Élue gardienne de la pré-saison et de fin de saison avec son club de l'UNOH par la WHAC, Romane Salvador à seulement 19 ans a déjà remporté deux championnats U19 avec le PSG face à son ancien club, l'OL. Pro dès l'âge de 17 ans, la jeune joueuse a dû vite apprendre à compter sur elle-même. Après avoir appris pendant 10 ans son poste en France, Romane Salvador décide de tenter l'expérience américaine en septembre dernier pour pouvoir conjuguer sa passion et ses études. Aujourd'hui elle rêve de jouer en NWSL, tout comme une autre française qui l'a réalisé Amandine Henry. Portrait d'une joueuse qui a réussi à s'aguerrir dans son jeu mais aussi mentalement pour surpasser les passages difficiles.

 

 

Coeurs de Foot - Est-ce que l'expérience américaine c'est bénéfique ou est-ce que c'est du chiqué ? 

Romane Salvador - Tout dépend de pourquoi on y va. Moi je suis partie parce que j'ai signé pro à Paris très tôt et j'avais pas forcément la possibilité de faire mes études [à côté]. Du coup j'y suis allée notamment pour avoir un diplôme et pouvoir allier les deux. En France, être professionnelle dans un grand club et faire ses études en parallèle, c'est un peu compliqué quand même.

 

CDF - Quelles études tu fais aux Etats-Unis ?

R.S. - Je suis en sport marketing et management. Ce sont des études qui s'étalent sur quatre ans. Je maîtrise l'anglais donc ça va et j'ai une bourse, donc je ne paye rien. Après on est dans "la compétition", alors les résultats comptent beaucoup.

 

CDF - Quelles sont les côtés positifs et négatifs selon toi de jouer aux Etats-Unis ?

R.S. - Je parle pour moi et par rapport à mon expérience que j'ai eue en France. Le côté positif ici aux Etats-Unis, c'est qu'ils sont très prévenants, ils font tout pour t'aider, ils t'accompagnent dans ce que tu fais, et pour moi en France, pas du tout. J'en ai beaucoup souffert en France. Ils sont plus dans "je te rentre dedans" pour voir jusqu'où tu en as dans la tête. Tandis qu'ici ils t'accompagnent et ils font tout pour que tu réussisses, et c'est ce que les Françaises qui sont avec moi pensent aussi.

 

CDF - J'avais discuté avec Amandine Henry à ce sujet, sur la différence entre la France et les Etats-Unis et contrairement à toi en NWSL, elle n'était pas vraiment "encadrée". Donc par rapport à ton expérience universitaire c'est complètement différent.

R.S. - Oui parce qu'elle était en pro, tandis que moi je suis qu'en universitaire. Après on mange aussi ce qu'on veut, avant les matches etc (rires)

 

"La saison est très intense, mais très courte."

 

CDF - Tu es en deuxième division universitaire...

R.S. - Je suis en NAIA (National Association of Intercollegiate Athletics). Je n'avais pas assez de crédits pour jouer en NCAA II. Donc je devais faire un an [en NAIA] pour avoir 24 crédits et pouvoir être transférée. A la fin de l'année je serais transférée en NCAA division 1. Je ne sais pas encore dans quelle FAC je vais me diriger. La NAIA c'est un niveau parallèle mais il est vraiment pas mal. J'ai eu du mal à comprendre le système au départ.

Je suis arrivée en août et j'ai commencé en septembre et on a fini début décembre [notre championnat]. Maintenant on fait muscu et on court pendant 6 mois (sourire), mais il n'y a plus de compétitions. On va avoir des matches amicaux dans 3 mois mais sinon c'est tout.

Mine de rien pendant un très court laps de temps, j'ai fait 26 matches en trois mois, sachant que j'ai fait tous les matches en tant que titulaire, donc 90 minutes et ce qui est bien c'est qu'on se met en forme physiquement. On joue, on s'entraîne, on prend du plaisir quand même. La saison est très intense, mais très courte.

 

CDF - Qu'est-ce que tu retiens de cette expérience alors ?

R.S. - Franchement ? (elle réfléchit) J'ai jamais eu autant "de temps de jeu" (rires) J'ai archi progressé dans tout, ils m'ont bourrée de confiance, ils m'en ont donné énormément donc j'ai repris de la confiance en moi. Chose que j'avais un peu perdu à Paris...

 

CDF - Alors que tu avais gagné la finale U19 en juin 2017 ?

R.S. - Oui en U19 j'étais confiante, mais après quand j'étais au-dessus [en D1] c'était un peu autre chose. On est laissé un peu de côté [en tant que troisième gardienne] (il y avait Katarzyna Kiedrzynek et Ann-Katrin Berger devant elle). Donc c'est un peu dur à vivre au quotidien, c'est pas facile tous les jours de s'entraîner tous les jours et de faire comme si tu n'existais pas [dans l'équipe]. Donc j'ai perdu un peu confiance en moi. Ici j'ai dû montrer ce que je valais.

 

CDF - Mais tu ne laissais rien paraître pourtant quand on te voyait quelques fois et notamment durant cette finale U19 face à Lyon la saison dernière avec le PSG...

R.S. - C'est dur (léger rire). Il ne faut pas [montrer ce qu'on ressent vraiment]. Ce n'était pas évident tous les jours mais comme je t'ai dit j'ai signé très très tôt en pro avec Paris, j'avais 17 ans. C'est l'âge où on a pas encore le recul ou l'intelligence pour s'aguerrir sur sa carrière on va dire et être prête mentalement à encaisser certains moments. Et là j'ai que 19 ans encore (rires).

 

"J'ai mûri très vite [dans ce milieu du football]"

 

CDF - Mais tu dégages beaucoup de maturité pourtant...

R.S. - Oui j'ai l'habitude d'être avec des grandes, donc j'ai mûri très vite [dans ce milieu du football]. Il faut pour s'adapter et s'imposer, bien sûr.

 

CDF - Tu avais été interviewée en plus sur le terrain par la FFF tout juste après le dernier tir lyonnais et la joie de tes coéquipières lors de cette finale gagnée en U19 (la seconde victoire consécutive pour elle et le club).

R.S. - Oui ils m'ont interviewé, j'étais en larmes, j'en pouvais plus, je me suis dit "pourquoi ils m'interviewent moi" (rires).

 

Lors de la séance de penalty,

je me suis dit "si tu ne l'arrêtes pas c'est mort"

 

CDF - T'étais quand même l'héroïne du match...

R.S. - C'était dur... Je pense que c'était le meilleur moment que j'ai vécu dans ma vie. J'en pouvais plus. Lors de la séance de tirs au but, je me suis dit "si tu ne l'arrêtes pas c'est mort" [pour la deuxième victoire d'affilée]. (rires)

 

"Mon passage à Paris m'a permis

de vraiment progresser mentalement"

 

CDF - En plus tu as fait ta formation à Lyon.

R.S. - Oui j'ai fait 8 ans à Lyon, ensuite j'ai joué 2 ans à Paris en D1 et U19. Maintenant je suis là. Mon passage à Paris m'a permis de vraiment progresser mentalement, dans ma tête, dans tout. J'ai acquis des bases professionnelles. Donc ça m'a vraiment forgée.

 

CDF - Alors pour revenir sur les Etats-Unis. Qu'est-ce que ce passage avec l'UNOH t'a permis d'améliorer dans ton jeu en particulier, même si ce n'est pas terminé ?

R.S. - Le truc c'est qu'ici je suis gardienne...mais ils s'appuient énormément sur moi. Par exemple, lors d'un match j'ai fait une passe décisive. Quand on est en galère, les filles passent par moi et je dois essayer de faire la dernière passe pour le but, donc ils s'appuient vraiment sur moi, par rapport à l'orientation du jeu. J'emmagasine beaucoup de confiance grâce à ça et ça m'a permis de tenter des choses, j'ai pas peur d'y aller quoi.

 

CDF - Mentalement tu dois être encore plus préparée grâce à ton expérience aux Etats-Unis, même si ça doit être plus difficile pour toi ?

R.S. - Le fait d'être loin de ma famille c'est pas facile tous les jours, parce que j'ai que 19 ans mais là ça va de mieux en mieux. J'ai eu une période d'adaptation. Mais ça forge. Après j'ai des journées très longues, je vais en classe, je vais à l'entraînement, je dois bosser mes cours, je dois faire les matches...

Mais j'ai eu de la chance parce que j'ai su faire mes preuves, et la deuxième gardienne n'a pas joué une minute, ce qui veut dire que j'avais vraiment la confiance de mon coach et de mon équipe.

 

CDF - Y'a une certaine culture de la gagne à tout prix aux Etats-Unis ?

R.S. - Forcément oui, tu dois te donner à fond tout le temps pour avoir ta place, sinon ça va vite. On a tout gagné, sauf les qualifications pour les nationaux où on a perdu en demi-finales. On a terminé 3e quand même.

 

CDF - Qu'est-ce qui différencie la France des Etats-Unis selon toi ?

R.S. - Au niveau du jeu déjà, ça n'a rien à voir. Ils sont beaucoup dans l'athlétique ici, il faut savoir être endurant. On est pas aussi tactique qu'en France. Mais j'ai de la chance d'avoir un coach anglais, donc il a une culture du football très européenne et de ce fait on est très techniques dans l'équipe.

Ici on est archi proche du coach, du staff, tandis qu'en France c'est pas vraiment comme ça, mais peut être que ça dépend des coachs. Ici ils sont plus dans le relationnel.

 

CDF - Quels sont tes prochains objectifs alors ? Revenir en D1 après avoir pris de l'expérience aux Etats-Unis...

R.S. - Alors mon objectif premier c'est de terminer mon cursus, donc mes trois prochaines années en NCAA Division 1, et de me faire drafter (être choisi par un club) en NWSL juste après.

 

CDF - Le rêve américain tu le vis bien ou tu regrettes la France...

R.S. - Ah non à un moment j'étais à un point où j'en avais marre en France, et franchement ici je reprends du plaisir. A Paris j'ai fait la finale, mais j'ai joué que 4 matches dans l'année en U19 (et 0 en D1). 

Non je n'avais pas de gardienne "devant moi" mais je me suis beaucoup blessée et psychologiquement j'étais pas au mieux de ma forme...

 

CDF - Et quel est le club qui te fait rêver pour jouer alors en NWSL ?

R.S. - Celui qui me fait rêver mais je n'y crois pas (sourire), ça serait Orlando ou Portland.

 

Photo : Giovani Pablo

Dounia MESLI