De Roanne à Saint-Étienne, Audrey Chaumette a traversé bien plus que les quelques dizaines de kilomètres qui séparent les deux villes. Meilleure buteuse stéphanoise cette saison (6 buts), elle a aussi traversé quelques épreuves avant de se faire sa place de titulaire en D1 avec l’ASSE. Passée par les sélections jeune U17/U19, ou encore en équipe de France B et Universitaire, c'est une joueuse à l’aise aussi bien sur le terrain, qu’en dehors à tout juste 20ans. Une joueuse à découvrir.

 

Alors avant tout j'aimerai revenir sur votre exploit de Coupe de France contre Montpellier ? Il est magnifique votre but, vous avez regardé le match du Barça avant ou vous l'aviez travaillé cet enchaînement ?
Audrey Chaumette : Tout d'abord dans le contexte on sortait d'un match très compliqué face à Albi. Avec une défaite qui nous a fait très mal mentalement. Donc le discours du coach et du vestiaire a été de vite se remobiliser après cette désillusion et surtout de ne pas rentrer dans une spirale négative et rebondir. A partir de là on s'est remobilisées pour essayer de faire quelque chose. Après on savait pertinemment que ça allait être très compliqué, mais on voulait jouer avec nos forces et retrouver ce qui fait de nous une bonne équipe depuis le début du championnat. Après la particularité je dirais de Saint-Etienne, c'est qu'on est une équipe qui aime bien jouer en Coupe, qui a pu avoir un beau parcours par le passé donc c'est quelque chose qu'on voulait réitérer parce que la plupart du groupe a déjà pu connaître de belles choses avec la Coupe donc on voulait pas s'arrêter là [au quart] et ça a été une motivation supplémentaire je pense. Après on a fait un match très solide avec beaucoup de détermination et je pense que c'est ce qui a fait la différence.
(rires) Non même pas (rires) Oui la priorité c'était dès la perte de balle de presser très fort et très haut pour récupérer le ballon le plus vite possible et le plus proche de la cage adverse. Et derrière on essaye de sortir de la densité et de se projeter dans l'axe de Montpellier qui était selon notre staff le point le plus faible de l'équipe. Donc on a essayé d'exploiter ça et ça a marché, tant mieux.

Quand tu disais que le club avait déjà fait de beau parcours en Coupe, tu parlais sans doute de 2013, où vous aviez affronté le PSG, qui vous avez réussi à passer (2-0), puisque tu marques (second but de Candice Gherbi) et vous accédez à la finale contre l'OL. Là vous allez répéter ça cette année, comment ça s’annonce ?
A.C. - Oui notamment. Bah déjà rien que personnellement ça a été le moment pour l'instant, le plus fort dans ma carrière donc oui forcément on a envie de revivre ça le plus souvent possible.
Oui après y'a eu une évolution des deux équipes, notamment du côté du PSG qui a énormément grandi depuis donc c'est une nouvelle dimension. Ça va être totalement différent parce que c'est pas du tout la même adversité en face (essoufflement) et voilà ça sera un tout autre match [contre le PSG] mais c'est vrai qu'on garde en tête cet exploit qu'on a pu réaliser.

Alors j'ai vu que tu avais commencé dans des clubs de ta région, avant de partir un peu plus loin à Saint-Etienne en U19 ? C'est Cecile Locatelli qui t'as un peu aiguillé, quand t'étais au pôle espoir de monter en gamme pour évoluer ?

A.C. - Oui à la base j'étais à Roanne au club de Riorges et au moment de continuer ma scolarité au lycée je suis rentrée au Pôle Espoirs de Vaulx-en-Velin et c'est vrai que Cecile m'avait conseillé de rejoindre un plus grand club. Donc j'ai fait le choix d'aller à Saint-Etienne.

On a vu que tu as été blessée quand t'étais plus jeune, (fracture de la clavicule deux fois à un mois d'intervalle avec cinq mois d'arrêt), c'est toujours des moments difficiles à vivre pour une joueuse. Comment t'as fait pour garder le cap dans ta tête, t'étais épaulée par ta famille, des joueuses en particulier ?

A.C. - C'est vrai que j'étais assez jeune encore quand ça m'est arrivée. Je faisais ma rentrée en seconde et au Pôle Espoirs aussi donc c'est vrai qu'arriver dans une structure comme celle-là et être blessée sans pouvoir s'entraîner avec les meilleures joueuses de sa région, c'est compliqué. C'est quelque chose de dur à gérer mais notamment cette structure [le Pôle Espoirs] m'a aidé, dans le sens où je pouvais avoir des spécialistes autour de moi, comme des sophrologues. J'étais entourée par des kinés aussi donc ça m'a permis de revenir plus vite. Après oui ma famille a été très présente pour moi, notamment ma mère qui m'a aidé à rester bien entre guillemets dans ma tête. Et je savais très bien dans ma tête que c'était pas une fatalité, que j'avais encore beaucoup de temps pour revenir et pour prouver ce que je savais faire. Après j'ai toujours eu des amis très proche depuis que je suis jeune et que je garde encore maintenant, comme Sarah Boudaoud avec qui j'étais au Pôle Espoirs et aussi Candice Gherbi avec qui je suis en club, qui est une très bonne amie et qui m'a aidé aussi à me relever de certaines choses.

 

"Ça n'a pas toujours été une partie de plaisir"

 

Toi tu joues à la base en pointe, et tu as dû t'adapter comme tu l'as dit à un autre poste celui de milieu gauche/droit ?

A.C. -  Oui surtout l'année dernière où j'ai pratiquement fait toute une saison milieu gauche. Donc c'était un poste que je n'avais jamais vraiment joué avant. En fait, c'est parti d'un match contre Albi où j'étais remplaçante, y'avait 0-0 à la mi-temps et c'est vrai qu'on avait un petit peu du mal à faire la différence. Le coach a décidé de me faire rentrer à la mi-temps en milieu gauche. De là, comme j'avais fait plutôt un bon match et qu'on avait gagné 3-0, où j'ai marqué un but, je pense que le coach a été satisfait de ma prestation et y'avait personne, qui était vraiment titulaire à ce poste là donc entre guillemets j'ai pris ce poste par intérim durant cette saison. Ça n'a pas toujours été une partie de plaisir parce que ça m'était pas forcément en avant mes qualités, mais je l'ai fait parce que c'était le choix du coach, il me faisait confiance pour jouer à ce poste là en me donnant du temps de jeu donc c'était quand même tout benef pour moi. Ça m'a permis aussi d'acquérir de nouvelles aptitudes et de développer mon foot.

 

"On est dans l'optique de faire une grosse fin de saison"

 

Là vous êtes à une place de la zone rouge, même si l'année dernière vous y auriez été puisque c'était trois clubs qui descendaient mais on dirait que ça nous effleure pas d'avoir cette épée de damoclès au-dessus de la tête ?

A.C. - Ça fait un petit moment déjà qu'on est souvent à la limite, qu'on flirte avec la zone de relégation. Je dirais pas qu'on a l'habitude mais c'est pas une nouveauté pour nous. Après ce qui est frustrant c'est que notre objectif était plus élevé. C'était de finir 4e ou 5e du championnat. [Aujourd'hui] on est pas forcément à notre place. Le classement n'est pas révélateur parce qu'on a deux matchs en retard donc on va essayer de remonter des places. On est dans l'optique de faire une grosse fin de saison donc on l'espère de tout cœur avec l'équipe pour pas finir à la 10e place comme on l'est actuellement.

Vous n'avez pas encore les dates de vos deux matchs en retard (Soyaux et Metz) ?

A.C. - Oui le coachs nous les a donné hier, ça sera le 9 avril pour Soyaux et le 30 contre Metz chez nous. Ce sont des concurrents directs donc prendre des points contre eux c'est forcément bénéfique pour nous.

On sait très bien que dans une carrière de joueuse y'a beaucoup de sacrifices à faire, qui ne paient pas forcément dans le sens du temps jeu ou de sélection en équipe de France, au-delà du salaire je veux dire, comme toi tu as rejoins Saint-Etienne en 2011, c'était le club de D1 on va dire le plus proche avec Lyon ?

A.C. - Oui c'est ça. C'était le plus "pratique" pour les trajets entre le Pôle, qui était à Lyon, mes parents qui étaient à Roanne et mon club qui était donc à Saint-Etienne. C'était le bon compromis avec un club qui a un bon niveau, une structure pro derrière.

Tu es a six buts depuis le début de saison, ce qui fait de toi la meilleure buteuse stéphanoise, c'est une bonne satisfaction pour ta confiance en toi ?

A.C. - Bahh c'est quelque chose de "nouveau" parce que oui c'est la première fois que je marque autant dans une saison, bon elle est pas finie et j'espère que j'arriverai à en mettre d'autres. Mais oui ça fait plaisir. Après moi ce que je veux avant tout, c'est surtout un bon classement et si je peux aider par mes buts à gagner des points, des matchs, tant mieux.

Avec votre rivalité face à Lyon, surtout chez les garçons on va dire, on a l'impression que vous êtes un peu dans leur ombre parce qu'ils prennent toute la médiatisation régionale. Est-ce que parfois c'est frustrant d'avoir moins d'attrait des médias autour de vous ?

A.C. - Au niveau sportif on peut pas encore rivaliser parce que c'est une structure professionnelle alors que nous on est qu'amateur donc je pense que pour l'instant quoi qu'en fasse, ce qui est totalement normal. Elles jouent la Ligue des Champions et le premier rôle dans toutes les compétitions donc c'est légitime qu'elles soient beaucoup plus médiatisées que nous. Après j'espère que ça va se développer pour nous et qu'on va pouvoir essayer de rattraper un petit peu le retard qu'on a pour l'instant sur elles et offrir peut être des confrontations plus serrées. Et pourquoi pas voilà que la région Rhones Alpes soit plus mise en avant par les deux clubs.

Si tu dois retenir un match référence cette saison, ça serait lequel ? La victoire contre Juvisy 2-0 ?

A.C. - Un match référence ? J'en ai deux en tête, c'est celui contre Juvisy qu'on gagne 2-0 (elle va marquer un but, tout comme Maelle Garbino) et le dernier match de Coupe face à Montpellier. Ce sont deux matchs qui sont "similaires" parce qu'on a mis les mêmes ingrédients pour gagner. Ce sont deux matchs références je pense pour nous et qu'il faudrait reproduire le plus souvent possible pour jouer plus haut.

J'ai vu aussi que tu étais à l'IUT, tu en es où dans tes études ?

A.C. - Alors je fais un DUT Technique de Commercialisation, je le fais en trois ans parce que c'était trop compliqué et trop lourd en terme de travail pour le faire autrement avec le foot. Donc là je suis dans ma troisième année, donc si tout se passe bien en fin d'année, je devrais valider mon DUT. Après pour la suite, c'est encore un peu flou, je sais pas vraiment ce que je vais faire l'année prochaine. Ça dépend du club et si je peux continuer mes études à distance, parce qu'il n'y a pas la "licence pro qualité" que je veux faire à Saint-Etienne.

 

La saison qui a peut être été la plus intense pour toi, c'est 2013/2014, où tu rejoins les U19 en équipe nationale, tout en jouant en D1. C'était difficile pour toi parce que tu n'avais pas fait de sélections, que des stages en équipe de France jeune U17 avant les U19 ?

A.C. - Oui c'était ma première sélection [en équipe de France U19]. C'est ça oui, j'avais jamais été retenue dans une liste [en U17] pour une grande compétition. Je suis arrivée pour les qualifications en Championnat d'Europe [U19]. L'avantage que je pouvais avoir c'est que je connaissais déjà des filles, qui étaient dans la liste, donc mon intégration a été plus "simple". J'ai pas rencontré de difficultés particulières, du fait de ne pas avoir été en sélection avant.

En effet, tu as fait quelques stages en U17 avec Guy Ferrier. T'es de la génération Toletti, Lavogez, Karchaoui, Léger...par rapport à leur parcours tu savais que t'étais un peu en retard ? C'est ce qui a fait que tu n'as pas été sélectionnée pour la Coupe d'Europe ? C'est aussi le cas en équipe nationale Universitaire ?

A.C. - Oui c'est vrai qu'avec le staff de Guy Ferrier, je n'avais jamais été retenue et une fois que c'est Gilles Eyquem qui est passé entraîneur, il m'a donné ma chance. Après [pour la Coupe d'Europe en 2013], j'avais eu des complications, je suis tombée malade, j'aurai du faire le Tour Elite mais je n'ai pas pu parce que je n'étais pas à 100% de mes capacités pour répondre aux attentes du coach, donc je le lui ai dit.

En universitaire, j'ai été sélectionnée l'année dernière pour un tournoi en Allemagne et y'avait pas de compétition majeure l'été qui suivait. C'est cette année qu'il va y avoir la Coupe du Monde donc on verra.

 

"ça n'a rien à voir en fait de jouer avec des garçons ou de jouer avec des filles."

 

Tu dis dans une interview que "Ça forge le caractère de jouer avec les garçons", c'est quelque chose qu'il faut garder cette mixité dans le football féminin/masculin ? Parce que même les garçons apprennent des filles quoi qu'en on dise ?

A.C. - (rires) ...je suis assez partagée, dans un sens où oui ça n'a rien à voir en fait de jouer avec des garçons ou de jouer avec des filles. Je pense que ça peut être un avantage de jouer avec les garçons justement pour se forger un caractère plus fort mais je pense que ça serait bien d'un coté de pouvoir avoir des équipes composées de filles uniquement, comme ça, ça montrerait que le football féminin se développe et qu'il y ait assez de filles pour pouvoir faire une équipe complète.

J'ai vu que tu avais un bon jeu de pied, du droit ou du gauche, que t'aimais bien percuter, être dos au jeu, jouer dans la profondeur, être passeuse ou buteuse, t'as un style propre à toi ? Comment tu aimes jouer ? Quels sont tes points forts ? 

A.C. - Oui comme tu l'as dit, j'aime bien jouer dos au jeu, pas forcément que pour moi. On me reproche parfois d'être trop altruiste [de ne pas tenter devant le but] mais oui ce que j'aime, c'est le jeu collectif, jouer ensemble pour marquer. (rires) C'est gentil de me dire que j'ai un bon pied gauche (rires), moi je trouve pas tellement. Ça serait plutôt un point à améliorer selon moi, avec mon jeu de tête et ma vitesse. Après oui mes forces, c'est surtout mes frappes enroulées du droit, que j'aime particulièrement faire, je m'entraîne pas mal dessus.

Est-ce que quand vous avez des points à améliorer vous en faites part un peu au staff ou alors y'a un entraînement à suivre ?

A.C. - Soit en fin de semaine, on a des cours spécifiques où on "travaille" ce qu'on veut. Moi devant le but, je vais surtout demander de travailler sur des centres en retrait, sur des frappes en mouvement, ça dépend.

Bon comme je te l'ai dit, j'ai contacté une de tes meilleures amies, Sarah Boudaoud avec qui tu as joué en Pôle Espoirs pour avoir son avis sur ton jeu. Voilà ce qu'elle dit : "Sur le terrain je dirais toujours très concentrée et aux aguets de chaque occasion ça m'a toujours impressionnée quand on jouait ensemble au Pôle. En dehors, c'est l'une des filles les plus drôles que je connaisse je crois. Elle arrive à me faire rire dans des situations où il faudrait vraiment que je me tienne et avec son visage d'ange elle s'en sort toujours bien. Oui c'est toujours ma meilleure amie d'ailleurs, depuis notre rencontre au pôle. Elle est vraiment forte dans ses déplacements, et comme étant un pivot, un peu à la Giroud." Tu le prends comment alors ? Elle dit des trucs qu'on sait pas forcément là en plus.

A.C. - (rires) Oui ça va je le prend bien (rires) Non c'est plutôt flatteur quand même. Oui forcément oui [vous pouvez pas tout savoir]. Oui c'est vrai [ce qu'elle dit sur moi] (rires). [Giroud] Un joueur que j'aime bien ? Oui ça va, c'est quand même un attaquant, un renard des surfaces. [Mon joueur préféré] je dirais que c'est Suarez.

 

Tu jongles un peu entre l'équipe de France B et l'universitaire, un objectif c'est peut être d'être appelée pour Taipei comme tu nous l'a dit ? A 20ans on a encore un peu de temps on va dire, donc la A c'est peut être aussi un de tes objectifs à long terme ? 

A.C. - Oui parce que je pense que j'ai la chance de côtoyer Télénie Sissoko et Rose Lavaud qui ont pu le vivre. C'est vrai qu'elles m'ont en dit que du bien et que c'était une expérience énorme à vivre. Donc forcément au-delà de l'aspect footballistique bien sûr, jouer une Coupe du Monde tout le monde à envie de la faire, d'avoir ce côté enrichissant, ce côté humain.

J'ai intégré le groupe de D1 à l'âge de 16, donc forcément j'ai côtoyé rapidement des joueuses avec beaucoup d'expériences. Je pense que ça y a participé tout comme le Pôle Espoirs. Tout ça, ça fait grandir plus vite.

Honnêtement pas pour l'instant [la A] parce que y'a encore beaucoup de joueuses devant moi. Mon objectif c'est vraiment l'universitaire, et pourquoi pas avoir quelques sélections en B, ça serait déjà très bien je pense. Puis m'installer comme titulaire en pointe avec Saint-Etienne. C'est comme ça que je pourrais postuler peut être à une place en A.

Tu te verrais aller jouer dans une autre ligue pour progresser ?
A.C. - Pourquoi pas oui [un autre championnat] c'est une possibilité intéressante. Après mon objectif c'est d'avoir un diplôme, avant de penser à partir ailleurs. J'aime bien l'Angleterre, je pense que ça peut être une belle opportunité avec une ligue qui progresse très vite, avec de bonnes équipes.

Notre dernière question, ça concerne votre prochain match ce week-end contre Juvisy. C'est une rencontre que vous devez appréhender après votre victoire 2-0 à l'aller, sans forcément avoir de craintes ?

A.C. - C'est un match qui va être très important parce qu'en match aller, on a réussi à faire une très belle prestation donc je pense que ça va être plus compliqué pour ce match retour parce qu'elles nous attendent encore plus. Donc va falloir rééditer le scénario qu'on a pu réaliser et relever notre niveau encore plus, parce qu'elles vont vraiment vouloir montrer que c'était un mauvais pas. Donc ça sera plus compliqué qu'au match aller [à domicile] mais nous on va pas lâcher.

 

 

Photo : Mica GB M PhootoRafettes