Comme de nombreuses joueuses qui manquent parfois d'expérience en D1, Suzy Morin (2e année en Staps) a du mal à apprécier son travail. A 20ans, la jeune joueuse est à la recherche constante de l'exigence, quitte à oublier parfois le plaisir. Un trait de personnalité, qui marque pourtant le caractère breton de la native de Saint-Brieuc, qui a su s'installer en D1 à force de travail et qui ambitionne de continuer dans sa lancée pour être un élément clé de la formation guingampaise. Tout juste après la rencontre PSG/EAG (3-3) du 2 avril, nous sommes allés l'interviewer.

 


 

Coeurs de Foot - J'ai remarqué que sur le terrain, t'es assez réservée, mais t'es tout de même décisive avec de bons appuis notamment. Qu'est-ce que tu en penses toi de cette description ?
Suzy Morin - D'accord...oui. Bah après je ne suis pas très optimiste envers moi-même, je suis très exigeante. J'arrive pas trop à me dire quand je fais de bons matchs. Je vais plutôt voir les choses négatives, que les bonnes choses. Parfois les filles me disent quand j'ai fait un bon match, mais moi je me dis que j'ai raté certaines choses, que j'aurai pu faire mieux. De toute façon on peut toujours faire mieux.

Coeurs de Foot - Bon alors on sait aussi que le poste de défenseure aujourd'hui, il a bien évolué, il ne s'agit plus que de défendre, mais aussi d'apporter sur les côtés, du mouvement, le surnombre et d'être parfois décisive sur les coups de pied arrêtés. C'est des choses que tu essayes aussi de travailler de ton côté ?
S.M. - Ah bah oui, la partie offensive on va dire, c'est ce que je préfère. Apporter offensivement, déborder dans les couloirs, se retrouver en position d'attaquante, si on peut frapper, c'est des choses que j'adore.

Coeurs de Foot - D'accord, parce que cette saison en D1, tu as fait 16 matchs dont 13 en titulaire, mais tu as zéro but (contrairement à la saison dernière où elle en a marqué un) ?
S.M. - Oui zéro but, mais l'année dernière je me suis réveillée lors du dernier match où j'ai réussi à marquer un but [contre Rodez]. Donc j'espère réitérer ça, cette année.

Coeurs de Foot - C'est quelque chose qui revient souvent ça maintenant chez les défenseures de vouloir apporter offensivement.
S.M. - Oui parce que c'est toujours un plus, de faire des bons centres. On apporte offensivement une supériorité numérique [en tant que defenseure] donc ça peut débloquer beaucoup de situation.

Coeurs de Foot - Dans un match, sur quels aspects tu insistes, tes déplacements, la position de tes coéquipières, de tes adversaires ? Qu'est-ce que tu dois encore travailler selon toi ?
S.M. - Sur les matchs, faut que je fasse attention à mes erreurs défensives, parce que j'en fais beaucoup trop... Sinon offensivement, j'essaye de faire beaucoup d'appels, parler avec ma milieu (Louise Fleury ou Faustine Robert) pour lui dire que je vais arriver dans son dos, dédoubler.

Coeurs de Foot - Avec le recul le match nul face à Paris (3-3), ça vous a fait énormément de bien je pense après la défaite contre Montpellier à domicile ou encore Marseille chez elles ? Certains journaux on même parlé de "remontada" en plus (comme Ouest France).
S.M. - Oui bah oui, ce qui est bizarre, c'est quand Salma [Amani] à marqué son premier but, je suis allée la féliciter, je lui ai dit un mot "remontada". Elle marque le deuxième but, je lui redis et là Desire [Oparanozie] marque le troisième, c'était fou. On en revenait pas. Personne ne pensait que le match était perdu à la mi-temps. On s'est dit, on a des occasions, c'est à nous de nous réveiller, on va en mettre un, c'est sûr. (sourire) Après, on aurait pu même gagner le match, ça s'est joué à pas grand chose.
Oui pour la confiance du groupe, c'est sûr que remonter trois buts au Paris Saint-Germain, c'est bien. On voulait faire quelque chose contre Paris.

Coeurs de Foot - On avait l'impression aussi que vous aviez encore plus de supporters - parce qu'on était aussi au match EAG/MHSC - contre Paris ce week end là ? Ca joue aussi le public ?
S.M. - Oui après y'avait beaucoup de familles de Guingamp qui étaient au match donc ils ont fait du bruit. Oui parce que c'était le PSG et c'était à l'exterieur, ils savaient qu'on avait besoin d'eux aussi. On les entendait bien sur le terrain, avec "Allez Guingamp". C'est sûr que ça fait plaisir, surtout à l'exterieur.

Coeurs de Foot - On sent que tu es une fervente supportrice de Guingamp.
S.M. - Ah bah oui quand même. Quand on né(e) Breton(e), on est obligée de supporter Guingamp.

Coeurs de Foot - J'en parlais avec ta coach, Sarah M'Barek, et je lui disais que Guingamp c'est vraiment l'âme du Football.
S.M. - Ah oui quand même (surprise). Le football, oui, dans la rue beaucoup de gens placent sur leur voiture, des petits autocollants EAG, des fanions...

Coeurs de Foot - Oui on ressent vraiment l'engouement autour du Football féminin en Bretagne. Comme le record lors de France/Grèce, la Coupe du Monde militaire, la finale de Coupe de France qui aura lieu cette année à Vannes, la Coupe du Monde U20 en 2018 également.
S.M. - Ah oui oui oui, tout le monde aime le Foot en Bretagne, on va dire.

Coeurs de Foot - Tu as fait des compétitions majeurs, même au lycée par exemple ? Parce qu'on sait que le lycée de Saint-Brieuc est champion en titre mondial.
S.M. - Oui, c'est ça j'ai fait deux ans à Saint-Brieuc et en première année, j'étais en section sportive dans le Morbihan. Ils ont gagné le championnat du monde UNSS. Ils sont allés au Guatemala et ils ont remporté la finale aux tirs-au-but.

Coeurs de Foot - J'ai vu aussi que tu baignais dans le football depuis très longtemps, depuis l'âge de 6ans tu as un ballon au pied. Tes parents sont très présents dans ce milieu aussi, puisque t'a maman était Présidente d'un club et ton papa, un ancien joueur. C'est quelque chose que tu tiens de là aussi, le football ?
S.M. - Oui ça a toujours été de famille. C'est mes parents qui ont décidé de me mettre au foot. Ma soeur aussi à joué quelques années.

Coeurs de Foot - C'était un sport que tu voulais pratiquer depuis le début ou c'est malgré toi alors ?
S.M. - Oui au départ, je voyais ma soeur qui jouait au foot, mon père qui jouait au foot, donc j'ai eu envie de tester aussi et du coup j'ai accroché et j'y suis restée.

Coeurs de Foot - Comment tu as fait pour être détectée par Guingamp, parce que j'ai vu que tu as d'abord rejoins les U19 ?
S.M. - Ca s'est fait un peu par hasard. Il me fallait un club de filles, parce que je ne pouvais plus jouer avec les garçons. J'avais un oncle qui connaissait un des entraineurs de Guingamp, qui lui a donné le numéro de l'ancien entraîneur qui s'occupait des filles. J'ai fait deux entraînements et puis il m'a gardé. Donc j'ai eu un peu de chance.

Coeurs de Foot - Tu sentais que tu avais le niveau, parce que tu devais avoir 16ans à ce moment là ?
S.M. - Oui j'avais 16ans. Après je connaissais beaucoup de filles de l'équipe, parce que j'avais fait l'équipe départementale avec certaines d'entre elles.

Coeurs de Foot - Dès ta première année en U19 avec Guingamp tu as joué 13 matchs dont 12 comme titulaire, alors qu'il y a 18 journées, comment ça se fait ? C'était compliqué de suivre la cadence ?
S.M. - Au départ (réfléchit) j'étais pas prévue pour jouer en U19, j'en avais discuté avec le coach. Ma première année j'avais 16ans, donc jouer en U19, c'est quand même très bien. Y'avait des coéquipières blessées donc il m'a fait intégrer le groupe et puis après la fin d'année s'est bien passée. J'espérais pas jouer autant en U19, dès ma première année.
Oui et puis je m'entrainais pas avec elles la semaine, parce que j'étais à Pontiville, donc c'était un peu difficile les week-ends de connaître les tactiques de jeu, tout ce qui était coups de pied arrêtés... Le coach me faisait un petit débrief dans la semaine, pour me dire ce que les filles faisaient à l'entraînement.

Coeurs de Foot - Ca veut dire qu'il comptait vraiment sur toi le jour du match ?
S.M. - Heu bah oui je pense (rires) enfin j'espère.

Coeurs de Foot - Les U19 c'est aussi une expérience que certaines joueuses vivent en équipe de France, mais ça n'a pas été ton cas. Comment tu l'expliques ?
S.M. - Oui, après je pense que j'avais pas le niveau... J'ai dû progresser un peu plus longuement, pour être au niveau des autres, je sais pas trop...

Coeurs de Foot - Oui mais en même temps quand on est jeune, le niveau est un petit peu plus homogène parce que vous progressez presque à la même vitesse, mais toi tu n'avais pas le même cursus que certaines joueuses U19 qui ont joué l'Euro par exemple l'année dernière et qui ont fait d'autres sélections jeunes. Donc ça a joué aussi ?
S.M. - Oui voilà. Les filles qui étaient au pôle aussi. Moi j'étais au centre de formation de Guingamp.

Coeurs de Foot - Toi ça reste un objectif quand même de rejoindre l'universitaire, la B ou la A avec le temps ?
S.M. - Faut que je progresse, que je sois plus décisive offensivement et défensivement. Il faut encore travailler et après on verra. Franchement, l'équipe de France j'y ai vraiment pas pensé. Pour moi, c'est avant tout de donner le meilleur de moi-même en club, progresser un maximum. Après si y'a la selection, ça sera que du bonus, que ça soit universitaire ou équipe de France B. On verra, j'en suis pas encore là (sourire).

Coeurs de Foot - Ca demande énormément de sacrifices de passer par le haut niveau, c'est quelque chose que tu as fait petit à petit ?
S.M. - Oui voilà après ça vient au fur et à mesure des objectifs qu'on se fixe. Là avec la D1 c'est sûr qu'il faut faire beaucoup de sacrifices, on voit moins nos familles mais bon après c'est que je le veux bien aussi. On s'entraîne tous les jours et quand on joue dimanche, des fois on s'entraîne les samedi matins. On est entre guillemets "un club pro" on arrive pas à en vivre [du Football], et on a pas les mêmes infrastructures [que les garçons] mais on a une très bonne formation autour. En plus on a le double projet, parce qu'on sait qu'avec le Football, on pourra pas en vivre toute notre vie donc on se dit qu'il faut avoir un projet à côté.

Coeurs de Foot - J'ai remarqué aussi que tu avais de plus en plus de temps de jeu, que tu avais la confiance de Sarah M'Barek, donc ça suit son cours pour toi ?
S.M. - Oui c'est sûr que quand on a la confiance du coach, c'est plus facile de faire de bons matchs et de prouver qu'on peut être titulaire, qu'on peut enchaîner les matchs. Après c'est donnant/donnant. Quand la coach me donne ma chance, j'ai envie de lui prouver que je peux apporter à l'équipe.

Coeurs de Foot - Y'a des joueuses avec qui tu t'entends un peu mieux peut être ?

S.M. - Franchement, je m'entends bien avec toutes les joueuses, on s'entend toute super bien. Après j'ai plus d'affinités avec certaines joueuses, comme Léa Abadou, Charlotte Lorgeré, Maryne Gignoux, ce sont des vraies copines, même en dehors du terrain. 

Coeurs de Foot - Parce que vous êtes dans la même zone, donc vous vous parlez un peu plus ?
S.M. - Oui voilà. Je pense que ça nous aide sur le terrain, parce qu'on est dans le même secteur de jeu, qu'on s'entend aussi bien en dehors. Après ça arrive qu'on s'enguele sur le terrain. Mais ce qui se passe sur le terrain, c'est le terrain, c'est normal.

Coeurs de Foot - Et tu prends un peu les conseils de certaines autres joueuses un peu plus expérimentées ?

S.M. - Je suis jeune, donc c'est vrai que je peux avoir les conseils de joueuses plus expérimentées, comme Charlotte [Lorgeré], Marine [Pervier], Salma [Amani]... C'est des joueuses qui nous apportent aussi à nous [les jeunes].

Coeurs de Foot - Alors dernière question, ça concerne votre prochaine rencontre, contre Albi, comment vous la préparez ? C'est un match important en plus ?

S.M. - Oui c'est un match important contre Albi, parce que c'est l'avant-dernier match à domicile donc on va avoir envie de bien faire, surtout de prouver que notre match nul contre Paris, va nous servir pour espérer gagner ce match. De montrer une bonne image de nous et pourquoi pas aller chercher la 5e ou 4e place.

 

Photos : Nelson Fatagraf

Dounia MESLI