Le Football s’acquiert différemment d’une joueuse à l’autre. Pour Julie Thibaud, ça s’est fait progressivement, dès son plus jeune. Aujourd’hui c’est une titulaire à part entière de l’effectif Sojaldicien. On a échangé avec elle au sujet du club de Soyaux et de son expérience avec l’équipe de France U19, depuis son sacre avec les Bleuettes en 2016. Rencontre.

 

 

A chaud, qu’est-ce que tu peux nous dire de votre dernière rencontre face au PSG ?

Julie Thibaud – Je pense que lorsqu’on a commencé le match, on était un peu en difficulté les vingt premières minutes. Notre coach, nous avait dit de jouer bloc bas, mais au milieu [de terrain] c’était difficile de combiner, elles étaient plus nombreuses que nous, donc on se faisait prendre à chaque fois. Quand notre 10 [Pamela Babinga] est descendue, je pense que ça allait mieux. A la mi-temps on avait qu’un but d’écart, donc on s’est dit que c’était possible [de revenir]. Après [en seconde mi-temps] on s’est mieux organisées je pense, le carton rouge [de Shirley Cruz] nous a beaucoup aidé parce qu’on s’est retrouvées en supériorité, et dans notre jeu on était plus à l’aise.

 

“C’est une chance de jouer en D1 à mon âge”

 

Malgré le score tu as fait un gros match, tu as joué à fond et tu n’as que 18ans ? J’ai vu aussi que ton premier match en D1 en plus c’était contre le PSG (3 décembre 2014), donc ça devait te rappeler des souvenirs, bons ou mauvais, par rapport aux U19 ?

J.T. – Parce que pour moi je dois toujours jouer les matchs à fond. C’est une chance de jouer en D1 à mon âge, donc du coup, je me pose pas de questions, à chaque fois j’essaye de me donner à fond pour l’équipe, pour essayer de faire quelque chose. En plus face aux grosses équipes, je pense que c’est important de se montrer assez agressive dans l’engagement, pour essayer de gagner [les duels] au moins.
(rires) Oui c’était mon premier match en D1 [contre le PSG], après c’était un contexte différent parce que c’était à Charlety et c’était en semaine, donc c’était pas vraiment la véritable équipe D1. Mais c’était quand même des bons souvenirs de jouer contre le PSG.

 

J’ai lu que dans une interview, tu dis que tu n’as suivi personne pour faire du foot, même si ton frère et ton papa le pratique, c’est un peu venu de là aussi, mais tu dis aussi que “ça t'a plu” le football. C’est la gestuelle que demande le foot, que tu as aimé ?

J.T. – Oui autour de moi à part ma famille, aucune de mes amies ne jouaient au football. Donc j’ai vraiment suivi mon frère et mon père, parce que je jouais pas avec les filles (rires). Oui le contact avec les garçons, ça s’est super bien passé. Après c’est vraiment le foot qui m’a plu parce qu’on se défoulait, on s’entendait super bien. L’ambiance, j’aimais bien, c’est un sport collectif, de marquer des buts, les joies quand on gagne ensemble…

 

Tu aimes marquer des buts, mais tu joues à deux postes différents, à l’arrière du jeu : milieu défensive, ou latérale droite.

J.T. – (rires) Oui, il me fait jouer surtout défensivement mon coach [Nicolas Goursat] mais après ça m’arrive aussi de jouer plus haut. C’est plus rare, avant je jouais plus haut. Mais oui maintenant (sourire) je marque beaucoup moins de buts, parce qu’il me fait jouer en défense.

 

Même si tu as débuté à l’AS Echiré Saint Gelais, c’est vraiment à Soyaux où tu vas monter en gamme ? (Elle était également au Pôle sport de Tours.)

J.T. – En fait, Echiré j’y ai joué, mais au départ c’était pour le plaisir. C’est surtout quand je suis venue à Soyaux que le foot a commencé à prendre de l’ampleur dans ma vie et que j’ai vraiment commencé à me concentrer sur ça.

 

Alors j’ai remarqué aussi une chose, c’est que sur le terrain et en dehors tu n’es pas du tout la même. T’es assez hargneuse sur le terrain, t’as peur de personne, mais en dehors t’es hyper souriante, tu échanges avec nous, les journalistes, et je sais que c’est pas toujours évident de passer cet exercice ?

J.T. – (rires) Oui après ce qui se passe sur le terrain, c’est complètement différent de ce qui est en dehors. Y’a beaucoup de joueuses comme ça sur le terrain qui sont hargneuses, qui ont envie, et après en dehors c’est autre chose.

 

Tu es également “l’égérie” du centre-ouest avec le Courrier qui t’as décerné le prix de la sportive de l’année en 2016. Y’a vraiment une fierté d’avoir des jeunes comme toi ?

J.T. – (rires, gênée) heuu… Oui bah oui parce qu’à Niort et dans les Deux-Sèvres y’a pas énormément de sportives. Le fait d’avoir été Championne d’Europe, ils étaient fiers de moi je pense.

 

Tu es aussi marraine d’un club ou de la région pour la promotion du football féminin ?

J.T. – Non. Mais j’étais marraine d’une journée pour la promotion du foot féminin l’an dernier, juste à côté de Niort.

 

 

J’ai vu que tu as passé un bac S, et que tu as intégré l’IUT de génie mécanique à Bordeaux ?

J.T. – C’est ça, oui je fais mes études à Bordeaux, donc je fais les allers-retours pour aller m’entraîner et suivre mes cours.

 

Est-ce que le fait de ne pas jouer forcément les matchs de prestiges, comme la finale de la Coupe d’Europe U19 en 2016, d’un côté c’est frustrant. Mais pour le coach (Gilles Eyquem) c’est aussi pour te préserver dans ton accomplissement ? Il vous explique un peu ?

J.T. – Je pense que quand on va à l’Euro comme ça, il prend un groupe et qu’il a déjà son équipe. Mais après c’est normal, c’est pour gagner. Moi je suis contente d’avoir déjà joué un match [contre la Slovaquie, victoire 6-0]. Je savais en y allant, sachant que j’avais été l’une des dernières à être prises, que j’allais pas jouer tous les matchs. Donc pour moi c’était que du bonus d’y aller et de pouvoir jouer un match.

Il nous l’explique pas vraiment, mais on le sait qu’il faut faire jouer l’équipe type, et la victoire elle est au bout. Donc le fait d’avoir joué, c’était déjà quelque chose de bien pour moi. On est jeunes par rapport aux autres [joueuses de cet Euro là], donc pour nous ça nous fait que de l’expérience en plus.

 

Toi tu rejoins le groupe U19 tout juste quelques mois avant en plus ? Depuis t’es appelée en sélection jeune. 
J.T. – Oui c’est depuis le stage en Angleterre (31 mai et 2 juin 2016), où il m’a appelé pour l’Euro. Cette année j’étais tout le temps dans l’équipe.

 

Depuis le sacre U19 l’été dernier, et hormis l’Irlande du Nord, j’ai vu que vous aviez eu beaucoup de mal à remporter vos matchs. Qu’est-ce qui explique ces résultats ?

J.T. – Je sais pas. Le changement de génération parfois il est pas facile, et c’est vrai que là, passer une année, comme celle des 1997, [c’est difficile] parce que c’est vraiment une génération forte. L’année 98 c’est vrai que ça change. Après, [aux tournois] aussi bien en Irlande qu’à la Manga, je pense qu’il faut qu’on soit plus dans la détermination, de jouer un match de haut niveau, et un match international pour pouvoir gagner et surtout de jouer ensemble. Après je pense aussi qu’on est une génération qui peut faire quelque chose, il faut qu’on soit convaincues de ça et qu’on aille toutes dans le même sens.

 

Là, la prochaine échéance en “Bleue” c’est donc le Tour Elite du 4 au 12 avril aux Pays-Bas. Vous vous sentez attendue par rapport à l’année précédente ?

J.T. – Déjà la liste elle a complètement changé. De toute façon nous on y va pour gagner. Ce sont pas des matchs amicaux [comme en Irlande ou à la Manga] donc il nous faut la qualification [pour jouer l’Euro]. Je pense qu’on va bien se préparer à Clairefontaine, parce qu’on a 4 jours [de préparation] avant de partir [aux Pays-Bas]. Du coup on va pouvoir créer nos automatismes, pour jouer ensemble.

Oui [on est attendue] parce que les Pays-Bas étaient avec nous à l’Euro [en 2016] où on les a affrontés [en phase de poules], donc je pense qu’elles vont nous attendre. On a pas une poule facile [pour ce Tour Elite] avec le Portugal, la Slovénie et les Pays-Bas, ça va être dur.

 

Pour parler de votre prochaine confrontation, c’est encore face à un club de la région parisienne, Juvisy. Comment vous l’appréhendez ce match ?

J.T. – Nous pour ce match, on va être clairement déterminées parce qu’on sait que cette année Juvisy ne fait pas forcément une bonne saison et qu’elles ont l’air beaucoup plus prenable que les années précédentes. Donc faudra se mettre bien dans la tête et physiquement pour faire le meilleur match possible et essayer de les inquiéter un petit peu. On joue chez nous, donc je pense que c’est possible de faire quelque chose.

 

Photo : Giovani Pablo & Nelson Fatagraf & Foot B’Elles

*Interview réalisée tout juste après le match PSG/Soyaux 2-0

Dounia MESLI