Arrivée à Soyaux cette saison, l'Yvelinoise Pamela Babinga a connu une ascension assez fulgurante, atypique jusqu'à l'élite du Football. Décrochant une médaille d'or face au Brésil l'été dernier, lors de la Coupe du Monde militaire, qui s'est jouée en Bretagne. Un succès qui va la hisser tout en haut, en D1 Feminine. Passant du bleu français, au bleu sojaldicien. Interview d'une joueuse discrète, qui a su faire ses preuves dans le haut niveau et qui sait ce qu'elle veut.

 

Pour commencer, j'ai vu que tu as débuté au FC Mantois, et que tu as joué en D2 à 24ans avec Aurillac ? T'es originaire des Yvelines, mais tu es descendue en Auvergne pour jouer en D2 ? En plus c'est à Aurillac où tu vas exploser avec ces 15 buts en 21 matchs, et en étant titulaire. Qu'est-ce que tu peux nous en dire de cette étape là de ta carrière ?
P.B. - Oui, c'est ça [au FC Mantois puis à Aurillac]. Oui bah oui faut tenter le coup (rires).

Bah ça a été une saison assez compliquée au début, parce qu'on a eu le décès de notre coach au premier match de notre championnat à Dijon. Donc ça a été difficile, on été un peu perdue. Même si ça faisait que deux mois que j'étais là bas, on avait quand même nos repères avec lui et en plus de ça il nous avait hébergé quand on est arrivées, le temps qu'on trouve un appartement donc ça a été assez compliqué [à vivre]... Mais après on a su rester soudées entre nous les filles et puis le club aussi nous a beaucoup soutenu. Quand on avait besoin de parler avec eux, ils étaient là pour nous. Et je pense qu'on étant solidaires comme ça, ça nous a permis de faire une bonne saison [avec Aurillac].

Toi tu dis dans une interview que tu ne t'attendais pas à marquer autant de buts avec Aurillac [D2] ? En tant qu'attaquante, tu es plus solitaire quand tu marques ou alors tu es plus jeu en équipe ?

P.B. - C'est ça. Je suis une joueuse qui sort de la DH donc la D2 c'est un niveau au-dessus et on sait qu'il y a quand même un écart, donc je m'attendais pas à marquer autant de buts et exploser comme ça l'année dernière en fait.
Ça dépend des matchs en fait, dans certains je prenais le ballon et j'allais marquer et dans d'autres, je comptais sur mes coéquipières, sur des centres, des passes en retrait pour marquer. C'est au feeling, comment je le sens en fait. Si je le sens, je prends le ballon et j'y vais et si je le sens pas bah je préfère jouer avec mes coéquipières.

Comment tu as fait pour être détectée par Soyaux ?
P.B. - Bah en fait j'ai un agent donc du coup ils l'ont contacté lui. Je pense qu'ils ont réussi à me connaître par rapport à la Coupe du Monde militaire et apparemment ils suivaient aussi des matchs en D2. [Mais le succès en Bleue] ça a été un plus en fait [pour avoir ma place avec Soyaux].

 

"j'ai vite intégré le jeu de l'équipe"

 

Parce qu'en début de saison, on avait contacté le coach de Soyaux, Nicolas Goursat qui disait ça sur toi : «Elle a réalisé une saison très encourageante [en D2 avec Aurillac], c'est une attaquante qui va vite, qui a des aptitudes face au but que l'on n'avait pas forcément à Soyaux, cela peut amener une valeur ajoutée». Donc tout ça, ça s'avère juste aujourd'hui ?

P.B. - Oui... Après je bosse pour, parce que je pense que je me suis vite adaptée à la D1 et je ne pensais pas arriver à m'adapter autant comme ça. Mais j'ai pu vite prendre le rythme, j'ai vite intégré le jeu de l'équipe, et elles ont vu aussi les capacités que j'avais donc on a réussi sur le mois de préparation à s'entendre dans le jeu et puis au fil de la saison, ça fonctionne bien [entre nous toutes].

Donc comme tu l'as dit c'est ta première saison dans l'élite. Comment s'est passée ton adaptation au sein de l'équipe ? Le niveau, les entraînements ? Là tu es à 6 buts, ce qui fait de toi la deuxième meilleure buteuse après Laura Bourgouin. Je sais que vous devez former un duo fort ensemble, comment ça se passe ?
P.B. - Baaah ça a été, le groupe m'a super bien accueilli, le coach, le staff et les dirigeants autour aussi. Ils m'ont mis en confiance...Ils m'ont mis en confiance parce que je doutais en fait d'avoir le niveau de la D1. Mais tout le monde autour de moi me disait "t'es capable de jouer en D1, largement" mais moi j'y croyais pas. Donc ils m'ont rassuré par rapport à ça et au fil du temps grâce au staff, aux joueuses j'ai pris confiance en moi et ça l'a fait quoi.
Bah ça se passe super bien [avec Laura]. Après on a joué ensemble en Coupe du Monde militaire donc on se connait à peu près on va dire. On arrive à s'entendre sur le terrain, on se fait de bonnes passes. Après ça va tout seul quoi.

En parlant de Coupe du Monde militaire, ça a été l’événement le plus suivi sur Cœurs de Foot, ça a atteint près de 300.000 personnes sur Facebook. C'était un moment intense pour toi ?

P.B. - Bah c'est un événement de dingue. Coupe du Monde militaire et en plus ça se passe en France, que demander de plus.

Pour revenir sur toi, tu es une joueuse qui aime bien jouer sur les longs ballons, t'as une certaine facilité devant le but, tu es agile, avec une bonne détente mais tu es assez furtive, c'est à dire que sur un terrain on ne te voit pas vraiment et ça fait de toi une joueuse qu'on attend pas forcément à tel point que tu prends tout le monde à défaut. Est-ce que cette description ça te caractérise selon toi ?
P.B. - Bah oui...je pense. Merci (rires). En fait je suis la même sur le terrain que dans la vie de tous les jours. Je suis très réservée mais quand il faut exploser, j'explose et on m'entend pas forcément venir mais c'est un point fort. Après ça peut aussi mettre l'équipe en difficulté, quand il faut que je redescends presser ou aider en défense. C'est un peu des deux je dirais.

Bon alors on peut pas t'interviewer sans parler de la Coupe du Monde militaire un peu plus en détails. C'est sans conteste l’événement qui va marquer ton parcours. En plus tu es passeuse et buteuse en finale. Comment tu l'as vécu ?
P.B. - C'est un événement énorme, parce que, qui pensait que je ferais la Coupe du Monde militaire ? En tous cas pas moi. Et le fait qu'on m'ait appelé pour la faire, ça m'a fait énormément plaisir. Défendre les couleurs de son pays, porter ce maillot [Bleu] c'est une vrai fierté. Après on nous a appelé parce qu'on nous faisait confiance et qu'on a des qualités. On les a montré sur le terrain et on a remporté la Coupe du Monde.

 

Quand on est attaquante c'est un peu sur soit que tout repose, la victoire surtout, comment tu fais pour gérer quand ça rentre pas forcément, quand y'a des moments où on est pas forcément décisive ?
P.B. - Bah en fait comme je l'ai dit, je joue au feeling. Après je sais que ça arrive de rater des occasions devant le but, mais je sais que derrière j'ai le soutien de mes coéquipières. Je vais rater un but, elles vont pas m'en vouloir, m'enfoncer ou râler. Elles vont plutôt m'encourager, "tu l'as raté celle-là mais la prochaine elle sera dedans t'inquiète pas". Elles vont me pousser, pour ne pas baisser les bras, lever la tête et continuer à faire les efforts pour essayer de marquer d'autres buts. Ça c'est un point très très fort qu'on à avec l'équipe, à Soyaux et franchement ça fait du bien d'avoir leur soutien, comme ça, quand on a des moments difficiles.

En Coupe du Monde militaire tu as joué contre le Cameroun, le Canada et les Pays-Bas. Tu es de quelle origine ? Là j'ai vu hier, que l'équipe féminine du Congo était sortie du classement FIFA "en raison d’une inactivité prolongée". C'est triste de se dire que le Football féminin est délaissé dans son pays d'origine ?
P.B. - Je suis congolaise. C'est triste, après franchement ça aurait été bien [d'avoir un développement du football féminin], ça aurait peut être donné une certaine visibilité au pays et le faire avancer un peu plus. Mais après comme c'est difficile là-bas, au niveau du gouvernement entre autres, c'est assez difficile pour les filles de jouer au foot. Mais c'est dommage.

Pour parler de l'équipe de Soyaux, j'ai remarqué que vous étiez une équipe assez homogène, même si y'a quelques joueuses qui se détachent. Mais comme face à Hénin, est-ce que vous ne vous êtes pas fait marcher dessus ?
P.B. - On savait que le match à Hénin allait être très très difficile, parce qu'on savait qu'on était attendue, une D1 contre une DH [même si c'est une ancienne D1]. C'est beau être une DH sur le papier, je pense qu'elles ont le niveau D2, voir même D1. Du coup, je pense que le but qu'on s'est pris assez rapidement il nous a sonné, mais on s'est dit "on a eu un flottement, on était pas concentrées les 30 premières secondes, ok, on essaye de se reprendre et de tout donner [pour revenir]". Après c'est pas comme-ci on avait pas joué sur le terrain, on a eu pas mal d'occasions devant leur but, mais la réussite elle était pas vraiment avec nous ce jour là. C'est dommage, c'est le seul jour où il fallait pas [perdre] et puis c'est tombé sur nous. On a essayé de faire avec, mais c'est vrai que ça a été très difficile à accepter cette défaite.

J'ai demandé à l'une de tes coéquipières à Soyaux, Anna Clérac de te décrire et voilà ce qu'elle dit en gros sur toi : "Elle est très rapide, et a marqué des buts décisifs cette année notamment contre Marseille. En dehors du terrain, c'est une fille très discrète." Qu'est-ce que tu as à en dire ? T'es bien intégrée dans l'équipe ?

P.B. - Oui c'est ça, c'est ça (rires) c'est tout à fait ça. Je suis intégrée [à Soyaux] on est là on rigole, on discute mais c'est vrai que je suis assez réservée.

D'accord, parce que je sais qu'Anna Clerac, c'est à peu près cette personnalité aussi, d'être sur la réserve, un peu en arrière. Toi comme tu as plus d'années dans le foot on va dire, je sais pas si vous essayez de donner un peu votre expérience à ces joueuses pour qu'elles s'affirment un peu plus, sur le terrain ?

P.B. - (rires) Oui après Anna elle est super bien intégrée dans le groupe. C'est vrai qu'elle est aussi super discrète mais quand elle est là, on discute ensemble, c'est pas une discussion "questions/réponses". Je pense qu'avec l'âge elle se libérera un peu plus. Après moi je suis un peu discrète, c'est ma première année en D1, j'ai eu l'explosion en D2, j'ai fait la Coupe du Monde militaire, j'ai été pré-sélectionnée en équipe de France B. Ça c'est un tout, après je redescend petit à petit [de mon nuage]. Mais je pense que si je fais une autre saison en D1 avec Soyaux, je vais me lâcher. C'est le temps de s'acclimater à l'environnement D1, de penser à bien s'intégrer dans l'équipe. Je suis plus discrète dans mon coin pour ne pas prendre la grosse tête, de faire la star, parce que j'en suis pas du tout une. De dire moi je suis ci, j'ai fait ça, c'est pas moi du tout.

Alors j'ai vu aussi que tu voulais devenir entraîneure ? Est-ce que faire du foot c'était surtout pour avoir une connaissance du terrain pour toi ?
P.B. - Oui (rires) [je veux devenir entraineure]. A la base c'était plus du plaisir. Je jouais en bas de mon quartier avec mes grands frères, avec des amis et au fil des années ils ont vu que j'avais des capacités et ils m'ont poussé à intégrer l'équipe à côté de chez moi, qui était le FC Mantois. Du coup, mes frères ont en parlé avec mes parents, moi aussi et ils ont compris que c'était le foot et rien d'autre. Plus les années passaient et plus je me disais que je devais passer un cap, et essayer d'aller plus haut. Mais comme j'avais les études à côté, je ne pouvais pas, mais quand j'ai terminé, mon agent est entré en contact avec moi parce qu'on a une connaissance en commun. Il entendait beaucoup parler de moi et cette connaissance lui a donné mon contact. Il est venu me voir jouer en finale de Coupe des Yvelines et en a discuté à ce moment là. Ça c'est fait comme ça, de fil en aiguille et comme il avait des contacts à Aurillac, j'y suis allée.

Là je passe mes diplômes petit à petit. J'ai déjà validé le premier certifié et là je vais passer les deux modules suivants pour avoir celui des U13/U15. Au début j'étais vraiment à fond dedans mais avec le foot qui prend énormément de temps, je le passe quand j'ai un peu de disponibilités.

Les saisons sont de plus en plus éprouvantes, Soyaux est à un moment décisif de son histoire, notamment avec la montée des gros promus en D1. Tu connaissais un peu le club avant d'être recrutée ?
P.B. - Je connaissais pas [le club] mais je l'ai connu quand j'étais à la Coupe du Monde militaire avec Melissa Godart qui me parlait de Soyaux. C'est à ce moment que j'ai commencé à connaître [l'histoire de] ce club là et que mon agent m'en a parlé aussi. Je me suis demandée si c'était une coïncidence... J'ai vu qu'il y avait des grands joueuses qui étaient passées par là et j'ai eu de très bon rapport avec le Président, donc ça s'est fait progressivement.

Quand tu parles de grande joueuse, tu parles peut être de Corinne Diacre ? Ca peut aussi être un modèle pour toi, puisqu'elle était joueuse avant d'être entraîneure ?
P.B. - C'est ça. (rires) Je l'ai raté, mais on l'a voit souvent dans les tribunes dimanche nous supporter. Oui tout à fait et intégrer les plus grandes équipes, comme l'équipe de France A pourquoi pas un jour. Mais oui après j'aurai aimé la connaitre en tant que coach ou joueuse...mais le fait qu'elle soit dans les gradins pour nous encourager, et qu'on puisse discuter avec elle à la fin des matchs, c'est une belle chose déjà.

 

Là si tu dois retenir un match depuis votre début de saison, ça serait lequel ?

P.B. - Le match contre Guingamp je pense (victoire 0-1). C'est celui où on a été de la première à la dernière minute, je dirais pas irréprochable mais on a été présentes dans les duels, on a même réussi à gagner ce match là donc franchement je pense que c'est le match référence. On a été hargneuses du début jusqu'à la fin, et on a été solidaires dans cette rencontre.

D'accord parce que c'est récent, moi je pensais que tu allais me parler du match contre l'OM, avec votre victoire (2-0) et le but que tu mets ?

P.B. - Hum non même pas parce que pour moi personnellement, c'était une équipe que je connaissais déjà, puisque j'ai joué contre elles l'année dernière avec Aurillac [en D2]. Quand je suis rentrée sur le terrain, j'ai vu certaines têtes se décomposer parce qu'ils me connaissent aussi, donc voilà.

Aujourd'hui vous êtes 7e, c'est une place assez correcte avec autant de victoires, que de nuls que de défaites, 5 à chaque fois. Votre échec contre Hénin ça vous a cassé un peu ?
P.B. - On a eu un début, après c'est le calendrier, mais je dirais pas facile du tout. On rencontre les gros dès le début donc ça a été compliqué, parce qu'on s'est retrouvées tout en bas du tableau pendant que les autres équipes prenaient des points. Y'a eu l'intégration des nouvelles aussi, ça a pris du temps, au fil des matchs, mais on est remontées crescendo d'un coup. On a réussi à atteindre le top 5 et après le match d'Hénin je pense que ça nous est restées en tête je pense quand on a joué Rodez. Ça s'est vu, en première mi-temps, on y était pas du tout, on s'est fait bousculer dans les duels. On s'est repris à la mi-temps et on arrive à remonter à 3-2. Je pense que si on avait joué le match du début jusqu'à la fin, il se serait passé autrement. Mais là ça va on revient petit à petit et j'espère qu'on arrivera à accrocher le nul contre Paris ce week-end.

Justement, comment tu vois ce match contre le PSG ? Je sais que tu es fan de ce club. A l'aller le PSG avait gagné 2-0 chez vous. Là elles viennent de disputer la Ligue des Champions mercredi donc soit elles seront fatiguées, soit elle voudront reprendre confiance après leur défaite face au Bayern, donc faudra y aller à fond dès le début de votre côté ?
P.B. - C'est ça, je pense que ça sera à nous de donner le tempo dès le début, parce qu'elles ont perdu contre Marseille et en Ligue des Champions, donc elles reviennent et elles seront fatiguées. On va devoir leur montrer qu'on est pas là pour perdre en clair et qu'on va faire le maximum pour essayer de marquer au moins un but ou de tenir le match nul.

Comment tu vois la suite de votre saison ? Parce que vous avez encore de gros matchs à jouer et un match en retard aussi.

P.B. - Oui c'est ça. Du coup, on enchaîne, on rencontre Paris ce week-end et après c'est Juvisy [à domicile] et après c'est notre match en retard contre Saint-Etienne. Après c'est à nous de faire en sorte d'accrocher ces grosses équipes et de ne pas faire les mêmes erreurs qu'on a pu faire en début de saison. On va se donner à fond, on bosse pour à l’entraînement donc y'a pas de raison pour qu'on y arrive pas.

 

Photos : Manu Cahu