Depuis l'arrivée de Corinne Diacre, le milieu de terrain semble être l'un des secteurs où la reconstruction risque d'être la plus complexe en vue de la Coupe du Monde. Face à l'Italie, les essais devraient se poursuivre dans un entrejeu où beaucoup ont commencé à chercher les joueuses qui pourraient prendre la succession des – déjà regrettées – Louisa Nécib et Camille Abily.

 

Les premiers mois de Corinne Diacre à la tête de l'équipe de France ont vu de nombreuses joueuses être essayées par la sélectionneuse des Bleues. Une période de test qui n'empêche pas de voir d'ores et déjà se dessiner des lignes de force dans les choix de Corinne Diacre. Parmi les joueuses qui se sont imposées, le meilleur exemple est peut-être celui de Marion Torrent, un temps bloquée à la porte de la sélection, et qui s'impose aujourd'hui au poste de latérale droite, donnant « pleine satisfaction » à l'actuelle sélectionneuse.

Viviane Asseyi est elle aussi devenue incontournable, en balance avec Kadidiatou Diani dans le couloir droit, avec quelques buts ''décisifs'' inscrits lors de cette première séquence de matches amicaux. Ouleye Sarr s'est également fait une place à la pointe de l'attaque, là où d'autres joueuses ne sont pas réapparues après de premiers essais en 2017. Des joueuses qui ont réussi à se hisser dans le groupe France, alors que les choses semblent plus floues dans certains secteurs de jeu.

 

Reconstruire le milieu de terrain

 

C'est notamment le cas au milieu de terrain, et en particulier pour les joueuses positionnées derrière les attaquantes, le plus souvent sous la forme d'un 4-3-3, avec alternativement une pointe haute ou une pointe basse au milieu. Derrière l'organisation du milieu du terrain, émerge un débat très « français », celui de savoir qui pourrait jouer le rôle de « numéro 10 » de l'équipe de France ?

Une manière de formuler les choses qui posent aujourd'hui problème notamment parce qu'il existe peu de joueuses françaises qui correspondent aujourd'hui à ce profil. Parmi elles, Gaëtane Thiney, n'a pas été appelée par Corinne Diacre, depuis son arrivée à la tête des Bleues.

Dans les clubs de haut de tableau, les joueuses qui jouent ce rôle ne sont pas nécessairement françaises, faisant écho au débat sur le temps de jeu des joueuses internationales tricolores. Dzsenifer Marozsan à Lyon, Shirley Cruz, Vero Boquete ou Jennifer Hermoso à Paris, tandis que Montpellier évolue sans véritable numéro 10, même si par exemple Sandie Toletti (convoquée mais finalement forfait face à l'Italie) prend régulièrement des responsabilités dans la construction du jeu héraultais.

Un manque illustré par la composition des équipes du PSG et de l'OL au milieu de terrain lors du choc entre les deux équipes en décembre dernier. Sur les six milieux de terrains alignées par les deux équipes, une seule joueuse française, Kheira Hamraoui, elle qui n'a également pas été convoquée en Bleue depuis l'arrivée de Corinne Diacre.

 

Un 10 à tout prix ?

 

Trouver une ou plusieurs « numéro 10 » peut ressembler à une ''mission'' prioritaire pour la sélectionneuse des Bleues, notamment avec les retraites internationales de Louisa Nécib et de Camille Abily, elles qui étaient devenues des éléments essentiels de l'équipe de France ces dernières années au milieu de terrain. Pourtant, lors du dernier Euro, on a pu voir que les meilleures équipes du tournoi ne disposaient pas nécessairement de véritables meneuses de jeu. L'Allemagne de Marozsan a été sortie dès les quarts, de même que la Roja espagnole qui évoluait avec deux « numéro 10 », Amanda Sampedro et Vicky Losada.

Les Pays-Bas, vainqueur de l'épreuve, disposait surtout d'un milieu de terrain à trois complémentaire, dans lequel la qualité de passe de Jackie Groenen a été le pendant de la capacité de Danielle van de Donk à provoquer balle au pied et s'infiltrer dans la défense. La capitaine Sherida Spitse, positionnée un cran plus bas, dispose de son côté d'une redoutable frappe de balle sur coup de pied arrêté. Dans ce trio, difficile de faire émerger une véritable meneuse de jeu, même si Jackie Groenen a été parfois considérée comme la métronome de cette équipe.

Au-delà de l'exemple hollandais, le constat est encore plus flagrant chez les autres demi-finalistes de l'Euro, l'Angleterre, l'Autriche et le Danemark, des équipes qui ont souvent laissé la possession du ballon à l'adversaire et propoé un jeu plus direct, en contre ou sur des attaques rapides dès la récupération du ballon. Du côté du Danemark et de l'Angleterre, derrière l'attaquante de pointe, on retrouvait une autre attaquante, Fran Kirby pour les Leonesses dans le dos de Jodie Taylor et la capitaine danoise Pernille Harder en soutien de Nadia Nadim, elle qui évolue aussi régulièrement en pointe ou sur les côtés avec Wolfsburg.

 

Redistribuer les cartes et les rôles

 

Plus qu'un schéma préétabli dans lequel on fait rentrer des joueuses, l'absence de leaders techniques naturels au milieu de terrain fait que l'entrejeu français pourrait nécessiter d'être repensé en vue du Mondial. Les nombreux essais effectués par Corinne Diacre, et les nouveaux qui se profilent avec notamment la convocation de Daphné Corboz, semblent indiquer qu'une première solution n'a pas nécessairement émergé pour le moment.

On retrouve également un déséquilibre au milieu avec beaucoup de joueuses sélectionnables qui évoluent dans des rôles plus défensifs en club, à commencer par la capitaine tricolore Amandine Henry. Un surnombre qui pourrait éventuellement amener les Bleues à évoluer vers un jeu avec moins de possession du ballon, plus direct comme on a pu le voir en amical face à l'Espagne ou l'Angleterre. Une petite révolution, d'autant que cette option serait loin du jeu pratiqué par la plupart des joueuses tricolores en club.

Parmi les autres questions que l'on peut poser, celle par exemple du rôle d'Eugénie Le Sommer qui n'est plus véritablement une attaquante de pointe ni en club avec Lyon ni en sélection. Vice-capitaine et véritable cadre de cette équipe, elle est également l'une des meilleures passeuses de D1 à côté des 11 buts qu'elle a inscrit depuis le début de saison. C'est aussi celle du rôle à donner à Amel Majri, elle qui évolue à la fois en latérale et en milieu gauche en club, et qui comme Eugénie Le Sommer est aujourd'hui l'une des meilleures passeuses du championnat.

Des interrogations sur des individualités et plus généralement sur l'équilibre de l'équipe, avec dans plusieurs matches, le sentiment de voir l'attaquante de pointe durablement isolée du reste de l'équipe. Dans l'axe, l'équipe de France peut évidemment avoir besoin de joueuses pour participer à la construction du jeu mais aussi venir se projeter, avec ou sans ballon, aux abords du but adverse.

 

Des réponses en 2018 ?

 

Lors du match France-Allemagne, Steffi Jones avait par exemple aligné une équipe avec trois attaquantes qui peuvent évoluer en pointe (Islacker, Huth et Popp) et un milieu de terrain avec trois joueuses qui ''mènent le jeu'' dans leurs clubs respectifs (Marozsan, Kemme et Dallmann). Un déséquilibre vers l'avant qui n'a pas empêché l'Allemagne de ne pas encaisser de buts dans cette rencontre à sens unique.

Loin d'un tel potentiel dans l'immédiat, le milieu de terrain français apparaît aujourd'hui en reconstruction après avoir été un temps l'un des points forts de la sélection tricolore. Un chantier qui pourrait se révéler déterminant notamment pour permettre aux Bleues de retrouver un potentiel plus important sur le plan offensif, une difficulté régulièrement pointée ces dernières années.

Une tâche d'ampleur qui pourrait se prolonger au cours de l'année 2018 avec des terrains d'expérimentation privilégiés face à l'Italie mais surtout lors de la She Believes Cup, un tournoi qui de manière plus globale pourrait servir de véritable point d'étape pour l'équipe de France et Corinne Diacre, la sélectionneuse tricolore.

Hichem Djemai