Depuis Rodez, Solène Barbance s'est construite une expérience et un palmarès. De son titre de championne d'Europe U19 avec la « génération 91 » au titre de championne du monde militaire l'an dernier en Bretagne, des trophées qu'elle croise avec ses expériences dans son Sud-Ouest natal mais aussi en Irlande. Un parcours qu'elle revendique et qui traduit une volonté de se remettre régulièrement en question et continuer à progresser.


 

Cœurs de Foot – On va commencer par votre dernier match avec Rodez, une défaite à domicile face à Metz [1-2]. Quand on regarde votre saison, elle est clairement moins favorable que la précédente avec cette cinquième place. Quel regard vous avez sur cette saison et ce dernier match face à Metz ?

 

Solène Barbance - C'est vrai que l'année dernière, on a connu une saison faste dans le sens où on a atteint des records en terminant cinquièmes et en allant chercher une demi-finale de Coupe de France. Tout nous réussissait.

 

Et cette année, ce brin de réussite nous file régulièrement entre les doigts parce qu’offensivement nous rencontrons des difficultés pour finaliser nos actions. Par voie de conséquence, les objectifs de la saison ont été revus à la baisse et on se concentre désormais d'avantage sur le maintien au niveau du bas de tableau, c’est dommage.

 

Concernant le match contre Metz, il est à l'image de ce que nous avons fait face à Soyaux, avec une bonne première mi-temps. Sauf qu'à la différence de Soyaux, nous n’avons pas mis nos actions au fond, donc on termine la mi-temps à 0-0. Et en deuxième mi-temps, nous avons lâché physiquement, elles ont eu plusieurs occasions et elles, elles les ont mises au fond. C'est la différence avec nous sur ce match-là.

 

« Le problème c'est vraiment l'efficacité offensive »


 

CDF – Une de vos forces la saison dernière, c'était notamment votre capacité à faire de bons résultats face à vos adversaires directs. Aujourd'hui, on peut voir une victoire sur la pelouse de Soyaux [2-3] puis une défaite face à Metz, il n'y a plus cette régularité qu'il pouvait y avoir la saison dernière...

 

SB – Oui, voilà. Par exemple, lorsque nous rencontrions Nîmes, nous pouvions prendre deux buts mais en marquer quatre. Finalement nous étions souvent gagnantes. Cette année, le problème que nous avons, c'est vraiment l'efficacité offensive. On se procure des occasions, on est capable de dominer souvent une mi-temps sauf que nous manquons de réalisme. Et c'est vrai qu'en deuxième mi-temps, on le paye régulièrement parce que nous baissons de régime et les équipes adverses en profitent. C'est notre fragilité aujourd'hui.

 

« Le match qui nous a fait le plus de mal c'est Marseille »

 

CDF – Un des moments qui a dû être compliqué cette saison, c'est cette série de contre-performances sur la première partie de saison, à partir de cette lourde défaite face à Juvisy [0-10, le 9 octobre]. J'ai vu que vous aviez aussi évoqué la défaite face à Guingamp [0-3, le 4 décembre] comme étant un moment où il y a eu besoin justement de mettre les choses au clair au sein de l'équipe par rapport aux résultats...

 

SB – La défaite de Juvisy nous a fait du mal parce qu'au niveau du nombre de buts, c'est catastrophique ce qui s'était passé ce jour-là. Mais je pense qu'au mois de novembre, le match qui nous a mis un coup derrière la tête, c'est Marseille parce qu'on termine à 2-2 alors qu'on mène le match 2-0 à dix minutes de la fin. On n’a pas su conserver cette avance et on commet des erreurs qui coûtent cher. On provoque deux penalties qui sont évitables, c’était un moment difficile, d’autant que la victoire nous aurait fait un grand bien, puisque ce match était positionné au milieu de nos rencontres avec les 4 “cadors”.

 

Concernant Guingamp, c'est un match que nous perdons 3-0, mais nous faisons une très bonne première mi-temps, de la même façon, on ne met pas nos actions au fond et en deuxième mi-temps, on a le revers de la médaille.

 

CDF – Par rapport aux difficultés de cette saison, Sébastien Joseph [le coach de Rodez], disait que malgré la stabilité de l'effectif, le départ de quelques joueuses expérimentées comme Marine Haupais avait pesé sur les performances de l'équipe. Vous partagez ce constat ?

 

SB – Oui, je suis d'accord. C'est un constat qui est assez parlant dans le sens où les équipes qui ont une moyenne d'âge élevée sont en général au sommet dans le classement final, plus les équipes ont de l'expérience et plus elles finissent dans le haut de tableau d’une manière générale. C'est vrai que nous avons perdu des joueuses qui avaient 25, 27 et 28 ans et notre recrutement a permis les arrivées de jeunes joueuses qui ont du talent mais qui aujourd'hui n'ont pas l'expérience qu'avaient Manon Alard, Marine Haupais ou Stéphanie de Revière.

 

Face à Juvisy, « on aura à cœur de montrer

un autre visage » qu'au match aller

 

CDF – Pour parler de votre saison, j'ai vu que récemment vous aviez manqué plusieurs matches de championnats. C'était dû à une blessure ?

 

SB – Oui, j'ai eu une entorse à la cheville à l'entraînement, il y a six semaines maintenant. Depuis 15 jours, je constate une nette amélioration donc un retour devrait être probable pour le prochain match contre Juvisy.

 

CDF – Justement, ce prochain match de championnat à Juvisy. On imagine qu'au -delà du résultat, c'est un match qui va être aussi important psychologiquement, par rapport à ce qui s'est passé au match aller ?

 

SB – Oui, bien sûr. Nous aurons à cœur de montrer un autre visage. Et puis on va jouer crânement notre chance parce qu'on voit que Soyaux et Bordeaux ont fait match nul, Saint-Etienne, Marseille et Guingamp ont gagné. Donc pourquoi pas nous ? Il faudra être solide défensivement et exploiter les quelques contres que nous aurons, pour chercher à ramener des points.

 

« Le changement génère de nouvelles sources de motivation,

un besoin de se mettre en danger pour favoriser la progression »

 

CDF – Pour parler plus largement de votre parcours. Vous jouez à Rodez, une ville dont vous êtes originaire, vous avez grandi dans la région. Dans le même temps vous avez dit que vous aviez eu un « parcours atypique ». Qu'est-ce qui selon vous rend atypique votre parcours de footballeuse ?  

 

SB – J'ai fait des choix qui m'ont amené à vivre des expériences vraiment très différentes mais qui ont été à la fois très enrichissantes que ce soit à l'étranger ou dans les différents clubs. A certains moments, j'ai dû privilégier mon parcours scolaire pour obtenir mon Master. Et j’en suis fière.

 

J’avais envie de vivre ces expériences. Atypique, ce serait plutôt dans le sens où partir en Irlande est peu commun et les clubs dans lesquels je suis passée m’ont permis une remise en question permanente. Le changement génère de nouvelles sources de motivation, un besoin de se mettre en danger pour favoriser la progression, d’éviter de se reposer sur ses acquis. Je pense que c'est important d'aller chercher l'effort, le travail supplémentaire pour progresser.


 

L'Irlande « un football encore trop méconnu »

 

CDF – Quand on regarde votre parcours, vous avez connu plusieurs clubs dans le Sud-Ouest, et puis il y a aussi une année en Irlande [avec le club de Peamount United] après votre passage au PSG. Cette année en Irlande, c'était un moment fort pour vous ?

 

SB – Oui parce que depuis toujours, j'avais envie d'apprendre l'anglais et de le maîtriser parce que scolairement et professionnellement, j'en avais besoin. Aujourd'hui, c'est un atout important et je suis ravie d'avoir fait ce choix parce que j'ai vécu une expérience formidable là-bas, j'ai rencontré des gens des quatre coins du monde, une autre mentalité, un football qui était intéressant malgré ce qu'on peut en dire et qui est encore trop méconnu à mon sens. Mais il y a des joueuses qui sont de grande qualité et, sincèrement, je le conseille à toutes les filles qui souhaitent vivre à l'étranger au moins un an.

 

CDF – Et justement quel exemple de cliché vous avez pu casser sur le football britannique en allant jouer là-bas ?  

 

SB – Nous entendons beaucoup que c’est un football basé sur le plan physique.
Certes, il y a certaines joueuses qui ont ce profil mais la plupart se distinguent par leur aisance technique. Aujourd'hui encore, je les vois faire des matches pour se qualifier à l'Euro, c'est intéressant, il y a des phases de jeu de haut niveau. Il ne faut pas s’arrêter aux clichés, on peut être agréablement surpris du résultat.

 

Clairefontaine « c'est là où j'ai le plus progressé »


 

CDF – Vous avez été une saison à Paris, vous avez aussi connu l'INF Clairefontaine. Est-ce que ce « très haut niveau », les équipes qui jouent les titres, pourquoi pas la Coupe d'Europe, est-ce que c'est quelque chose que vous voulez essayer de retrouver avant la fin de votre carrière ?

 

SB – Oui, bien sûr c'est un objectif qu'il faut garder en tête si on veut continuer à progresser. Le plus haut niveau en termes de rigueur et d’apprentissage, je l’ai connu à Clairefontaine. Un niveau élevé d'exigence, une recherche constante de progression, la confrontation régulière aux entraînements avec les meilleures joueuses de ma génération, c'était vraiment intéressant.

 

Partager ma passion aux côtés de joueuses qui ont les mêmes objectifs, les mêmes ambitions que moi fait partie de mes aspirations.

 

CDF – Et le fait que la prochaine Coupe du Monde se joue en France, ça donne une motivation supplémentaire par rapport à ces objectifs-là ?

 

SB – Oui, c'est extraordinaire ! Une Coupe du Monde en France, c'est une première. Ce sera une vraie opportunité pour le football féminin, une très belle aventure et, en tant que joueuse, une motivation supplémentaire pour se dire : « Pourquoi pas ? ». Après il faut franchir les étapes petit à petit. Intégrer l'équipe de France, c'est quelque chose qui se mérite, qui demande énormément de travail. Il faut donc faire de bonnes performances en club qui puissent être remarquées au cours de la saison.

 

« J''ai voulu aller au bout de ma scolarité

en obtenant mon Master. »

 

CDF – Vous avez évoqué vos études. Vous avez validé un master en Ingénierie et Management des Organisations Sportives. Est-ce que cela veut dire que vous êtes déjà dans l'optique de rester dans le football après votre carrière sur le terrain ?

 

SB – Je ne sais pas encore. Pendant ma période d’études, le double-projet était essentiel. J’ai eu une grave blessure au genou à l’âge de 20 ans qui m’a fait réfléchir et il m'est apparu évident d’avoir un bagage professionnel à côté. J'ai voulu aller au bout de ma scolarité en obtenant mon Master. Maintenant c'est fait, je peux d’avantage me consacrer au foot puisque, aujourd'hui, je travaille à mi-temps, j'ai toutes mes matinées libres pour travailler des aspects essentiels comme la musculation ou faire du travail spécifique en plus.

 

CDF – Et aujourd'hui, votre travail a un rapport avec le football ou pas du tout ?

 

SB – Je travaille au service communication de la Mairie de Rodez. Le travail est varié et touche de nombreux domaines, notamment le sport, la culture, je participe à la préparation d’un festival phare de notre ville, c’est vraiment enrichissant.

 

CDF – En lien avec vos études, vous avez participé aux Universiades et vous avez remporté le titre de championne du monde universitaire en 2015 avec l'équipe de France, un de vos plus beaux titres. De l'extérieur, on a l'impression que l'équipe de France universitaire comme l'équipe de France B sont un peu des antichambres pour les A. Est-ce que c'est aussi comme cela que les coachs vous présentent les choses ?  

 

SB – Oui, les bonnes performances aux Universiades ont propulsé plusieurs joueuses en équipe de France A. On l'a vu avec Valérie Gauvin, Clarisse Le Bihan et Laura Agard. Pour ma part, je n’ai jamais été appelée en équipe de France B. J'ai fait les Universiades, et l'année d'après la Coupe du Monde avec l’équipe de France Militaires, de la même manière nous avons été championnes du monde, ce sont des expériences fabuleuses.

J’aime l’Equipe de France, donc l’important c’est de travailler tous les jours, de faire bonnes performances en club et se dire qu'à un moment donné on sera récompensé du travail fourni.

 

« Être à la finition, être décisive »

 

CDF – Pour parler de votre rôle sur le terrain. Vous revendiquez un rôle de joueuse offensive, portée vers l'avant. A Rodez, vous évoluez au milieu de terrain, peut-être un peu plus bas et avec plus de tâches défensives qu'à d'autres moments de votre carrière. Comment vous voyez votre rôle sur le terrain ?

 

SB – Nous jouons dans un dispositif avec deux 10 et une 6. C’est vrai que ça m'amène à davantage décrocher pour demander les ballons mais personnellement je préfère être à la finition, délivrer des passes décisives. C'est l'objectif, être décisive. Après, je ne rechigne pas à la tâche défensive, je pense que ça fait partie du job de chaque joueuse de l'équipe.

Si les dix/quinze dernières minutes du match, il faut transformer notre triangle en deux 6 une 10, et aider à défendre pour tenir le score, c'est quelque chose que je ferais sans souci. L'important c'est de revenir avec la victoire. C'est quelque chose que je fais naturellement, même si je préfère un positionnement plus offensif.

 

Quand vous parlez d'être décisive, c'est un peu comme ce que vous aviez pu faire contre Marseille au match aller [sur le deuxième but de Rodez], arriver à faire des différences dans des petits espaces, c'est ça l'idée ?

 

SB – Oui, c’est mon jeu, la percussion, les dribbles. C'est là où j’éprouve le plus de plaisir sur un terrain, être à la finition, être décisive et mettre mes coéquipières dans les meilleures conditions pour marquer.

 

photo: Mica GBM @PhotooRafettes

Hichem Djemai