec la cryothérapie, avec une séance de récupération, et encore cette après-midi pour récupérer. L'objectif entre chaque match, c'est celui-là d'être très concentrées sur la récupération et c'est ce qu'on fait, donc c'est très bien comme ça.

 

Beaucoup de temps de repos entre les matches, est-ce que vous préférez jouer ou vous reposer ?

Moi personnellement (rires). Encore une fois c'est des discussions que le staff ont entre eux, on a fait une grosse préparation athlétique [en amont du mondial], qui va faire qu'on va monter en puissance pendant la compétition. Donc est-ce qu'il faut jouer ou pas jouer pendant 10 jours, ça c'est leur réflexion, dans tous les cas. Il y aura un travail compensatoire athlétique je pense, donc la réflexion ne se pose pas. Moi en tant que joueuse, j'ai envie de jouer tout le temps, c'est à dire que même hier à l'entraînement, j'avais envie de jouer avec les filles qui jouaient et pas récupérer, donc c'est une question qui se pose pas, puisqu'on joue au foot pour jouer et pour prendre du plaisir sur le terrain, mais dans tous les cas on sait que parfois il faut faire des choix, et on acceptera les choix qui seront faits par la coach.

 

Sur l'apport du public

Oui je pense vraiment qu'on a une chance extraordinaire de vivre cette Coupe du Monde en France. Alors en Bretagne, ça fait quelques années où on est très très bien reçus. Le public breton est très branché foot féminin, et on sait qu'il va y avoir une superbe ambiance. Pour nous joueuses c'est toujours des moments extraordinaires et on a hâte d'être à ce match. On sait qu'il faut récupérer un petit peu [avant] mais il est évident que le public nous permet de nous dépasser et à chaque match de voir encore plus loin.

 

Sur son rôle sur le terrain et son évolution

Dans l'approche qu'on a des matches, mon rôle il est d'abord de permettre à l'équipe d'être en place sur le plan défensif, puisqu'on a un grand grand rôle à jouer, que ça soit avec Valérie [Gauvin], avec Kadi [Diani] sur ces deux premiers matches dans l'animation défensive, ou on doit empêcher la relance donc je dépense beaucoup d'énergie dans ce domaine et pour ce qui est de l'animation offensive, l'objectif c'est d'essayer de me trouver entre les lignes. Après selon les adversaires on a eu un jeu qui a été beaucoup sur les côtés, mais j'ai envie de dire que ça soit c'est aussi les clés qu'on trouve par rapport aux adversaires qui nous sont proposés. Pour ma part je dépense beaucoup d'énergie et ce que je veux c'est que l'équipe gagne et c'est le cas. On va continuer dans ce sens et monter en puissance. 

En ce qui concerne mon évolution, ça dépend aussi des choix tactiques et de la philosophie des coachs. Selon les coachs on a joué de manière différente, avec Bruno Bini je jouais à gauche, et je rentrais intérieur en deuxième 10, avec Philippe Bergeroo je jouais attaquante, dans un 4-4-2, avec deux attaquantes devant. Là je suis dans un rôle où je maintiens un peu plus équilibre de l'équipe, qui est différent et qui peut évoluer parce que notre équipe elle va progresser pendant la compétition. J'essaye de faire le lien entre les lignes, entre l'axe et le côté, donc mon évolution elle est dépendante aussi des coachs.

 

Son rôle au sein de l'équipe vis à vis des jeunes

Déjà vivre cette Coupe du Monde pour moi, je le prends très très positivement, car ce sont des moments uniques, qu'on peut partager et vivre qu'une seule fois donc je suis très très heureuse. Les jeunes elles découvrent comme moi, même si c'est ma troisième Coupe du Monde, c'est ma première à la maison, donc je n'ai rien à leur apprendre. On découvre les choses ensemble et j'ai rien à leur rappeler, ni leur dire qu'on était anonyme [au départ], elles le savent déjà, elles connaissent l'histoire de notre équipe et on n'est pas là pour ça, et on est là du bon temps ensemble, pour progresser et se dépasser ensemble, c'est ça le plus important.

 

Sa relation avec Eugénie Le Sommer face à la Norvège et avec Valérie Gauvin en deuxième période où vous étiez un petit peu plus proche ? 

Avec Eugénie ça fait 10 ans qu'on joue ensemble, donc on se connait par coeur. Après je pense qu'on a beaucoup d'automatismes sur ces deux premiers matches. Je pense qu'on peut encore mieux faire, et on se le dit d'ailleurs, mais c'est aussi les adversaires qui nous posent des problèmes parce qu'ils ne sont pas si bêtes et ils regardent aussi les vidéos et ils essayent aussi de bloquer les connexions qui fonctionnent bien. Donc l'objectif c'est aussi que ça s'améliore encore et comme dans toute compétition, j'ai envie de dire, que ça soit chez les filles ou les garçons, les premiers matches de poules c'est souvent comme ça. Donc il faut nous laisser le temps de continuer, de progresser et d'être encore plus performantes. 

Et avec Valérie en deuxième mi-temps, c'était encore mieux, avec Kadi [Diani] en première mi-temps, on s'est trouvées aussi plusieurs fois, donc ça commence à prendre du sens et il va falloir travailler. Pendant une compétition une équipe progresse et il y a des contextes qui font qu'on joue d'une manière, après on joue d'une autre manière, mais ce qui est sûr c'est qu'on est en pleine forme, on est très heureuses, et on sait qu'on a une marge de progression et ça c'est le plus important quand on sait qu'on a deux victoires, six points sur six. Il faut quand même regarder tout ce qui est positifs et ça c'est très positif.

 

Avez-vous eu le temps de regarder les autres matches et que pensez-vous du niveau global de la compétition ?

Oui on prend le temps de regarder les autres matches et on se rend compte que ce sont des matches très très serrés. Quand on voit Allemagne/Chine, Allemagne/Espagne, avec des scores très serrés, le Brésil hier qui gagnait 2-0 et qui perd finalement 3-2... C'est des scores très très serrés et c'est pour ça que je disais ça après le match [contre la Norvège], en France on aime bien chercher un peu ce qui ne fonctionne pas, mais on a gagné les deux matches, et on peut pas gagner 4-0 tous les matches. Le football ça fonctionne pas. Alors je sais qu'il faut écrire, décrypter, analyser [chez les médias], ça je l'entends, je sais qu'il y a plein de marge de progression, ça je l'entends aussi, mais si on regarde les autres nations, l'Australie qui est une grosse nation du foot féminin, qui perd contre l'Italie, ce sont des signes forts [de ce changement des favoris dans le football]. Les Pays-Bas qui sont championnes d'Europe qui gagne à 92e minute difficilement [face à la Nouvelle-Zélande]. Il y a plein de petits signes comme ça, donc il faut aussi être patients et se rendre compte qu'une Coupe du Monde, ce sont des matches où les équipes ne lâchent rien de la première à la dernière seconde.

 

Il y a eu une petite polémique, au sujet de Marion Torrent suite à une petite phrase qu'elle a dite sur Mitroglou (sur le fait qu'il y ait joué au Parc des Princes comme Ronaldhino). Est-ce que vous êtes prête à recevoir cette autre facette de votre nouvelle popularité, d'être aussi exposé à ce genre de choses et comment est-ce que Marion l'a vécu ?

(rires) Je vous le dis comme ça ça sera fait si je reviens en conférence de presse, je lis pas et je vois pas ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Moi je suis vraiment dans ma bulle, j'ai envie de profiter de cette Coupe du Monde pleinement, avec ma famille, avec mes amis, mais tout ce qui est presses/médias je ne suis pas tous ces buzz là, donc je ne suis pas au courant. J'en ai vaguement entendu parler, mais je ne sais pas le fond de l'histoire, je sais que ça faisait rires tout le monde, mais non il n'y a pas de buzz. Est-ce qu'on est prêtes [à gérer cette facette-là] oui il faut l'être, ça fait partie du job. Encore une fois je ne refuse pas mon job, c'est pas parce que je lis pas, je regarde pas... Ça fait partie du job, moi je vous réponds avec beaucoup de sincérité et d'honnêteté. Maintenant je sais que ça fait partie aussi de l’environnement, il faut l'accepter, donc je l'accepte. Il n'y a aucun problème, il faut juste avoir confiance en soi et continuer à avancer, savoir pourquoi on est là. Les médias en ont a besoin, parce que ça nous fait une couverture merveilleuse et du coup comme dans la vie, on a les défauts de ses qualités, donc il faut accepter que parfois il y a des petits buzz.

 

Sur ce fait là précisément, ce sont les réseaux sociaux...

Oui mais il faut s'y habituer de toute façon. Moi les réseaux sociaux je communique dessus. Après tout ce qui est lié aux commentaires, ou tout ce qui se passe autour, il faut faire très attention, parce que c'est assez complexe. On les utilise pour communiquer, on devient notre propre média, et je pense qu'il faut pas se perdre dans la lecture des commentaires, dans tout ce qui peut tourner autour de ça, parce que, moi je connais @fafa22, @cecedu12, donc après je comprends, chacun à son avis et je le respecte, mais moi quand je parle, je m'appelle Gaetane Thiney, on sait que c'est moi donc il faut assumer ses propos. Je pars pas là-dedans, je comprends, c'est un phénomène de société, tout le monde à le droit de s'exprimer, très bien, mais j'en tiens pas compte.

 

Est-ce que les Bretonnes du coin (Griedge Mbock et Eugénie Le Sommer, ndlr), parlent de ce match France/Nigeria ?

Non pas trop, alors après on sait très bien qu'elles sont Bretonnes, (sourire), on le sait parce qu'on vient souvent en Bretagne, je ne sais pas si y'a un lien, ça fait quelques années, je comprends pas, mais on vient souvent en Bretagne et donc ça arrive souvent que les Bretonnes viennent ici. Donc je pense qu'elles sont presque habituées et je pense qu'elles sont très très heureuses, évidemment et je suis heureuse pour elles. C'est toujours beaucoup d'émotion de venir jour sur sa terre natale, on sait qu'il y a beaucoup beaucoup de monde, qui vient nous voir, des amis, des connaissances, donc je suis très contente pour Eugénie et Griedge. Et si ça les rend encore plus performante, parce qu'elles le sont déjà, alors je serais la plus heureuse.

 

L'importance de rencontrer le public de Rennes ?

Oui c'est important, mais je pense aussi pour les jeunes, nous on est très très heureuses. Nous quand on fait une compétition, on passe d’hôtel en hôtel, on va à l'entraînement, on récupère, on va en soin, on récupère, donc rencontrer "l'énergie" des enfants, c'est extraordinaire pour nous, ça nous permet de voir du monde, ça nous permet de discuter avec eux, ça nous permet de les faire rêver aussi, parce que c'est assez drôle à voir, mais ils sont très très heureux de nous rencontrer donc ce sont des supers moments et on est très très heureuses de le vivre avec eux.

 

Est-ce que votre rôle ressemble un petit peu à ce que vous faites en club avec le Paris FC, c'est à dire à marquer des buts ou c'est un petit peu différent ?

Moi ce que je veux c'est que l'équipe marque des buts, alors après on peut débattre sur ça. J'ai envie de marquer évidemment mais je suis très heureuse aussi de faire un appel au premier poteau et de permettre à Eugénie [Le Sommer] de marquer, très heureuse de faire un écran au premier poteau et de permettre à Valérie [Gauvin] de marquer... Ça ne me pose pas de problème, mais je serais très heureuse quand je marquerais un but et j'espère qu'il arrivera au bon moment et j'espère que ça sera un moment extraordinaire. Mais je me prends pas du tout la tête avec ça, j'imagine que vous aimeriez bien que je marque plus de buts, mon père aussi, mais encore une fois pour l'équipe je n'ai pas eu la possibilité de le faire, mais j'espère que je l'aurai dès le prochain match, tout simplement. 

 

Est-ce que vous ne craignez pas que l'engouement et l'attente ne se transforment pas, en inconvénients et que ça augmente la pression sur vos épaules par rapport à l'objectif final ?

Surement, oui, l'engouement va augmenter la pression, mais encore une fois, nous on est des compétitrices, donc dans tous les cas qu'on soit dans l'anonymat ou avec du monde, ce qu'on veut c'est gagner la compétition. Vous savez on a perdu des compétitions, moi je suis rentrée chez moi, je suis partie en vacances, je dormais pas, j'étais pas bien... Qu'il y ait de l'engouement ou pas, on se donne tous les jours les moyens d'être performantes, on travaille tous les jours, on pense à ça, jours et nuits, donc qu'il y ait du public ou non, la pression on se la met toute seule, dans le sens où on a envie d'être performantes, on a envie de gagner. Après qu'on partage notre tristesse ou nos joies avec du monde ou pas, ça on le vivra pour la première fois. Et encore une fois, chaque jour on a un nouveau cadeau et il est bien emballé ou pas, tout simplement.

 

59% des téléspectateurs étaient dans la tranche 4/14 ans. Qu'est-ce que vous souhaitez faire passer comme message à tous ces enfants ?

C'est simple comme question à 8h30 du matin (sourire). Déjà je suis très heureuse de l'apprendre parce que je n'avais pas ces précisions, mais ce qu'on veut passer comme message aux enfants, c'est du plaisir. Quel message le football fait passer ? Que le football c'est du plaisir, de la mixité, du respect, de la tolérance... Ce sont les messages du football, et le foot est universel pour ça. Nous quand on joue sur le terrain, on ne pense pas à ce qui nous regarde tout le temps, on pense à être naturelle et à se donner à fond. Après ce que ça dégage, ce que ça donne comme valeurs, j'espère un maximum de valeurs positives et j'espère qu'elles sont relayées au maximum, pour qu'une petite fille elle puisse aller jouer au foot tranquillement, sans se poser la question, et qu'un petit garçon soit très heureux de voir une petite fille qui vient jouer au foot. Mais je pense que c'est de plus en plus le cas, donc on se prend pas forcément la tête pour ça.

 

Qu'est-ce que ça vous fait d'être devenues des portes-drapeaux de causes ?

Bah rien, de toute façon dans deux mois il y a la Ligue 1 qui reprend (rires) Donc ça sera autre chose, et puis après il y aura la Ligue des Champions et puis voilà. Donc je ne vais pas dire qu'on est très heureuses, on suit le mouvement, c'est vrai qu'on est partout, je lis rien, mais je suis pas bête, et je vois bien, je reçois des textos et même quand ma famille vont à l'intermarché, ils me voient, donc ils me voient partout, que ça soit chez les sponsors, dans les médias et il est évident qu'on est partout, qu'on porte des sujets de société qui nous dépassent un petit peu, puisqu'on est là juste pour jouer au foot mais quand on est ambassadrices et quand le sport devient aussi ambassadeur de certaines valeurs et de nouveautés pour la société [de certaines causes], on est obligées aussi de les assumer, donc ça je pense que ça sera après la Coupe du Monde, où on aura des discussions un peu plus profondes sur ces sujets-là. Aujourd'hui ce qui est important c'est qu'on bat le Nigeria, qu'on aille en huitièmes, en quarts, en demi et en finale. Je pense qu'il y aura beaucoup d'entretiens après [Coupe du Monde]. Aujourd'hui franchement on va parler que football et ça sera déjà très bien, parce que le football ça fait beaucoup parler.

 

Photo : Mickael Guay

Dounia MESLI